1948 : La branche aînée : le passage à l'acte - Les vieux tacots

Lun26Avr201007:36

1948 : La branche aînée : le passage à l'acte

Index de l'article

1954 : des rassemblements de vieux tacots... avec beaucoup d'imagination !

Dans cette période, la branche aînée fait preuve de beaucoup d'imagination pour se doter d'activités variées. Bien sûr, la spéléo et la découverte de grottes diverses est très appréciée un peu partout en France, mais de nombreux clans se sont équipés de vieilles voitures, ce qui permet d'organiser périodiquement des "rassemblements de vieux tacots" qui, est-il précisé, ne sont pas des rallyes car on ne cherche pas la vitesse ! Et, à Montpellier, un clan "archéologique" recueille de précieux souvenirs en grattant le sol de la région. "Le Routier" nous raconte quelques épisodes...

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Souvenirs de Route : le clan Pi et "Chant Nouveau"

Un échange de lettres qui rappelle toute une période... et une action !

Le 16 septembre 2006 : lettre de Micheline Pouilly

Dans les années 1960, je fus accueillie par le Clan Pi situé alors à Puteaux dans le département des Hauts de Seine. Ce Clan mixte accueillait des jeunes de la banlieue Ouest de Paris, et de Paris même. En 1966, avec les Eclaireurs mixtes d’Aulnay sous Bois, nous sommes allés trois semaines en Pologne pour rencontrer des Eclaireurs Polonais.

J’ai perdu contact avec les uns et les autres. Beaucoup de noms m’échappent. Où se cache le Clan Pi maintenant ? Par cette lettre du 9 janvier 2006, Colette Charlet « Avocette » me lance une corde de rappel qui attirera peut-être l’attention d’anciens Éclaireurs et Éclaireuses qui reconnaîtront leur histoire.

Colette nous faisait chanter des chansons toutes neuves (et pour cause…). Elle a fait déborder nos carnets de chants…

Lettre du 9 janvier 2006 de Colette Charlet, dite « Avocette », à Micheline Pouilly

Réponses à tes questions

Je vois défiler toute mon adolescence et ma vie de jeune adulte dans une période qui fut, à la fois, pleine de douleur et de bonheur à la fois puisque je perdais à peu d’intervalle ma mère et une de mes sœurs. Je devais élever les quatre qui restaient. Cela s’étageait de 9 à 17 ans… en même temps les EEDF me permettaient de découvrir le monde et une réelle fraternité, de sublimer les souffrances par la création en rencontrant le Groupe « Chant Nouveau » avec les frères Bouteille et Michèle Duphil, fille de René Duphil. Ma plus jeune sœur, âgée de 6 ans, perturbée par la séparation d’avec ma mère eut la chance d’avoir pour institutrice, la femme de René Duphil. On l’appelait «Castorette ».

Toute la transmission des chants de ton carnet est en fait le résultat du travail du groupe « Chant Nouveau ». J’avais à cœur de transmettre un patrimoine, une mémoire du groupe. Je fus d’ailleurs souvent chahutée par les hommes du clan PI qui raillaient mon originalité, mon indépendance d’esprit. Je n’avais pas beaucoup l’esprit « clanique ». Je venais d’une famille qui avait subi l’holocauste, l’errance, la peur, et chanter était une façon de montrer que la vie était plus forte, de faire entendre ce qu’il y a de plus profond dans chaque peuple.

Contradictoirement dans ce clan, grâce à Roger Lambert, musique et poésie tenaient une grande place. Roger composait et écrivait de la poésie et des chansons poétiques. Il était un grand admirateur de St-John Perse. Nous organisions des soirées poésie et chants qui étaient publiques sur une péniche ancrée sur la Seine, au pont de Puteaux. Si mes souvenirs sont exacts, elle appartenait à Paul-Emile Victor dont Roger était l’ami.  Ces soirées étaient mémorables pour des jeunes d’origine modeste qui n’avaient jamais entendu de poésie de la sorte, de leur vie.  On animait aussi des veillées dans des villages où l’on faisait des camps comme à Valdrôme (Drôme), on participait à des travaux d’intérêt général avec des paysans et des forestiers. La ligne d’action qui nous faisait fonctionner était un article des statuts des EEDF : «Être conscient des problèmes sociaux et soucieux de les résoudre ». Cet article reste la ligne de conduite de ma vie et de mon engagement vis à vis de ceux qui souffrent qui se sentent exclus à travers le monde.

Tu te demandes d’où vient et comment naquit le Clan PI ?

Il naquit au milieu des années 1950 avec des jeunes d’origine modeste et qui partageaient la passion de la montagne comme Roger Lambert ou Jacques Leplat notre responsable de groupe.  Il ne porta pas d’emblée le nom de Clan PI. Seul suffisait le fait d’être ensemble, de reconstruire notre pays qui avait été ravagé par la guerre, sur d’autres valeurs propres à l’éducation populaire et à la paix. Toutes nos familles avaient souffert. Nous le répétions souvent : «Plus jamais cela, plus jamais d’horreur !»

Un événement nous marqua tous : la disparition du premier responsable du clan ; dont je ne me rappelle que le prénom : Pierre. J’étais éclaireuse et je fus bouleversée. Mourir pour sa passion de la montagne. C’était inacceptable ! Pourtant notre clan continua à vivre de sa passion de la montagne, de la spéléo, des longues randonnées.

Un autre aspect de la formation : c’est l’aspect politique et le refus de la guerre d’Algérie. Beaucoup de jeunes du clan, en âge d’être appelés furent envoyés en Algérie. On avait peur qu’ils se fassent tuer. Ils racontèrent des évènements horribles, en particulier sur la torture.  Nous organisions des débats sur cette fameuse péniche ou ailleurs, débats traitaient de ces questions, de la monstruosité de la guerre. C’est à ce moment que le nom du Clan PI a été définitivement adopté au début des années 1960, en référence à la Grèce, au développement de la démocratie dans l’Antiquité. C’était un clin d’œil plein d’humour.

Une Charte fut élaborée longuement, où tous les «ratiocineurs» du clan s’écharpaient : grâce à François Légalité qui était à l’époque au clan d’Annecy, «Les Copains d’abord», et avec Pierre Chêne (Jean Allot). François ramassait, selon une habitude, tous les journaux de clans. Je possède la Charte du Clan PI. Jamais je n’aurais imaginé cela. Cela fait 46 ans et je ne connaissais pas encore François avec qui je vis maintenant.

Après la mort de Pierre, le premier référent de notre clan, beaucoup de jeunes issus de classes favorisées ou de commerçants sont arrivés apportant un brassage. C’est l’époque de Jacques Piraud, François Baize et ses frères, Jacques St-Yrieix, Antoine de Muret de Labouret, les frères Becker, un certain Alphonse dit «Bélier» et ses deux sœurs puis plus tard son jeune frère, Philippe Barthel dit «Grizzly», des élèves de Jacques Piraud qui travaillait dans un lycée professionnel, etc. J’en oublie beaucoup, ce fut une période stimulante où il y eut beaucoup de mariages au sein de ce clan souvent après les camps d’été.

Notre clan était un peu anti-conformiste, car on y pratiquait la co-éducation, ce qui avant1968 était une révolution. La fusion avec les FFE au début des années 1960 marqua des évolutions et nous apprîmes des unes et des autres.

L’image de notre clan ? Souvent, on me questionnait quand j’étais à l’extérieur. Nous étions l’objet de curiosité et de méfiance parfois… Je pense que les problèmes dont tu fais mention dans les années 1970 sont à la fois des problèmes d’orientation politique, philosophique et pédagogique. Cela a abouti à des prises de pouvoir par certains, mais curieusement notre mouvement jouissait d’une bonne audience nationale et internationale.

Pourquoi garde t-on un souvenir des frères Becker ? (Bernard, Maurice et ??) : parce que leurs parents nous offraient l’hospitalité dans le fournil du Père Becker. On y faisait nos réunions de clan hebdomadaires, la veille du jour de fermeture de sa boulangerie. Nous repartions avec les restes d’invendus en viennoiseries et pains. Nous ne possédions pas de local car nous avions été chassés par la Maire socialiste de l’époque, sur Puteaux. Ces personnes nous ont permis d‘exister, d’éviter la dispersion.

Une des caractéristiques du Clan est son ouverture aux problèmes de société et du monde. Chaque camp d’été alternait un camp en France sur un projet d’intérêt général, généralement en montagne, et un camp à l’étranger. Nous avons découvert l’Espagne du franquisme, la Grèce des colonels, le Portugal de Salazar et la Pologne renaissante en 1966. En ce qui concerne ce pays, ce fut un voyage initiatique et aux sources puisque ma mère était native du ghetto juif de Varsovie. J’ai pu mesurer combien l’antisémitisme était encore présent. Bien que combattu dans les textes, il avançait encore masqué.

Cette expérience internationale au sein du clan me permit grâce à des stages de participer à des projets internationaux dont une des responsables était Monique Grappin. Je fus envoyée au Canada et aux USA en 1967 pour représenter les EEDF pour le Centenaire de la Fédération Canadienne avec l’ensemble du scoutisme féminin français. Je fis de fréquents séjours en Allemagne, reconstruisant des liens avec ceux que l’on avait longtemps considéré comme nos ennemis. Il me fallut beaucoup de compréhension pour aboutir à des liens de fraternité. J’en garde des souvenirs émus car nous avions compris que nous étions des humains et que la guerre avait fait assez de dégâts dans les têtes. Les seuls vainqueurs étaient les marchands de canon et non les peuples.

Enfin je découvris le Moyen-Orient, Liban et Syrie, par un séjour de jeunes responsables d’éducation populaire pour aider les jeunes à se reconstruire. Je découvris en 1972 la réalité des camps palestiniens comme Sabra et Chatila ou au Sud Liban. Parfois je redoutais les passages des avions israéliens durant les nuits quand on était tout près de la frontière. Ce fut douloureux, car de l’autre côté de la frontière mes cousins et cousines judéo-polonais passaient leur été dans un kibboutz. C’est en parlant et travaillant avec les gens de cette région que je découvris une fois de plus l’absurdité de cette guerre. Les hommes et les femmes du Liban avaient les mêmes postures que mes oncles et tantes maternelles. Une question me hantait : pourquoi les peuples sémitiques se font-ils la guerre ? Les discussions philosophiques avec de grands leaders comme Kamal Joumblat, en son palais druze, ou des responsables religieux de toutes confessions me marquèrent à tout jamais. En se promenant on sentait toute l’épaisseur d’une longue histoire de civilisations.

Après ce séjour, je quittai les EEDF, car je partais enseigner à l’étranger. Je peux dire que c’est grâce à l’expérience accumulée au contact d’autres peuples que j’ai pu réaliser de tels projets. Avec les EEDF, j’avais gagné un optimisme à toute épreuve et dans des situations parfois difficiles d’exclusion ou de racisme. Le mot «pédagogie de projet» inventé dans nos stages avec Jean Estève et Andrée Barniaudy-Mazeran ne fut pas que des mots mais un espoir de changer le monde, de ne pas supporter l’inacceptable, d’être au service du collectif.

Dans ma vie d’adulte, j’ai fait souvent référence aux EEDF, aux valeurs développées pour un monde plus juste. J’ai souvent coopéré à des projets à l’étranger, en particulier en Amérique Latine et au sein de mouvements internationaux d’éducation à la Paix. J’y rencontre souvent des personnes qui ont été membres de notre mouvement. Comme moi, ils ont puisé des forces pour ré-enchanter le monde.

Colette Charlet apporte quelques précisions

Message du 11 octobre 2006

Comme je l'ai répondu à Micheline Pouilly, l'existence de Chant Nouveau date du milieu des années 60. Par étourderie j'ai fait une erreur sur mon ordinateur. Il est bon d'avoir une mémoire plurielle. J'ai fréquenté le groupe de "Chant Nouveau" à partir du milieu des années 60. Nous nous réunissions dans un préau d'école rue de Vaugirard. Au début, Daniel Bouteille et Michèle Duphil en étaient les principaux animateur et animatrice. Ce sont du moins ceux qui m'ont marquée et formée. (Je me réconciliais pleinement avec la musique car les profs du lycée de jeunes filles que je fréquentais m'en avaient donné la nausée).

Je découvris avec eux le monde des cabarets rive gauche et des chanteurs marquant de la chanson ou d'expression française. A cette époque beaucoup de chanteurs québécois débarquaient, comme Gilles Vignault ou Claude Léveillée, et nous eûmes le privilège de les découvrir et de les chanter. La guerre d'Algérie avait marqué les consciences ; en pleine guerre du Vietnam, nous nous sentions très proches des chanteurs américains comme Pete Seeger, Woody Guthrie... et nous fréquentions le centre américain de Paris où Lionel Rocheman nous faisait entendre ce que l'on a appelé par la suite les "protest songs". Nous rendions parfois visite à Romain Bouteille qui commençait son expérience de café-théâtre.

Quand je suis partie en Amérique du Nord, en 1967, pour représenter les EEDF pour célébrer le centenaire de la Confédération du Canada, à l'invitation des mouvements de scoutisme féminin nord-américains, Daniel Bouteille m'avait chargé d'une mission : rapporter le plus de disques de chanteurs de protest songs et de chanteurs de "boîtes à chansons" québecois pour que l'on puisse se les approprier, partager nos espoirs pour un monde plus juste et sans guerre. (C'était le temps des grandes marches avec Martin Luther King). Mes choix, mes aspirations choquèrent parfois la responsable new-yorkaise qui m'hébergeait. Elle disait de moi que j'étais aussi une "protest girl".. Mais, en dépit de nos opinions différentes, nous sommes restées en contact. Elle me disait qu'elle avait accueilli des jeunes du monde entier et souvent elle ne gardait aucune relation épistolaire, j'étais l'exception car nos histoires avaient beaucoup de points communs. Nous étions des rescapées de l'horreur nazie. Elle avait quitté la Roumanie et son mari l'Allemagne. Leur maison était toujours ouverte à l'étranger qui passait. A plus de 80 ans elle s'est mise à l'informatique. Voici 3 ans que je n'ai plus de nouvelles ; je pense qu'elle est décédée.

Je pense que "Chant Nouveau" a enrichi le répertoire traditionnel des chants du scoutisme. J'en discute souvent avec Jean Allot (Pierre Chêne) avec qui je suis toujours en contact. Il est venu sur Annecy où je réside maintenant pour animer un stage de formation de conteurs. Il a gardé cette profonde jeunesse de lutte, c'est un enchantement de travailler, de bavarder avec lui.


1952 : la Route essaie d'aborder le sujet de l’objection de conscience

Les « Cahiers Route » sont l’organe d’information des responsables de la Route, qui sont, dans leur totalité, des adultes. Ils viennent en complément de la revue « Le Routier » que reçoivent tous les aînés. Ils se présentent sous forme de fiches et sont édités en coopération avec les branches aînées de plusieurs Mouvements européens non confessionnels : Boy-scouts et Girl-Guides de Belgique, Fédération Nationale des Éclaireurs Luxembourgeois, Scouts Musulmans Algériens. Ils sont imprimés sous la responsabilité des E.D.F., mais le sommaire de chaque numéro précise que « ces textes sont communiqués à l’ensemble des lecteurs pour information, mais leur publication n’engage en aucune façon les associations dont le nom ou les initiales ne figurent pas clairement en tête de ces fiches. »

Cette indication explique que le texte qui suit, tout en posant clairement le problème de l’objection de conscience, soit présenté sous forme de « thèse » et sous les initiales B.S.B.. Jean Van Lierde, auteur de cette déclaration (et de l’article) est un militant syndicaliste, ancien président de le J.O.C. et membre de l’équipe nationale de la Route F.S.C. (scoutisme catholique) collaborateur de « Témoignage Chrétien » et d’autres publications. À partir d’une « déclaration de principe de l’Internationale des Résistants à la Guerre », Jean van Lierde expose sa posiiton pacifiste, ayant pour but de « dépasser la guerre par en haut ».

Cette publication, dans une revue éditée par les E.D.F., provoque très rapidement quelques réactions dont certaines sont «d’humeur» mais d’autres posent le problème de fond de l’information des jeunes en vue de la réflexion et du débat. Le titre de la rubrique, « thèse » dans le numéro 22, devient « thèse et débats » dans le numéro 23.

Un exemple de réaction d’humeur, publiée dès le numéro suivant des Cahiers :« Nous avons reçu par la poste la fiche « Pourquoi je refuse d’être soldat », publiée sous la responsabilité des B.S.B. dans le numéro 22 des Cahiers Route, déchirée en plusieurs morceaux et accompagnée de la carte (E.D.F.) de (nom du responsable). Celui-ci n’ayant ajouté aucun commentaire, nous ferons de même, et invitons seulement les responsables Route à donner eux aussi leur opinion sous la forme qu’ils jugeront la plus convenable. ».

Un autre exemple, dans le sens opposé : « Soucieux d’informer, les Cahiers Routes viennent de publier la déclaration que Jean Van Lierde fit au conseil de guerre. N’est-il pas opportun de se demander si « l’information » est une attitude suffisante en présence des drames se jouant autour de l’objection de conscience. (…) Ce qui devrait étonner, c’est la passivité des hommes, et particulièrement celle de Mouvements humanitaires – tel le Scoutisme – devant la violation des consciences. (…) On devrait exiger une prise de position et une action bien déterminée des Mouvements scouts face au respect des consciences pour ne pas rester davantage dans le camp de l’hypocrisie ».

Le numéro suivant prolonge l’échange : le clan de Pau pense que la France devrait disposer d’un statut de l’objecteur de conscience et certains proposent le remplacement du service militaire par un service « civil », en temps de paix comme en temps de guerre. Et Maurice Bayen, figure important du mouvement, pose sur le fond le problème des débats : « Je dirai donc à l’Équipe nationale Route : Soyez francs. Si vous voulez créer des objecteurs de conscience, dites-le, prenez-en la responsabilité : renvoyez solennellement vos croix de guerre aux autorités compétentes, dites que vous avez été criminels de les mériter, etc… mais ne vous cachez pas en disant que vous n’êtes pas responsables ». Ce à quoi l’Équipe Nationale en question répond : « Pour nous résumer, il ne faut pas considérer les textes, et surtout les réponses faites à ces textes, proposés pour alimenter des cercles d’études, comme des positions officielles de l’Équipe Nationale ».

On peut y voir une étape du « débat sur le débat ». Le Mouvement en connaîtra d’autres !

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