2018 : Une réflexion sur l'évolution de notre Mouvement

Mer14Mar201808:16

2018 : Une réflexion sur l'évolution de notre Mouvement

Index de l'article

 

... à l'occasion de la "journée de la mémoire du scoutisme laïque" en novembre 2017

 

 

Du « système des patrouilles » à la « société de jeunes »

 

 

 

L’émergence de la démocratie dans le scoutisme laïque

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Yvon Bastide, président de l’Association pour l’histoire du scoutisme laïque

 

 

 

 

 

 

 

 

La période de la seconde guerre mondiale a été, pour le scoutisme laïque représenté par les Éclaireurs de France, le déclencheur d’une évolution qui s’est avérée irréversible, faisant avancer sa définition du scoutisme – et, souvent, celle des autres Mouvements français – dans un sens qui n’était pas obligatoirement prévu, ou inclus, dans la conception initiale. De grandes orientations, des objectifs, des méthodes et des moyens en ont résulté. Le choix de la coéducation des filles et des garçons à tous les niveaux, mais aussi la mise en place d’un fonctionnement plus « démocratique » en sont deux éléments marquants. La modification des statuts de l’association, intervenue à l’Assemblée Générale de 1947, porte témoignage d’une volonté de participation à la formation du citoyen (et de la citoyenne) qui n’apparaissait pas dans les rédactions précédentes. Il est intéressant de rappeler ce parcours et d’en étudier les conséquences dans le monde d’aujourd’hui. Nous aborderons donc :

 

 

 

-   en tout premier lieu, un essai de définition de la démocratie,

 

 

 

-   ensuite, une question importante : la démocratie existe-t-elle dans le scoutisme défini à l’origine ?,

 

 

 

-   comment cette volonté de démocratie est apparue dans le Mouvement ?,

 

 

 

-   quels obstacles a-t-elle rencontrés ?,

 

 

 

-   quelles en ont été les conséquences, en particulier pour la formation des cadres ?,

 

 

 

-   quelle en a été la concrétisation ?,

 

 

 

-   avec une crise importante à partir de 1972,

 

 

 

-   quelle conclusion dégager de cette période ?…

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Qu’est-ce que la démocratie ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Le terme de démocratie ne se réfère pas uniquement à des formes de gouvernement, mais peut aussi désigner une forme de société ayant pour valeur la liberté et l'égalité (c'est notamment l'usage qu'en fait Alexis de Tocqueville, qui s'attache plus aux dimensions culturelles qu'au système politique en lui-même), ou de manière plus générale encore, un ensemble de valeurs, d'idéaux et de principes politiques, sociaux ou culturels. Le terme de démocratie peut aussi servir à qualifier le fonctionnement de tout corps ou organisation sociale (organisme public ou privé, association, entreprise), le plus souvent par le biais du qualificatif de démocratique. Cela signifie alors généralement que ce fonctionnement repose sur «  l'égalité des membres du groupe, le non cumul et la rotation des charges, sur des procédures de délibérations, ou encore de votes, d'élections et/ou de tirages au sort ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette définition, trouvée sur le site Wikipedia, peut s’appliquer à une association. Il implique alors deux éléments complémentaires mais nécessaires :

 

 

 

-   d’une part, la participation de ses membres à la prise de décisions les concernant,

 

 

 

-   d’autre part, leur représentation dans les instances chargées d’appliquer ces décisions.

 

 

 

Attention, cette définition de la démocratie ne convient pas à tout le monde, comme le montrent quelques exemples donnés en annexe.

 

 

 

 

En ce qui concerne notre scoutisme, cela va signifier que les jeunes qui lui sont confiés doivent être consultés sur leurs activités, et que les organes d’animation générale doivent être « représentatifs » à tous les niveaux. Il s’agit donc bien d’un choix « politique » de la part de l’association. D’où la question suivante…

 

 

 

 

 

 

 

 

La démocratie existe-t-elle dans le scoutisme ?

 

 

 

 

 

 

 

 

Répondre à cette question suppose un petit retour en arrière, vers les ouvrages fondateurs : en Grande-Bretagne, « Scouting for boys » et en France « Le livre de l’Éclaireur » et l’histoire des premières années.

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne « Scouting for boys » (traduit en Français sous le titre « Éclaireurs », en parallèle avec l’ouvrage qui sera évoqué ensuite), le parcours de la table des matières, présentée en annexe, est intéressant, bivouac par bivouac : il y est question d’épreuves, de loi, de promesse, de service, de patriotisme, et beaucoup d’activités, aussi riches que diverses. Seul le 27ème bivouac, dans le chapitre 9 (l’avant-dernier, intitulé « patriotisme, devoir de citoyen), évoque le civisme, avec le tir et… « aidez la police ». Le dernier bivouac du chapitre s’intitule « L’union fait la force, le gouvernement ». Autrement dit, il n’y est, en aucun endroit, explicitement question de participation ou de représentation, donc de démocratie.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourtant, un bel article du Fondateur, nous dit, dans la revue « Jamboree » de 1932, sous le titre évocateur de «Hands off the hand bag» qu'on peut traduire par « Enlevez vos mains de mon sac à main » : «Notre but est d’éduquer la génération future pour en faire des citoyens utiles ayant un point de vue plus vaste que jadis et par-là même de développer la bonne volonté dans le monde, par le moyen de la camaraderie et de la coopération, à la place de cette rivalité qui prévaut dans les classes, les religions et qui a produit tant de guerres et de ressentiments». Il y est donc question de «citoyens», et le sous-titre de plusieurs éditions de «Scouting for boys» a été «A Handbook for Instruction in Good Citizenship», «Un manuel pour la formation de bons citoyens»… Apparemment donc, cette formation n’a pas besoin d’être accompagnée par une forme démocratique, elle résulte des règles et activités proposées.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’autre référence est un ouvrage de Roland Phillips qui présente le «système des patrouilles» : «la patrouille réunit 6 à 8 jeunes de 12 à 17 ans et de même sexe. Elle utilise pour fonctionner le principe de la pédagogie de la grande soeur ou du grand frère (enseignement des jeunes par les jeunes) rendu possible grâce à une tranche d'âge assez large et l'autonomie de fonctionnement». Un autre texte, trouvé également sur le site Scoutopedia, nous indique : «Il consiste à mettre les garçons (ou les filles) en groupes permanents, sous le commandement de l'un d'entre eux, qui devient le chef de patrouille. Pour obtenir les meilleurs résultats, il faut donner au chef de patrouille une pleine et entière responsabilité. Bien que le système de patrouille permette de libérer le scoutmestre de quelques tâches, le but premier est de donner des responsabilités aux jeunes. C'est le meilleur moyen de former leur caractère. Dans la troupe, le scoutmestre indique le but à atteindre et les patrouilles rivalisent entre elles pour y parvenir. Le système de patrouille n'est pas une méthode qui peut être adoptée en scoutisme, mais elle doit belle et bien être considérée comme une condition absolue». Un ouvrage du Commissaire national de branche des Scouts de France, Michel Menu, évoque «le C.P. et son gang». Il semble donc difficile de considérer cette méthode pédagogique comme porteuse de démocratie au sens indiqué précédemment.

 

 

 

 

 

 

 

 

Arrêtons-nous sur ce point, qui peut ouvrir quelques discussions : la patrouille donne, en principe, un rôle à jouer à chaque jeune, dans un cadre déterminé. Elle est un lieu de découverte, d’expression, de mise en commun, mais elle est, en même temps, un lieu de formation du comportement (grâce à la loi et à la promesse) et d’acquisition de compétences (les étapes et brevets). Autrement dit, elle pourrait être un lieu de partage « démocratique » des décisions sur les activités, mais elle reste contrainte par ses objectifs… et ses modalités de fonctionnement : nous avons de nombreux exemples de chefs de patrouille se comportant plus comme des « petits chefs » que comme des « grands frères »… Finalement, on trouve dans le scoutisme la même contradiction que dans l’enseignement : transmettre des connaissance suppose une relation de type « parent – enfant », fonctionner démocratiquement suppose plutôt une relation de type adulte-adulte.  On en reparlera !

 

 

 


En France, l’ouvrage de référence est «Le livre de l’Éclaireur» qui, pas plus que le précédent, n’évoque, sous une forme quelconque, une formation à la démocratie – ou un fonctionnement démocratique. Dans la table des matières de l’ouvrage «Le livre de l’éclaireur», édité dès le début de 1912 – c’est-à-dire immédiatement après la création des deux associations non confessionnelles, les Éclaireurs Français et les Éclaireurs de France - comme dans «Scouting for boys», il est beaucoup question de règles de vie, de loi et de promesse, et d’activités… Nous présentons également cette table des matières dans les annexes.

 

 

 

 

 

 

 

 

En réalité, les origines du scoutisme en France sont un peu difficiles à caractériser : dans un ouvrage intitulé  «Les Éclaireurs de France» et édité par les «Éditions de l’Arc Tendu», donc apparemment très officiel, Georges Gallienne attribue au scoutisme des origines… américaines reprises par B.P. :

 

 

 

«Qu’est-ce que le scoutisme ?

 

 

 

Ses origines sont américaines. Comme la plupart des méthodes qui nous viennent de ce pays si neuf et si jeune, elles sont nées de l’expérience. Un philanthrope, Thomson Seton, ému des fredaines d’une bande de garnements livrée à ses pires instincts, eut l’idée géniale de se servir de ces instincts eux-mêmes pour amender cette troupe de voyous. Il les groupa en tribu, leur donna un code d’honneur, et réussit à transformer cette bande de vauriens en une association de garçons obéissants, fraternels et serviables. Baden-Powell, le défenseur de Mafeking, (…) reprit cette méthode et l’adapta à la jeunesse anglaise. L’expérience de Seton était rudimentaire, Baden-Powell en pédagogue averti sut l’enrichir de ses dons de psychologue et l’illumina de tout son génie….»

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ouvrage «L’invention d’un scoutisme chrétien» d’Arnaud Baubérot (éditions «Les Bergers et les Mages») évoque les deux créateurs des E.D.F., Georges Gallienne et Georges Bertier, et, plus particulièrement, le premier. Georges Gallienne est un pasteur méthodiste. Nommé directeur de la «mission populaire évangéliste de Grenelle», rue de l’Avre à Paris, il cherche une méthode d’animation pour un groupe d’une cinquantaine de garçons et expérimente le scoutisme à côté de diverses autres activités. Il en constate, sur le terrain, l’efficacité, et en définit l’application en fonction de ses propres besoins : c’est ainsi, par exemple, que l’uniforme, très présent en Grande-Bretagne, se réduit pour ses garçons à… un béret basque ! Comme le précise Arnaud Baubérot, «Au-delà de l’éducation civique, le scoutisme, tel que Gallienne le présente, s’attaque aux problèmes sociaux liés à l’enfance en péril. Le tableau qu’il dresse d’une enfance rejetée par l’école et l’atelier, qui erre dans les rues en proie à la délinquance juvénile et à l’œuvre des «pourrisseurs de la jeunesse» conduit au désir de rechercher des solutions nouvelles dans le domaine de l’éducation».

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce qui concerne Georges Bertier, le contexte est quelque peu différent : il est, depuis 1903, directeur de l’École des Roches, établissement privé d’enseignement conçu, à la fin du XIXème siècle, sur un modèle inspiré de certaines expériences anglaises, à partir d’une critique sévère du modèle d’enseignement français. Selon Arnaud Baubérot, le créateur de l’école, Edmond Demolins, considère que «l’éducation anglaise fait des hommes» alors que l’éducation française «fait des fonctionnaires ou des ratés». Bertier se veut à la pointe de cette recherche et crée en 1909 la revue «Éducation» qui traite des pédagogies nouvelles : «L’éducation de l’École des Roches veut former « l’homme social » et développer le sens des responsabilités en utilisant, notamment, les vertus de la campagne et du sport. L’école touche des jeunes garçons issus de milieux très aisés et vise à créer une nouvelle race de patrons».

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on ajoute à ce rapide inventaire l’ouvrage de Nicolas Benoit, «La voie du chevalier», et son «plan d'organisation des troupes d'Éclaireurs de France» écrit en 1911 à l’intention du Ministère de la Marine, on en vient assez rapidement à une conclusion : le scoutisme se définit à l’origine comme une école de formation de cadres appelés à prendre en charge des jeunes pour en faire «des hommes». Sans aucun besoin de démocratie…

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion à ce stade : en Grande-Bretagne comme en France, les définitions qui sont données du scoutisme ne font aucune allusion à la démocratie, pas plus dans son animation (participation) que dans sa gestion (représentation) : il n’en a tout simplement pas besoin. L’organisation de l’association – en réalité, une fédération d’associations – va en résulter : dans chaque ville, une petite équipe de bénévoles, autour d’un «chef de groupe» volontaire, souvent auto-désigné mais toujours – en principe - accepté pour sa disponibilité et son autorité, va créer un «groupe», qui adhérera (ou non) à l’une des «fédérations» existantes : c’est ainsi que le groupe de Troyes, plus que centenaire, l’un des groupes les plus anciens du scoutisme laïque, fera d’abord partie des Éclaireurs Français avant de passer aux Éclaireurs de France. Le «comité directeur» de la Fédération est composé de personnalités et de chefs de groupes plus cooptés qu’élus, le bénévolat et la motivation étant suffisants pour justifier leur participation aux instances de direction. La mise en commun se fait, à partir des expériences vécues localement, essentiellement dans les «camps écoles» qui, à partir des années 20, dessinent une approche commune proposée à tous, souvent en coopération avec les Éclaireurs Unionistes, avec en commun le camp-école de Cappy et une revue. La formation se traduit par un diplôme attribué par ce qui ressemble beaucoup à un jury d’examen.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette solution va perdurer jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale, où la «fédération» des Éclaireurs de France va se transformer en «association» sans que le fonctionnement à la base en soit profondément affecté, les groupes locaux gardant une pleine autonomie dans le choix de leurs activités et, apparemment, de leur pédagogie. L’échelon national est très actif dans sa fonction de coordination, autour d’André Lefèvre et Pierre François qui assurent, à la fois, la rencontre avec les groupes locaux et la promotion de leur scoutisme.

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

L’émergence de la démocratie dans le Mouvement :

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Éclaireurs de France ont donc vécu quelques décennies – trois au maximum pour les groupes les plus anciens – sans se préoccuper réellement de cet aspect de la question. Le scoutisme connaît un certain développement, surtout depuis la création des deux associations catholiques qui, via le catéchisme, recrutent sans difficulté et deviennent majoritaires. Mais la période de la guerre va modifier un certain nombre de perceptions et provoquer une réflexion «sur le fond», c’est-à-dire ne se limitant pas aux moyens de faire du scoutisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans un éditorial de la revue «Le Chef», dès décembre 1945, Pierre François, Commissaire général, pose le problème en quelques phrases vigoureuses :

 

 

 

«Le respect de la liberté, l’usage de la liberté, le besoin de la liberté, nous les retrouvons à chaque instant dans notre scoutisme. Non pas comme affirmations de principes, non pas comme morceaux d’éloquence, mais comme pratique courante.

 

 

 

L’éducation, la vraie, l’active, n’a d’autre but que la libération de l’homme».

 

 

 

«Un chef autocratique, réglant tout seul et dans tous les détails la conduite et les jeux de ses garçons, trahit purement et simplement le scoutisme. Le système des patrouilles, rappelons-le, donne une très large part de la gestion aux garçons eux-mêmes.

 

 

 

Un chef qui prend toutes les déterminations et qui impose des ordres à des subordonnés passifs, même s’ils sont consentants et béats, se classe dans la catégorie des imbéciles dangereux et ne doit pas rester une minute de plus dans notre Mouvement».

 

 

 

«C’est une règle de l’éducation des hommes libres de ne pas leur faire observer d’autres lois que celles qu’ils ont élaborées et acceptées librement».

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous l’influence de grands responsables engagés dans la lutte contre le nazisme et les diverses formes de fascisme qui ont caractérisé le passé récent, les objectifs du Mouvement vont changer et vont être affirmés par l’article premier des Statuts votés par l’Assemblée générale de 1947 ; il est important de le présenter dans sa totalité car il met bien en évidence cette évolution avec des articles nouveaux :

 

 

 

«L’Association des Éclaireurs de France, fondée en 1911, reconnue d’utilité publique le 6 août 1925, a pour but de contribuer à la formation de la jeunesse, au triple point de vue moral, physique et pratique, d’après les principes et méthodes du Scoutisme.

 

 

 

L’Association des Éclaireurs de France, laïque comme l’école publique, est ouverte à tous, sans distinction d’origine, de race ou de croyance. L’Association ne relève d’aucun parti, ni d’aucune église, et s’interdit toute propagande politique ou religieuse.

 

 

 

Chacun de ses membres est assuré de trouver au sein de l’Association, auprès de ses chefs et de ses camarades, respect et sympathie, quelles que soient ses convictions politiques ou religieuses.

 

 

 

L’Association enseigne la loi de l’Éclaireur, cultive l’amour de la France et, en pratiquant la fraternité entre la jeunesse de tous les pays, s’efforce de favoriser l’entente entre les peuples.

 

 

 

L’Association a pour objectif final de préparer des citoyens conscients des problèmes sociaux et soucieux de les résoudre. Elle ne sépare pas ce devoir civique de la lutte pour libérer l’homme de tout asservissement».

 

 

 

 

 

 

 

 

Les débuts de l’article conservent la formulation initiale, et, en particulier, son objectif de contribuer à la formation de la jeunesse au triple point de vue moral, physique et pratique ; le deuxième paragraphe ajoute à la définition de la laïcité «laïque comme l’école publique», traduisant le rapprochement effectué depuis les années 30 ; l’article suivant reprend l’allusion à la loi, au patriotisme et l’amitié entre les peuples. Mais la fin de l’article apporte une innovation importante : préparer des citoyens «conscients des problèmes sociaux et soucieux de les résoudre», ce «devoir civique» devant se compléter de «la lutte pour libérer l’homme de tout asservissement». Choix «politique» - on verra qu’il va provoquer, de la part de certains, une réaction de refus – qui va devoir se traduire dans la pédagogie et dans l’animation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette préoccupation d’évolution apparaît, chez les E.D.F., très rapidement après la Libération. Un «congrès» de chefs de patrouilles est organisé en 1946 à Vanves, au Lycée Michelet : la parole y est donnée aux jeunes ou très jeunes chefs et seconds de patrouilles – âgés de 13 à 15 ans – sur un grand nombre de thèmes les concernant mais sur lesquels on ne leur a jamais, jusque là, demandé leur avis. Jean Estève, devenu responsable national de la branche après son retour de déportation, confirme l’importance de cette manifestation : «L’idée est de réunir ces garçons, qui avaient la responsabilité d'une patrouille, sept ou huit camarades, de leur demander leur avis, de les faire travailler sur ce qui les intéressait. A signaler, et c'était une anticipation sur la suite, que l'un des groupes de travail a sorti une motion en faveur de la coéducation».

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on en croit Eugène Bourdet, alors Commissaire national adjoint pour la branche Éclaireurs, une prise de conscience plus générale est apparue à l’occasion du Jamboree de la Paix en 1947 : le scoutisme est ressenti comme un peu trop «militaire», dans sa structuration, son vocabulaire et ses relations internes. Il est même question de «troupisme», terme apparemment péjoratif illustrant le fonctionnement des «troupes» d’éclaireurs :

 

 

 

«Ce n’est assurément pas par hasard qu’en octobre 1946 et, curieusement, dans «l’Éclaireur de France», mensuel des garçons - et non dans «le Chef», revue des cadres -, que paraît un long compte rendu d’un voyage d’études de Charles Celier, «l’International» des Scouts de France, chez les Boys-Scouts of America. L’auteur y marque particulièrement sa surprise et son intérêt pour la vie démocratique de la patrouille ; là-bas, tout part, réellement, des garçons, à cent lieues de ce «troupisme» que nous connaissions souvent dans nos Mouvements et, surtout, du peu de responsabilité, d’autonomie que trop de chefs accordaient aux jeunes.

 

 

 

Décembre 1946, c’est à nouveau dans «l’Éclaireur de France» - plus exactement, dans «l’Écho des Pats», le supplément destiné aux chefs de patrouille, que commence à paraître une sélection des opinions avancées au Congrès national des C.P., puis des vœux formulés par ceux-ci, au cours d’une rencontre qui avait à la fois démontré la faiblesse de notre pratique éducative et éclairé les réorientations à envisager : par exemple, des programmes d’activités, des projets de camps d’été préparés en commun par les garçons et les responsables. Ces appels pour un retour aux sources montraient à quel point des pratiques autoritaires avaient occulté la véritable nature de l’animation des unités».

 

 

 

 

 

 

 

 

Il semble donc que cette préoccupation ait été très présente chez les Éclaireurs de France, sous une forme un peu différente : notre scoutisme ressemble trop à ce qui se fait à l’école. Elle est exprimée dans les «Résolutions d’Angoulême», résumé des conclusions d’une «grande équipe de branche» réunie en 1948 : ce texte, dont le résumé est présenté en annexe, a été rédigé pour la branche «éclaireurs» mais sera très vite considéré comme valable pour toutes les branches. À noter un élément important : la possibilité de «faire craquer les structures traditionnelles» – c’est-à-dire, en fait, le système des patrouilles, pour certaines activités (donc de temps en temps) au bénéfice d’un projet commun, l’entreprise.

 

 

 

 

 

 

 

 

Une première conséquence de cette nouvelle orientation va concerner, très progressivement,… le vocabulaire, considéré comme toujours trop militaire : le «responsable» va remplacer le «chef» et les termes à connotation un peu trop militaires vont évoluer : la «patrouille» va devenir «équipe» puis «équipage», la «troupe» va devenir «unité». Nous reproduisons en illustration deux cartes, l’une de «chef» en 1946 (avec, au dos, la loi, le mot d’ordre, le texte de la promesse) et l’autre de « responsable » en 1947 (avec, au dos, l’article premier des statuts). À noter, sur la seconde, que le vocabulaire n’a pas encore évolué : elle indique «chef de clan» !


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

Cette transformation du vocabulaire, en ce qui concerne les responsables, est importante car elle traduit une évolution de la relation d’animation des jeunes. Les différences entre ces deux cartes le montrent bien : la première rappelle un certain nombre de règles – la loi, le mot d’ordre, la devise, la promesse – traduisant une relation d’autorité, la deuxième se limite à un rappel des objectifs et des valeurs du Mouvement, mettant ainsi l’intéressé dans une position plus « dulte». Notons également, au passage, l’affirmation de la laïcité en 1947 alors que l’année précédente, l’association se dit simplement «respectueuse de toutes les convictions».

 

 

 

 

 

 

 

 

Le reste du vocabulaire n’a pas évolué rapidement, et c’est lors de la création du «nouveau Mouvement » des Éclaireuses et Éclaireurs de France que la décision a été prise de trouver des dénominations nouvelles pour éviter que le masculin ne s’impose sur le féminin, la F.F.E. n’ayant pas adopté les mêmes termes. On va donc parler encore, pendant de longues années, de «patrouille», de «troupe» ou de «meute».

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les obstacles :

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour le système des patrouilles – pardon, des équipes ! – il s’agit plus d’une proposition d’évolution que d’un rejet, mais cette proposition va rencontrer les difficultés liées à tout changement.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les obstacles sont essentiellement internes, car supposant une réelle modification de certains comportements (ceux auxquels Pierre François fait allusion lorsqu’il évoque les chefs «autocratiques» à classer «dans la catégorie des imbéciles dangereux» - certains ont du se reconnaître !). Un certain nombre de réactions quelquefois virulentes, traduisent un rejet de cette évolution, pour diverses raisons dont certaines, au niveau des « principes », vont conduire à une crise et à l’avènement d’une association dissidente :

 

 

 

 

 

 

 

 

-   nouveauté due à des responsables nationaux ressentis comme non issus du Mouvement : en témoigne un texte écrit… cinquante ans plus tard par un dissident :

 

 

 

« « l’oeuvre de destruction des parasites professionnels qui se sont emparés des EDF et qui les ruinent depuis 50 ans ! »«renvoyer au tableau noir cette clique de nullités es scoutisme, ces noyauteurs professionnels, et remettre les Éclaireurs sur leurs rails ! Je n’ai jamais accepté de voir les EDF colonisés et subir leur tactique destructrice de remue-méninges continuels. Le but des EDF n’est surtout pas de planquer des salariés ou des détachés, mais avant tout d’animer le plus possible de jeunes ».

 

 

 

 

Précision utile : les évolutions proposées par les équipes nationales de branche, constituées de responsables «de base», étaient pilotées par Andrée Barniaudy et Adeline Gavazzi pour la branche Louveteaux, Jean Estève pour la branche Éclaireurs, Pierre Buisson pour la branche ainée, tous quatre responsables expérimentés d’unités…

 

 

 

 

 

 

 

 

-   prises de position considérées comme d’ordre « politique » : c’est la base de l’action menée contre le Mouvement par l’un de ses fondateurs, Georges Bertier, qui va participer au lancement d’une association dissidente (et interviendra auprès des Renseignements généraux pour que les E.D.F. ne reçoivent plus de subventions !).

 

 

 

 

En réalité, il ne faut pas oublier le contexte de la «guerre froide», qui conduit les Boys Scouts of America à se définir comme suit en 1962 : « Un scout doit : « … Compléter ses connaissances sur le communisme et les autres organisations subversives afin de pouvoir les enterrer grâce à la vérité sur la liberté.… Promouvoir davantage de programmes scolaires et associatifs sur la citoyenneté, le gouvernement américain et la libre entreprise concurrentielle… Être capable d’expliquer comment la libre entreprise concurrentielle est reliée à notre forme de gouvernement, offre la liberté d’entreprendre, et élève notre niveau de vie. … ». Prise de position évidemment politique, sans équivalent dans notre pays confronté surtout à l’émergence de la décolonisation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour ceux – la très grande majorité – qui restent dans le Mouvement, la difficulté majeure résulte du changement de comportement que suppose cette nouvelle orientation : le scoutisme s’est longtemps voulu simple, très axé sur ses propres « techniques », implantées localement à partir d’une expérience transmise de génération en génération. Sans trop d’intervention d’une formation considérée comme théorique, celle des camps-écoles en général nationaux.

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Les conséquences pour la formation :

 

 

 

 

 

 

 

 

L’expérience acquise tout au long des décennies a conduit  à un système de formation des cadres articulée en trois volets :

 

 

 

-   un volet « expérience », acquisition sur le « terrain » à travers les activités, supposant une transmission par les responsables déjà formés, donc essentiellement dans le cadre du groupe local,

 

 

 

-   un volet « collectif », acquisition programmée par le Mouvement, à partir des « camps-écoles », et, en particulier, le camp-école de Cappy, haut-lieu historique du scoutisme E.D.F. et E.U., apportant un autre niveau de transmission assurée par les grands chefs,

 

 

 

-   un volet « documentaire », assuré par les revues du Mouvement, sous la responsabilité des équipes nationales à partir des expériences de terrain ou des réflexions sur la pédagogie.

 

 

 

 

 

 

 

Il est évident que le premier volet privilégie, fort justement, le niveau local et que, si la transmission se limite à l’expérience de terrain, elle ne favorise pas trop l’évolution. L’accent va donc être mis, au cours des années 50 et 60, sur les autres volets de la formation :

 

 

 

-   les camps-écoles à plusieurs niveaux : premier niveau avec les « camps-écoles préparatoires » (C.E.P.),  organisés au niveau régional ou départemental, deuxième niveau avec les « Cappys » (qui gardent le nom du lieu historique bien qu’installés un peu partout), organisés au plan national. Les groupes choisissent eux-mêmes d’envoyer les responsables dans les camps-écoles, et la participation à un « Cappy » est souvent le couronnement d’une carrière, une sorte de récompense avant la retraite…

 

 

 

-   les revues : elles seront complétées par des « cahiers » (dénommés d’abord « cahiers techniques », puis « de branche », avant de devenir « cahiers du responsable »). La lecture de ces documents est, sur plusieurs décennies, très instructive, car elle démontre la nécessité de faire vivre ensemble un scoutisme traditionnellement « technique » et une orientation plus centrée sur l’animation partagée.

 

 

 

 

 

 

 

 

À noter au passage une expérience menée par quelques régions, et, en particulier, la région parisienne dans les années 60 et 70 : les « camps d’application pratique », organisés au niveau régional, regroupent quelques unités d’une même branche sous la responsabilité d’un responsable pédagogique. Les unités vivent leur camp comme d’habitude, mais le programme et le déroulement en sont élaborés et commentés en commun. Il est évident que cette solution va à l’encontre de l’habitude prise par certains groupes d’organiser des camps de groupe, réunissant des unités de plusieurs branches, le plus souvent Louveteaux et Éclaireuses / éclaireurs. Cette solution, qui avait pour but de compléter, sur le terrain, une formation considérée comme théorique, a quelquefois bousculé les habitudes locales…

 

 

 

 

 

 

 

 

La concrétisation :

 

 

 

 

 

 

 

 

La mise en œuvre d’une véritable « démocratie » dans le Mouvement doit donc combiner deux éléments : la participation et la représentation. La participation suppose que les intéressés soient consultés, quels que soient leur âge, leur ancienneté dans l’association, leur niveau de connaissance. La représentation suppose que les organes décideurs soient, également à tous les niveaux, issus de l’ensemble des membres. Ces deux exigences vont poser quelques problèmes car elles induisent une modification importante du fonctionnement lui-même, aussi bien en ce concerne la pédagogie que la gestion de la collectivité.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’idée de base de la participation est donc que chaque membre intéressé puisse prendre part à l’élaboration des décisions concernant leurs activités, encore faut-il mettre en place les moyens correspondants, c’est-à-dire définir les modalités de cette participation, qui doit se traduire concrètement en donnant les moyens à chacun d’exprimer son opinion. La solution proposée est la création de «conseils» et la rédaction de «constitutions». À noter que celles-ci, qui représentent une formalisation, traitent également, en général, de la représentation.

 

 

 

 

 

 

 

 

La constitution de la «troupe» Charles Martel de Poitiers, élaborée à la rentrée de 1953, donne un excellent exemple de cette traduction pratique. Notons au passage que, six ans après les Résolutions d’Angoulême et leurs conséquences, l’unité continue de s’appeler «troupe», c’est aussi un excellent exemple de la difficulté toujours rencontrée à faire adopter «à la base» les évolutions suggérées (Voir en annexe quelques pages de la constitution de Poitiers et le commentaire d’un acteur de l’époque).

 

 

 

 

 

 

 

Ce texte doit être situé dans son temps, c’est-à-dire considéré, en lui-même, comme une modification sensible de la situation précédente. Il met en évidence le rôle majeur du «conseil des chefs de patrouille», autrefois dénommé «haute patrouille», qui apparaît comme «l’élément essentiel» dont les décisions sont «sans appel» et «applicables de plein droit». La «maîtrise», formée par le chef de troupe et ses assistants, en est «l’organe exécutif», disposant d’une «assez grande liberté d’action», mais toujours sous le contrôle du conseil des chefs de patrouille. Le chef (de troupe) n’est donc plus décideur, même si le conseil lui fait confiance et si la maîtrise dispose d’un droit de veto… Au total, la constitution distingue les trois fonctions : législative,  exécutive, juridique, le dernière étant assurée par une «cour d’honneur» apparemment peu modifiée. Le document détaille également un certain nombre de dispositions pratiques (l’uniforme, le matériel, les réunions et sorties) qui en font au total une véritable charte de fonctionnement de l’unité.

 


 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Notre style :

 

 

 

 

 

 

 

 

Quatre ans après la création du «nouveau Mouvement» des Éclaireuses & Éclaireurs de France, paraît une plaquette intitulée «notre style» qui résume, sous une forme longuement étudiée, l’ensemble des «habitudes» du Mouvement à tous les niveaux. Malheureusement, ce document, qui ne se limite pas à un «cérémonial»,, est paru… en mai 68, dans une période où tous avaient autre chose à faire qu’à revenir sur leurs traditions. Et pourtant il est très intéressant dans la partie intitulée «pratique de la démocratie».

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous en présentons les pages en annexe, mais on peut en retenir les rubriques :

 

 

 

-   introduction : « pour les EEDF, le choix de la méthode démocratique est un préalable. (…) L’accord sur le principe est donc pour nous une donnée fondamentale. Il ne se discute pas, ce qui n’implique pas, il faut le souligner fortement, que nous devions entre nous être toujours d’accord sur tout »     ;

 

 

 

-   les obstacles à éviter : «on ne naît pas EEDF comme on naît Français» ;

 

 

 

-   les techniques : «information et recherche, décision, exécution» ;

 

 

 

 

 

 

 

 

Chacune de ces étapes est ensuite détaillée et accompagnée de considérations pratiques. On peut considérer que ce document représente un point d’aboutissement d’une vingtaine d’années d’expérience(s) après le «choix fondamental» effectué après la Libération. L’affirmation de ce choix répond d’ailleurs à un certain nombre de critiques, déjà évoquées, formulées par quelques membres du Mouvement qui y voyait une perte d’efficacité par rapport aux méthodes d’animation plus… traditionnelles dans le scoutisme des premières décennies. Les pages correspondantes sont reprises en annexe de ce résumé car elles démontrent, à la fois, un « mode d’emploi » et… une analyse des risques née de l’expérience.

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces éléments concernent aussi bien la participation que la représentation, mais un travail de recherche et de mise au point dans l’animation des unités va être entreprise, en particulier par les «grandes équipes» de chaque branche et dans les stages de formation premier et deuxième degré.

 

 

 

 

 


 

 

 

 

La « crise » - 1972-1977 :

 

 

 

 

 

 

 

 

La période  de parution de « Notre style » en mai 1968, - quatre ans après la création du « nouveau Mouvement » des Éclaireuses et Éclaireurs de France, concrétisation du choix, depuis 1947, de la coéducation des filles et des garçons -, va en masquer l’intérêt car ce document sera surtout considéré comme un nouveau « cérémonial », plus tellement d’actualité. Si ce rappel des règles et des traditions y occupe une place, il n’en est pas l’essentiel et reste intéressant par ce qu’il représente d’expérience et d’analyse des risques. La démonstration va en être faite peu de temps après, à partir d’une mise en cause du fonctionnement du Mouvement à l’occasion d’une Assemblée Générale.

 

 

 

 

 

 

 

 

Très concrètement, un groupe de responsables participant à un «camp école» deuxième degré décident d’organiser eux-mêmes une «pré-A.G.»  destinée à permettre une «réflexion préalable». Cette demande semble indiquer que le fonctionnement en place depuis quelques années ne la permet pas, alors que les délégués à l’A.G. sont élus lors des congrès régionaux et reçoivent en temps utile des textes présentés aux votes de l’A.G. ; contrairement à ce qui semble être indiqué, aucune «pré A.G.» n’a jamais été organisée auparavant :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le danger de ce dérapage est ressenti par le responsable du stage, lui-même très impliqué dans la volonté d’une réflexion sur le fond :

 

 

 

 

 

 

 

 

L’A.G. de 1972 va être suivie d’une période de…turbulences conduisant

 

 

 

-   à l’élection d’un nouveau président et d’un nouveau Comité Directeur,

 

 

 

-   à la mise en place d’une nouvelle équipe nationale,

 

 

 

-   au lancement d’une grande « consultation » de l’ensemble du Mouvement,

 

 

 

-   aboutissant à des « Assises » en Avignon en 1974,

 

 

 

-   puis à une nouvelle A.G. chargée de redéfinir, à la fois, les orientations générales et  le fonctionnement démocratique du Mouvement pour les années à venir.

 

 

 

 

On peut d’ailleurs y voir une confirmation du choix proposé depuis 25 ans : «Consultation» et «Assises» sont une concrétisation de la volonté de participation de tous aux orientations du Mouvement. Sans entrer dans le détail de ces conclusions, notons simplement qu’elles vont confirmer la référence au scoutisme, mise en cause par certains, et la plupart des choix effectués depuis la Libération.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet épisode aura finalement duré cinq ans : il est intéressant car il donne une excellente illustration de la situation que craignait Jean Estève, auteur de «Notre style», quelques années auparavant : la démocratie «appliquée» dans le cadre de notre Mouvement n’est pas très compatible avec l’existence de «tendances» défendant des modes de pensée et de fonctionnement assez fondamentalement différents. Cette période de crise a été significative car elle a, en quelque sorte, montré les limites d’une orientation excessivement «intellectuelle». Mais elle a entériné, à la fois, la volonté de participation de tous et la nécessité d’une meilleure représentativité. Ce qui, finalement, peut être considéré comme un aspect positif…

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet épisode, venant après les difficultés à faire entrer la démocratie dans notre scoutisme, est intéressant aussi sur un autre point : l’importance d’une «pédagogie» de la démocratie. À suivre ?

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Conclusion :

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on admet, comme nous le proposons, que le scoutisme ne contient pas, en lui-même, l’idée de démocratie, on peut constater que, dans ce domaine comme dans d’autres, le scoutisme laïque a fait preuve d’innovation, aussi bien dans ses objectifs que dans ses méthodes et leur mise en œuvre. Et qu’il a pris, comme dans d’autres domaines, un certain nombre de risques pas toujours clairement identifiés et traités. On retrouve un peu le cheminement qui a accompagné le choix de la coéducation des filles et des garçons : un certain nombre de réticences devant des innovations par rapport à des habitudes acquises, la nécessité d’une pédagogie permettant la diffusion des conclusions d’une expérimentation, un accompagnement structuré avant généralisation… Vaste programme !

 

 

 

 

 

 

 

 

Contrairement à l’impression qui peut en être gardée aujourd’hui, cette innovation n’était pas évidente au plan «culturel». Si nous risquons un peu d’analyse transactionnelle, il semble qu’elle supposait une modification importante de la relation présente à tous les niveaux du Mouvement : alors que la notion de formation, tant du comportement que des connaissances, – inhérente à la définition du scoutisme – suppose une relation de type «parent / enfant», la démocratie repose sur l’idée que la relation peut être «adulte / adulte». Ce qui présente une difficulté, mise en évidence par Jean Estève dans la plaquette «Notre style» : la décision, collective ou non, suppose un recueil d’informations qui peut nécessiter un apport de type… non démocratique. Mais c’est aussi un problème pour l’enseignement et, plus généralement, dans la vie du citoyen…

 

 

 

 

 

 

 

 

Autrement dit, des pièges se sont ouverts sur le trajet, nous y sommes quelquefois tombés… Et nous avons quelquefois «essuyé les plâtres». Mais c’est peut-être aussi le rôle de notre Mouvement, et la plupart des autres nous ont rejoints. Le scoutisme est un organisme vivant, il n’est pas figé pour l’éternité, il faut bien que certains essayent de le faire évoluer…

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