1943 : Vers Millau et l'Aveyron, en zone dite libre

Mar16Aoû201114:17

1943 : Vers Millau et l'Aveyron, en zone dite libre

 Philippe Bernat donne l'exemple de l'Aveyron à travers des  documents  authentiques et des extraits d'ouvrage écrits par des témoins.

 

En 2011, Nicolas Palluau propose un débat sur l’attitude «officielle» de l’association des E.D.F. durant la guerre.

Il nous semble que l’on ne peut séparer l’attitude officielle de l’association du comportement de ses dirigeants et de ses membres dont le livre « Une jeunesse engagée » fait un état éloquent.

 

L’erreur est souvent de s’en tenir aux archives officielles sans vérification des situations sur le terrain et sans tenir compte du fait que des activités "clandestines" ne peuvent, par définition, pas avoir de traduction officielle : pour l’Aveyron, on donne souvent comme exemple de l’allégeance de l’association au régime l’augmentation des effectifs et des groupes (statistiques trouvées dans les archives officielles). Je peux répondre par l’exemple du groupe de Millau : si le régime de Vichy comptait sur les membres du groupe il était mal tombé ! Nous pourrions probablement prendre également Rodez. Le texte de Jean Laborde, dont le site présente quelques extraits, est éclairant sur cette situation.

 

Quelques commentaires :

 

* Francis Laborde, sous-préfet de Millau de 1943 à 1945, résistant et Éclaireur de France, a fait une communication écrite à l’Université populaire du Sud-Rouergue (Annales 1990/1991)

* Jean Birebent (cité par Laborde) était aussi E.D.F. (Huppe Joyeuse) au groupe de Millau puis chef départemental  F.F.I. de l’Aveyron, et, à la Libération, inspecteur général de la 16eme région des Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.)

* Pipien (Lion Paisible) faisait également partie du groupe de Millau (le local était chez lui) ; le maire de Verrieres, également dénommé Pipien, fut destitué comme Franc-Maçon en 1942. Je ne sais si il s’agissait de lui ou de son père je peux avoir la réponse bientôt.

* Alfred Merle, patron protestant, résistant, est mort sous la torture ; son gendre Jean Carriere (Roland dans la résistance, chef du maquis d’Aubrac), cousin par alliance de François Vernier mon ancien responsable du groupe EEDF de Millau et père d’Yves avec qui j’avais repris la branche éclai au début des années 1970, du groupe (nous avions 16 ans). Nous préparions les sorties chez eux, je revois Jean Carriere, ce vieux gaulliste, dans son fauteuil écoutant France Musique : aurait-il accepté que son fils soit dans un Mouvement ayant été indigne durant la guerre?"

 

Philippe Bernat


Et quelques documents :

Francis Laborde, sous-préfet et militant E.D.F., engagé dans la Résistance, présente son action et en décrit les péripéties sous l'Occupation. Nous en avons sélectionné quelques pages.

En premier lieu, une présentation de la Résistance :

Une page traite du rôle des fonctionnaires dans cette période ; elle peut apparemment être considérée comme valable également pour les Mouvements qui ont continué d'exister tout en menant une action non officielle :


Une page de ce récit concerne Jean Lubecki, chef de clan E.D.F. :

 

 


Dans un ouvrage intitulé "Millau, terre d'accueil des Juifs à l'ombre de l'Occupation, 1940-1944", Armand Denis Mendelson évoque le groupe E.D.F. de Millau et son rôle dans l'aide aux Juifs pourchassés :

Une des dernières Lettres de Max Lubecki

Le 28 Mars 1944
avant son départ pour le front d’Alsace dans l’armée du Rhin.
Elle est adressée à son chef des éclés, Robert Taurines (source: ouvrage de Mendelson).

« Chef,

Comme suite à la promesse faite je me décide à mettre la main à la plume (...)
Je ne doute pas qu’avec ton aide, du temps et un très gros travail, je ne sois arrivé à faire des gars du Douminial des hommes selon la loi et la grande tradition des E.D.F.. Comme tu le vois, je ne suis pas précisément modeste, mais je n’ai jamais eu la prétention de l’être ; j’ai au contraire le grand orgueil dans le sang. (...)
Ce que nous te demandons surtout, c’est d’être devant nous, nous te voyons surtout plus comme entraineur que modérateur. N’aie pas peur de blesser, de secouer, de faire râler, exige de nous le maximum, je suis sur que nous te le donnerons. Secoue férocement notre apathie, nos tentatives de faire autre chose que du travail véritablement routier, à savoir la culture de l’esprit, la formation du caractère, le développement de l’esprit de service. Le reste, en ce qui concerne le corps, nous sommes en mesure de faire le travail nous même. Je voudrais aujourd’hui développer ce que j’entends par formation du caractère et la culture de l’esprit, malheureusement je suis pressé par le temps et je vais être obligé de couper court.

Sanglier.»


Quelques semaines plus tard il tombait d’une balle en plein front...


Quelques pages du registre d'inscription du groupe de Millau

On remarquera la mention «réfugié» à l’emplacement profession des parents.

Manuel Diaz réfugié de la guerre d’Espagne, réusssira dans les affaires, sera trèsorier national et financier des "radicaux de gauche", puis des radicaux Valoisiens, il convaincra Robert Fabre ( qui raconte sa jeunesse chez les éclés dans ses souvenirs «Quelques baies de geniévre» écrits
avec André Bercoff comme nègre) de lâcher la gauche. Manuel Diaz sera maire de Millau puis adjoint à Paris. Décédé récemment,  il avait aussi la médaille de la résistance.

David Mendelson (aujourd’hui en Israël) gardera un souvenir ému de son passage à Millau et chez les EdF et écrira l'ouvrage cité ci-dessus sur l’accueil des juifs à Millau. (...ses souvenirs de sa jeunesse dans cette ville sont certainement trop enthousiastes quand à l’accueil reçu et à certains personnages !). On trouve dans le bouquin de Mandelson des recits de Gilbert Kamoun, et sur la famille Lubecki par Jacques.

On remarquera le nombre important de réfugiés juifs dans l’effectif mentionnés dans les registres de 1942 à 1945.

Imprimer