1948 : La coéducation à la branche Louveteaux - Une nouvelle méthode...

Jeu19Mar201509:26

1948 : La coéducation à la branche Louveteaux

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L’élaboration de la « méthode nouvelle » Louveteaux : esprit et méthode

Faire de la coéducation signifiait faire une éducation adaptée aux filles et aux garçons, donc repenser notre méthode de branche, qui avait été prévue pour les garçons chez les E.D.F., s’imposait.

Il fallait mettre l’accent sur les réalisations en commun où chacun trouverait sa place. L’entreprise de meute est née avec sa gouvernance, le conseil de meute. Il fallait réduire le cadre trop masculin du Livre de la Jungle, ne garder que le côté fiction comme base de grands jeux. Puisque la coéducation était pensée comme une formation à la citoyenneté, il fallait donner la priorité à une pédagogie où l’initiation (ou l’apprentissage) à la démocratie avait sa place. Là encore, le conseil de meute était le moteur.

« Coéducation » était indissociable de « société de jeunes ». Nos réunions d’équipe nationale, nos stages de formation de responsables départementaux, nos Cappy (stages de formation de responsables de meutes), se sont centrés sur l’élaboration, l’écriture, la diffusion, la pratique d’une méthode très spécifique à la branche Louveteaux. La brochure « Esprit et méthode » a été publiée en 1956, après une expérimentation de quelques années. J’ai re-feuilleté ce document, que j’avais en grande partie rédigé, et j’ai souhaité en préciser quelques points qui concernent la coéducation. Feuilletons-le ensemble…

– Nous n’avons pas imposé la coéducation :

Page 2, on peut lire : « au sein du Mouvement vivent des meutes mixtes de louveteaux ou des meutes de garçons et des meutes de filles »

Commentaire : quelques responsables de meutes garçons sont restés fidèles à leurs louveteaux garçons ; à ma connaissance, il y a eu très peu ou il n’y a pas eu de meutes de filles.

– Nous avons beaucoup travaillé et pris beaucoup de précautions :

Pages 31 à 33 : les textes concernant l’application de la coéducation furent longuement discutés : « hommes et femmes complémentaires et égaux », tout particulièrement pesé !

Commentaire : Force a été de constater que les filles et les garçons arrivant dans les meutes n’avaient « ni les mêmes goûts ni les mêmes possibilités ». Les parents l’affirmaient, les enfants disaient qu’ils n’aimaient pas les mêmes jeux. Dans les villes et les grands villages, les écoles étaient différentes pour les garçons et les filles. Il était clair que nous ne pouvions ignorer cet état de fait.

Mais nous nous sommes très vite aperçu que les différences entre filles et garçons étaient beaucoup plus mises en avant par la société que par les enfants eux-mêmes. Le vécu à la meute était simple : les filles étaient gaies, enthousiastes, joyeuses. Les garçons étaient souvent étonnés par les performances des filles dans les jeux, ils acceptaient facilement de prendre une fille dans leur équipe. Les conseils de meute étaient vivants.

Quelques souvenirs :

– un louveteau venant d’une meute de Bretagne, essentiellement masculine, arrive dans ma meute mixte, très classique, avec tous ses brevets et son uniforme impeccable ; il découvre la coéducation avec une certaine réticence, il s’exprime avec l’assurance d’un « ancien » : « finalement, c’est pas mal, les filles à la meute, nous les garçons on leur apprend pas mal de choses »

– « quoi par exemple ? » demandais-je… « à courir plus vite, à se cacher dans les bois… ». « Et toi, qu’est-ce que tu apprends ? » « Je ne savais pas qu’on pouvait jouer avec les filles, je n’ai pas de sœur » « Alors c’est bien ? » « C’est comme des copains, peut-être mieux, elles m’aident à ranger mon sac ! »

– pour traverser un ruisseau, la première à se lancer est une fille, sous les applaudissements des garçons.

En ce qui concerne les précautions qui se sont imposées, ce qui est écrit  pages 31 et 32 dans Esprit et Méthode traduit bien nos préoccupations – peut-être avec l’intention de convaincre ceux qui ne croyaient pas à la coéducation.

Commentaire : Les cadres, en majorité des cheftaines, accueillaient favorablement le changement dans la façon de considérer les petites filles et ont su, naturellement, s’adapter.

Dans ma meute, déjà constituée de garçons j’ai préparé l’arrivée des filles en demandant aux louveteaux qui avaient une sœur de proposer aux parents de la faire entrer à la meute, j’ai sollicité les familles des responsables du groupe du groupe E.D.F., j’ai invité deux petites filles d’une même famille, j’ai demandé l’aide d’une institutrice favorable à la coéducation…

– Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité d’avoir un groupe équilibré :

Les sizaines mixtes favorisaient l’équilibre du groupe mais nous avons supprimé les « sizainiers » car devenir un petit chef opposait filles et garçons, les garçons voulaient rester sizainiers. Dans les camps et cantonnements, toilette et couchage devaient faire l’objet d’un soin particulier. Les échos que nous avions, les visites de camps montraient que les problèmes étaient rares. Mai 68 a toutefois entraîné quelques « bavures ». Dans un camp où les tentes étaient mixtes et où les responsables se comportaient eux-mêmes trop librement, des petites ? filles sont venues se plaindre au chef de camp : « les garçons nous embêtent la nuit ! ». J’ai pu constater que, lorsque des règles précises étaient respectées, il existait une très grande simplicité dans le comportement des garçons et des filles, au lever, au coucher, à la toilette, au bain dans une rivière.

Exemple : au cours d’une baignade un peu improvisée dans une petite rivière, les enfants qui le souhaitaient ont spontanément quitté leur vêtement et ont pataugé en culotte ou slip. Il suffisait de prendre les choses simplement !

– Nous avons toujours insisté sur la vigilance…

Nous avons demandé aux responsables d’aborder les problèmes, lorsqu’ils se posaient, avec clarté et simplicité. Les enfants devaient se sentir en sécurité et suffisamment proches de leurs « chefs » pour parler des petits problèmes de la vie quotidienne. Nous avons insisté sur l’attitude irréprochable des cadres. Je n’ai pas eu connaissance de gros problèmes. Les parents un peu réticents étaient plus présents dans les groupes, dans les camps. Ils se sentaient plus impliqués dans l’éducation de leur enfant.

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