1952.09 : L'"affaire Bertier" - Petit essai d'analyse sociologique

Lun26Avr201007:30

1952.09 : L'"affaire Bertier"

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Petit essai d'analyse sociologique

Rappel historique : Georges Bertier est un des fondateurs des Éclaireurs de France, l’un de ceux qui, dès le début, ont eu l’intention de ce que le scoutisme nouvellement apparu pouvait apporter en termes d’éducation. Il a été un des responsables du camp-école de Cappy, l'un des premiers présidents de la Fédération, a accompagné la réflexion – difficile – sur le pluralisme, la neutralité et la laïcité à introduire dans le scoutisme où ces notions n’existaient pas (voir "Notre histoire : Comment les E.D.F. ont introduit la laïcité dans le scoutisme").

Il a été partie prenante de l’évolution de l’association dans les années qui ont suivi la guerre, aussi bien en ce qui concerne le nouvel article 1 des statuts que les conclusions des Résolutions d’Angoulême, ou les prises de contact avec la F.F.E. N pour la réflexion sur la coéducation.

Son apport aux Éclaireurs de France est donc incontestable, et n’a jamais été contesté. Même à l’issue de cette crise qui a conduit Georges Bertier à participer à la création d'une association dissidente, le Comité Directeur a tenu à rendre hommage à son action pendant quatre décennies.

Pourquoi donc un grand "chef historique" en est-il venu à mettre en cause, en des termes extrêmement violents et, d’ailleurs, souvent discutables, les orientations fondamentales de ce Mouvement dont il a toujours été membre des organes de décision, y compris dans la période qu’il a mise en cause ?

On peut voir dans cet épisode une sorte de "répétition générale" du conflit latent qui opposera longtemps, sinon toujours, les tenants d’un "conservatisme scout" et ceux qui considèrent que le Mouvement doit, en permanence, tenir compte de l’évolution de la société dans laquelle il vit. La réponse des E.D.F. est d’ailleurs claire : le garçon de 1952 n’est pas le même que celui de 1911, les méthodes qui lui sont proposées ont évolué – même la tenue qui se fait "moins voyant" !

Il n’est pas anormal que Georges Bertier, chevalier blanc de ce conservatisme, s’en soit pris essentiellement à deux des éléments principaux de cette évolution : le rôle de la Route et la coéducation.

En ce qui concerne la Route, il est clairement précisé que le Mouvement a pour but de former des citoyens conscients – et certains Routiers ont l’âge de l’engagement militaire : c’est même parce que deux clans ont choisi de s’engager collectivement pour l’Indochine que le problème est venu jusqu’au Comité Directeur ! Leur revue aborde des questions qui les concernent, ils peuvent y donner leur opinion, et le Scoutisme Français, réuni en jury d’honneur, ne s’y trompe pas. Le problème se posera à nouveau, quelques années plus tard, à propos de l’Algérie.

En ce qui concerne la coéducation, c’est également un domaine en totale évolution, voire révolution, qui est concerné : les affirmations concernant le comportement douteux de certains clans sont d’autant plus étonnantes, voire fallacieuses, que ceux qui s’engagent dans ce type d’expériences savent parfaitement qu’ils sont sous surveillance serrée… Les contacts sans suite avec la F.F.E. N ont eu lieu alors que Georges Bertier était membre du Comité Directeur, sans qu’apparaisse de sa part une quelconque mise en garde.

En réalité, le Mouvement a tiré les conclusions de la période de la guerre où les jeunes gens ont eu, comme des adultes, à prendre des décisions personnelles qui engageaient leur vie et leur avenir. Il en a conclu qu’on ne pouvait plus les cantonner à un scoutisme fait «de jeux, de nœuds et de feux» et qu’il fallait, un peu plus, les considérer comme des adultes. Ce qui n’a pas été accepté par certains «vieux chefs» (et ne l’est peut-être pas toujours aujourd’hui ?).

NB : certains se demanderont s'ils est bien utile de publier, en cette année 2005, le dossier d'une crise vieille de plus de 50 ans. Nous considérons que ces documents font partie de "notre histoire" et que les éléments en sont, bien souvent, ignorés de certains. Nous pensons qu'ils permettent, tout simplement, d'illustrer ce qui est, finalement, la vie du scoutisme en France.

Il est important de noter que le scoutisme catholique s’est heurté, un peu plus tard, aux mêmes types de problèmes : voir "1973 : les remises en cause dans le scoutisme catholique". Nous avons également choisi d'apporter quelques documents sur ce sujet.

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