2019 .11: Odile Victor, « Tupeenou », vient de nous quitter…

Ven08Nov201910:20

2019 .11: Odile Victor, « Tupeenou », vient de nous quitter…

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 Grande figure du Mouvement et de son évolution…

 

En 2015, nous nous étions réunis dans les Pyrénées pour fêter le centenaire de notre amie, autour d’un bon repas proposé par un de ses anciens élèves. Nous avions trouvé Tupeenou en pleine forme intellectuelle et nous avions pu évoquer les années où, membre de l’équipe nationale Louveteaux animée par Andrée Barniaudy, elle avait participé efficacement à la réflexion sur une évolution nécessaire de la branche et du Mouvement.

À partir de son expérience d’éducatrice laïque et de sa parfaite connaissance du scoutisme, de ses valeurs et de ses traductions, acquise dans sa participation active à des stages de formation : les visiteurs trouveront sur ce site des extraits de ses carnets de Cappy (le lieu de formation national des E.D.F.) et de Gilwell (le lieu international). Elle a été une des toutes premières à « expérimenter » la coéducation à la branche cadette, en un temps où c’était presque une révolution…


 

Hommage d’Alice Bonnahou (Rainette), une des premières cheftaines de l’équipe d’Odile Victor à Tarbes.

(Texte d’Andrée Mazeran-Barniaudy)

C’est au nom de l’association des Éclaireuses Éclaireurs de France que je voudrais apporter ce témoignage. Andrée Mazeran, ancienne responsable nationale du Mouvement, amie d’Odile Victor depuis 70 ans, ne peut pas être présente. Ensemble, nous évoquons notre amie commune.

Pour la « cérémonie » de son centenaire, organisée par Andrée, devant des responsables éclaireurs venus de toute la France, Odile Victor retraçait son passé :

« J’ai construit mon parcours dans la relation et la communication avec les autres. J’ai essayé de créer des liens. Mais l’acte fort de ma vie fut l’adhésion aux Éclaireurs de France. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’enfance et la jeunesse perdues, désorientées, avaient besoin d’encadrement pour retrouver la confiance et le sens de la solidarité. Des responsables du scoutisme ont répondu à cet appel. J’étais enseignante, j’ai adhéré aux E.D.F., Mouvement laïque, et j’y ai trouvé un nouveau sens à ma vie… et, depuis, les lignes porteuses du Mouvement sont devenues le pivot de ma vie professionnelle et personnelle.

Et si j’avais à recommencer ma vie, je la revivrais semblable, pour tout ce que j’ai découvert et aimé. »

Odile a, durant toute sa vie active et même au-delà, à la retraite, assumé des responsabilités dans le Mouvement. Elle a été, pendant de longues années, cheftaine de louveteaux à Tarbes. Quittant son bureau de proviseur, elle enfilait l’uniforme et partait à travers la montagne avec les enfants. Elle a eu des responsabilités régionales, nationales, internationales. Ses week-ends, ses vacances scolaires étaient consacrés à des réunions à Paris, à des stages en France, en Afrique, à des stages franco-allemands…

Elle était aussi à l’aise dans le lancement d’un grand jeu avec les enfants de dix ans que dans les débats en Assemblée Générale. On pouvait la trouver aussi assumant avec une parfaite maîtrise le balayage d’une salle ou le nettoyage d’un lavabo. Avec une simplicité impressionnante, la grande intellectuelle s’adaptait à toutes les tâches, toutes les tâches avaient leur noblesse pour elle.

Elle savait que son action pédagogique auprès des jeunes, auprès des cadres, s’inscrivait dans la formation civique, un des principes de l’association. Cette formation à la citoyenneté était, pour Odile Victor, indissociablement liée à l’éducation en commun des filles et des garçons. Avec détermination et clairvoyance, elle a été la première dans le Mouvement à créer, en 1948, une meute mixte : la coéducation des filles et des garçons était lancée !

Odile a été, pour tous ceux qui l’ont côtoyée, un exemple de générosité, de dévouement, de rigueur, de modestie, une référence en pédagogie.

Et, dans ses années d’automne, Odile a eu le mérite de prolonger cet exemple de militante, de ne jamais abdiquer, d’avancer par la force de sa volonté, de garder, malgré les ans, la même droiture, la même capacité de distanciation, la même alacrité mis aussi la même sensibilité, la même émotion, le même émerveillement devant la vie, en un mot la même jeunesse. Elle a eu le mérite d’être unique.

Et les reflets qu’elle laisse sur nous sont impérissables.

Au nom du Mouvement, je te dis : merci, Odile !

 



À l'occasion de ce centenaire, lui avait été remise la médaille de reconnaissance du Mouvement attestée par une lettre de la présidente des EEDF que nous rappelons ci-après :

 

 

 


 

Il nous semble intéressant de reproduire également le texte d’un article paru en 2009 dans « La Dépêche » de Toulouse qui nous en rappelle le parcours régional :

 

LA DÉPÊCHE

 

 

 

Publié le 23/11/2009

 


 

Elle avait 30 ans tout juste. Et devant elle, une société qu’il fallait à présent reconstruire en misant sur la jeunesse. 1945… L’année où l’institutrice Odile Victor, née à Ferrières, est donc entrée aux Éclaireurs de France, « parce que j’avais soif de renouveau, d’engagement », se souvient-elle aujourd'hui. Mlle Victor. « Toupinou » depuis 1947. Dictant immédiatement l’usage du « nous » plutôt que celui du « je ». De la photo de groupe plutôt que du portrait. Parce qu’on est là pour parler des Éclaireurs et Éclaireuses de France, dont c’est le congrès régional à Tarbes, samedi et dimanche prochains, du collectif qui a occupé l’essentiel de sa vie, non de l’individuel. Et que la proviseure de Reffye qu’elle a été est toujours bien vivante dans le ton, les idées claires sur la direction des opérations ; bref, pas prête à s’offrir à un quelconque panégyrique.

« Toupinou », alors ? Un totem qui lui est venu sur un quai de gare en 1947 et qui dit à la fois « lutin facétieux du Grand Nord, petit chaudron bouillonnant ou petit oiseau de chez nous », explique-t-elle. Forte personnalité qui ignorait « tout du scoutisme » et y est entrée au hasard d’un stage d’instruction à Toulouse, avec des responsables des Éclaireurs, des Francas et des Centres d’entraînement à l’éducation active « parce qu’en 1945, nous voulions tous trouver de nouvelles pistes éducatives dans une société qui en avait bien besoin ».

 

Autour d’Odile Victor, qui a fait un camp de formation scout chez Baden Powell en 1956,

Aline Bonnahon et Claude Théodore, à droite: trois générations d’éclaireuses.

Concrètement ? En créant « de véritables sociétés avec l’enfant, un enfant qui devenait acteur de ses décisions, qui tenait des conseils où il donnait son avis, avec des activités qu’il montait, des projets collectifs », rappelle-t-elle. Ce qu’elle fit donc chez les Éclaireurs, en s’occupant de la meute de louveteaux de Tarbes, à partir de 1948. Détachée de l’Éducation nationale pour servir l’éducation populaire, les activités extrascolaires avec la « bénédiction » laïque de l’inspecteur d’académie Pons, « le père de Bernard Pons ». Parce qu’à l’époque, recteurs et inspecteurs soutenaient concrètement le mouvement, « mouvement qui a éclairé ma vie et où j’ai rencontré des personnalités rares, hors du commun, dans un climat de confiance, d’amitié, de fraternité, de sincérité et avec le désir d’aller toujours de l’avant ».

Aller de l’avant ? Pour le scoutisme laïque, les Éclaireurs, c’était donc être l’avant-garde au sens strict. « Enfants d’ouvriers, de médecins, d’enseignants : il y avait une très grande mixité sociale » tous les jeudis après-midi ou au rendez-vous mensuel du dimanche, chez les louveteaux, pour les jeux et « l’éducation spirituelle » qu’on appellerait culturelle, aujourd’hui : l’initiation à la musique, la poésie, les grands textes, la peinture…

S’il y a des filles…

Mais « nous avons été aussi les premiers à être un mouvement de coéducation », rappelle « Toupinou ». Officiellement en 1966, avec le regroupement des Éclaireurs et Éclaireuses. Dès 1949 à Tarbes, chez les louveteaux. Même qu’elle n’a pas été facile à réaliser, cette mixité-là.

Car « s’il y a des filles, nous, on vient plus », avaient prévenu ses louveteaux frondeurs. Que l’arrivée d’une Fifi Brindacier de leur âge eut vite fait de retourner. Louveteaux, 8-11 ans… « c’est merveilleux, cet âge, » se souvient-elle encore. Qui, après plus de 40 ans d’engagement, pense que le mouvement doit continuer à évoluer et explique ainsi l’apport des Éclaireurs et des Éclaireuses : « ça donne aux gens le sens du possible et la volonté d’y accéder par le travail et l’investissement, un sens des responsabilités très apprécié plus tard, dans les parcours professionnels ». Et ce qu’elle en aura retenu, elle ? « Quand un enfant vous donne la main, avec toute sa confiance, vous vous sentez invincible. »

Sans plus de commentaire, Tupeenou est toute entière dans ce texte qui montre la continuité de son engagement à travers les décennies !

 

 



Et pour ceux qui se poseraient encore la question de l’orthographe et de la signification de son totem, ce petit mot sur une page du « livre d’or » de la maison d’Adeline Éloy-Gavazzi dans le Gers :

 

 



 

Pour terminer, la dernière page de son « carnet de Cappy » :

 

 

Tupeenou a fait de sa vie « quelque chose de simple, de droit ».

Elle a donné son corps à la médecine.

 

 

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