1940 : Un éditorial du Lien, revue des E.U.

Dim05Mai201921:36

1940 : Un éditorial du Lien, revue des E.U.

… donne bien une idée de l’ambiance de cette période, pour une association « religieuse »

 

 

Document transmis par notre ami Cédric Weben, membre du Mouvement et passionné d’histoire, cet extrait du « Lien » de juillet 1940 est écrit par le pasteur Jean Joussellin, alors membre de l’équipe nationale Unioniste.

 

CE PAYS N’EST PLUS UN LIEU DE REPOS

(Michée 210)

Notre pays souffre terriblement. Il est envahi plus qu’il ne l’a été depuis des siècles, et, autour de nous, bien des personnes et peut-être même des parents ou des amis commencent à désespérer.

À l’heure où je vous écris la plupart d’entre nous attendent de savoir, d’un moment à l’autre, les conditions que l’ennemi posera à un armistice. Nous sommes dans l’angoisse, nous demandant quel sera le prix de la paix. Nous craignons, non seulement de perdre certaines libertés, mais encore de ne plus retrouver la possibilité d’affirmer les vérités essentielles : pourrons-nous encore consacrer toutes nos forces et toutes nos pensées à tenir les promesses que nous avons faites (promesse de l’éclaireur, engagement religieux de chef) ?

Nous ne pouvons prévoir de quoi demain sera fait et il nous est encore plus difficile de savoir quelle sera notre situation au jour où vous recevrez ce journal ; malgré cela, nous avons des consignes précises à donner à chacun. Il nous est possible de vous dire quelle forme doit prendre notre fidélité.

Quelle fidélité ?

Parfois nous avons discuté, distinguant le service que nous devions à Dieu de celui que nous devions à notre Patrie. Nous savons maintenant que cette distinction n’est pas possible.

La Patrie n’est pas pour nous une nouvelle idole, un faux Dieu : mais elle est la terre où Dieu nous a fait naître, non seulement pour profiter de ses beautés et de ses splendeurs, mais surtout pour y être ses ouvriers et ses témoins. En nous donnant un pays, il dit, comme dans la parabole : « Mon enfant, va travailler dans ma vigne. » Il a une vigne de France où il veut que nous travaillions, comme à d’autres il a confié son champ d’Angleterre ou d’Allemagne.

Or, nous savons que si ceux qui nous font la guerre veulent dominer sur toutes terres, ils ne veulent pas que Dieu en soit le souverain. Ils persécutent, emprisonnent, calomnient ceux qui veulent servir Dieu. Une mère allemande écrivait à Chamberlain, le suppliant de venir à son secours : par le fait de l’éducation nazi, son fils renierait Dieu et ses parents.

Dieu a bien d’autres moyens que nos armées pour installer son royaume ; cependant il doit pouvoir compter sur nous. Il faut que nos faibles moyens et notre persévérance puissent prouver au monde que nous n’avons pas abandonné l’héritage qui nous a été confié, et que nous avons tout fait pour y maintenir la liberté et la dignité de vie qui permettront que l’évangile y soit annoncé.

 

Notre part

C’est à cause de tout cela que nous pouvons reprendre à notre profit le récit du chapitre 2 de Michée. Trop de Français et trop de Chrétiens ont dit : « Cela n’est pas mon affaire. » Ils ont fermé les yeux sur l’injustice, l’impureté, l’égoïsme. Trop de Chrétiens n’ont pas voulu être de ceux qui annoncent l’Évangile, laissant ce soin à d’autres. Et maintenant, le malheur est sur le pays :

« Ils convoitent les champs et ils s’en emparent, les maisons et ils les enlèvent. »

Il faut relire tout ce chapitre 2 pour voir que notre misère n’est qu’un écho de celle du peuple d’Israël.

Au milieu de la description des malheurs de la nation, nous entendons ce message :

« Levez-vous, marchez, ce pays n’est plus un lieu de repos. »

Il ne s’agit pas de laisser faire les autres ; mais il faut que chacun fasse quelque chose.

Entendez-vous bien chacun :

- Vous, cheftaines et chefs qui devez, malgré tout, continuer à diriger et à surveiller des garçons.

- Vous, c.p. et routiers qui, s’il n’y a plus de chefs ou de cheftaines, devez rassembler vos camarades et ne jamais accepter qu’ils soient découragés ou inactifs.

- Vous aussi, éclaireurs ou louveteaux, qui, quoi qu’il arrive, restez unis comme des frères.

Oui, dans ce pays il ne peut plus y avoir de repos. Un service est dévolu à chacun, faisons-le avec acharnement. Mais faisons-le unis, nous appuyant les uns sur les autres, lui donnant son sens et sa vigueur par l’obstination avec laquelle nous tiendrons notre promesse et obéirons à la loi de l’éclaireur.

Plus loin, vous trouverez des conseils pratiques. Que chacun, selon l’endroit où il est, et selon ses possibilités, fasse quelque chose, qu’avec ordre et discipline il se lève et marche. Si, partout où ils sont, les Français et les Chrétiens font tout cela, notre pays sera sauvé, et la parole de Dieu y sera encore annoncée.

Nous ajoutons que, si parmi nous, ce que je ne souhaite pas, il en est qui ne veulent pas se mettre au travail, la plus stricte loyauté exigerait qu’ils le disent franchement, et démissionnent.

Dans le Mouvement, il n’y a plus de place pour ceux qui y restent que pour les jeux et les amusements. Être E.U., c’est vouloir servir, et servir, c’est se soumettre à une certaine discipline.

 

Après.

- Qu’arrivera-t-il ?

- Seulement ce que nous promet la fin du chapitre 2 du prophète Michée :

« Je rassemblerai les restes d’Israël, Je les réunirai comme les brebis d'une bergerie, Leur roi marchera devant eux, Et l’Éternel sera à leur tête. »

- Pour quand est-ce que cela sera, direz-vous ?

- Nous ne pouvons que répondre : « Nous n’en savons rien ; mais nous avons, cependant, cette confiance en Dieu, d’attendre de Lui cette nouvelle bénédiction. Ne nous a-t-il pas donné le Bon Berger, et ne savons-nous point qu’il n’éprouve aucun des siens au-delà des forces qu’il lui accorde ? »

 

18 juin 1940.

Jean JOUSSELLIN, C.N.I.

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