2018 : une « journée de la mémoire du scoutisme laïque »

Mar12Fév201908:22

2018 : une « journée de la mémoire du scoutisme laïque »

Index de l'article

 

… sur le thème « du scoutisme d’extension aux vacances adaptées », un siècle d’accueil du handicap dans le scoutisme laïque

 

 

Introduction : petit rappel… historique :


Yvon Bastide, ancien responsable « extension » EDF,

Président de l’association pour l’histoire du scoutisme laïque (A.H.S.L.)

 

Rappel : les grandes orientations du scoutisme laïque après la Libération sont évoquées par les Journées de la mémoire :

-   2013 : pendant la guerre et conséquences

-   2015 : l’émergence de la coéducation

-   2017 : l’émergence de la démocratie

-   2018 : une volonté d’ouverture de notre scoutisme…

 

Cette année, nous évoquons une volonté de prolongement, et non plus une émergence :

-   dès les années 30, avec la création des CEMEA,

-   après la Libération, avec la création des Francs et Franches Camarades,

-   mais aussi un effort particulier de réflexion et action en direction des adolescents, des pays colonisés… et, dans le scoutisme d’extension, adaptation du scoutisme aux jeunes « handicapés ».

Prolongement, mais aussi un choix de société, le refus de toute discrimination : au tout début de l’équipe nationale Extension à Paris, en octobre 1945, on trouve trois routiers de Villeurbanne, retour de déportation, Jacques Lubetski, survivant d’Auschwitz, Solange Weil, André Haim, Denise Kahn, Érable Lévy-Danon…

Cette « adaptation » du scoutisme suppose un petit arrêt sur une définition du handicap et sa prise en compte par la société.

 

Définition du handicap :

C’est une « déficience, entraînant une limitation de possibilités d’interaction de l’individu avec son environnement ». Pas simplement un problème de santé : le handicap a une dimension sociale : accessibilité, expression, compréhension…

C’est un problème « complexe » de l’avis des institutions internationales ! Et de la société…

 

La société et les handicapés :

La prise en compte des handicapés par la société qui les entoure a connu des évolutions. Marie-Claire Cagnolo, docteur en philosophie, dans sa thèse de doctorat en 2006 « La généalogie philosophique du concept de handicap à travers l’émergence institutionnelle de l’idée de justice sociale » met en évidence des « logiques » liées à la perception des situations :

Les logiques « séparatistes » : malédiction, impureté, fatalité, tare… conduisant à :

-   l’élimination (Grèce antique, Nazisme)

-   l’exclusion / séparation (grottes,…)

-   l’enfermement (hôpital général).

Les logiques « paternalistes » : prise en compte de l’infirme dans la communauté conduisant à :

-   une action caritative, personnelle ou collective,

-   une assistance, prise en compte par la collectivité,

-   une réparation : soldats, puis tous infirmes,

-   une protection, en particulier juridique,

-   une réadaptation, faculté de progresser.

Les logiques « sociétales » : égalité de droits et lien social conduisant à :

-   la compensation,

-   la prévention,

-   la participation,

-   l’intégration.

 

Cette évolution est apparue, en France, à partir du XVIIIe siècle :

-   Diderot : lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient,

-   Abbé de l’Épée : école pour les sourds-muets et langue des signes pour communiquer,

-   Valentin Haüy : institution des jeunes aveugles, caractères en relief pour lire,

-   Philippe Pinel : la psychiatrie et les traitements « doux »

 


 

 

 

Les débuts du scoutisme chez les handicapés :

Au passage, un grand merci à Andrée Mazeran-Barniaudy pour son témoignage sur l’équipe nationale Extension et son action, et à Janik Pikula qui nous a transmis son mémoire universitaire de Master 2, sciences de l’éducation « Scoutisme et Handicap : Du scoutisme d’Extension au scoutisme pour tous » présenté en 2016-2017. Nous leur empruntons de nombreuses informations.

Le scoutisme, né en 1907 d’une proposition de Robert Baden-Powell dans le prolongement d’une expérimentation menée aux États-Unis quelques années auparavant, a été adapté aux malades à partir des années 20 dans des groupes « spéciaux ». J. Pikula donne un extrait d’un rapport présenté (par B.P. ?) en 1937 indiquant : « Traités comme des êtres normaux et ayant à atteindre le but que constituent leurs épreuves, ils se mettent à penser et à agir comme des gens normaux et à développer leur espoir et leur courage pour prendre le dessus sur leur déficience. »

En France, une première expérience d’adaptation du scoutisme aux « allongés » de l’hôpital de Berck est notée dès la fin des années 20 sur une initiative des Scouts de France, bientôt imités par les autres associations. Denis-Guillard, commissaire national en change du scoutisme d’extension chez les Éclaireurs de France, reconnaît cette antériorité dans un article de la revue E.D.F. vers 1930.

Notre « scoutisme d’extension » viendra, après la Libération, proposer une « passerelle » du scoutisme… habituel vers des milieux non habituels, en commençant par celui des malades – par exemple, les allongés de Berck – mais en se prolongeant vers les handicapés physiques, sensoriels, mentaux et aussi vers les handicapés « sociaux » avec la création de diverses initiatives – sauvegarde de l’enfance, maison des copains de la Villette… Le scoutisme d’extension permettra également la rencontre avec un milieu associatif différent, par exemple dans le cas du groupe de l’Institut National de Jeunes Sourds et de l’association qu’il a créée, Loisirs Éducatifs de Jeunes Sourds, partie prenante de l’Union Nationale pour l’Insertion Sociale du Déficient Auditif (UNISDA) et de ses actions au service des sourds, en particulier pour l’adaptation des émissions de télévision.

 

L’importance du vocabulaire :

Toujours suivant Janik, le terme « extension » est expliqué en France dans le Trèfle, revue de la F.F.E., en 1934 : « Le terme extension a été choisi pour désigner toutes les Guides débiles, mentalement ou physiquement, parce que c’est un mot qui ne souligne pas leur infirmité. Il est très déprimant d’être toujours appelée une invalide. »

Ce texte, comme le précédent, met en évidence l’importance du vocabulaire et les difficultés qu’il apporte : on y évoque des êtres « normaux » – ce qui suppose que les autres sont « anormaux » –, « débiles », « infirmes » ou « invalides ». Un article paru dans la revue E.D.F. en 1937 évoque « le sourire dans la souffrance ».

 

 

 

Un exemple de dénomination… difficile : dans l’ouvrage « Psychologie du scoutisme », couronné par l’Académie Française, Henri Bouchet évoque le scoutisme « paradoxal » (chez les anormaux, les déséquilibrés, les épileptiques, les lépreux, les délinquants, les apaches de Londres, etc. ).

À la F.F.E., on parle d’éclaireuses « malgré tout », qui concernent les  éclaireuses « malades » et les éclaireuses « dispersées ». D’après l’inventaire effectué par Denise Zwilling, présidente de l’association des anciennes F.F.E., elles disposeront d’un journal de 1929 à 1933 et leurs responsables d’une revue de 1942 à 1945.

Les éclaireuses « dispersées », qui seront évoquées plus loin, représentent une initiative originale dont Michel Bouvier a retrouvé la trace dans le cahier de liaison du clan des Oliviers, géré par sa tante Lucie Duval, « Biche », ancienne de la Maison pour Tous de la rue Mouffetard. Elles sont un premier exemple d’activité de prolongement au-delà des « malades », symbole d’une évolution. Pour le scoutisme, la notion d’« extension » dépasse donc très vite ce cadre strict ; elle va concerner tous les jeunes pour lesquels il s’avère nécessaire de concevoir et de mettre en œuvre une « adaptation ». On trouve d’ailleurs assez souvent, dans la littérature de nos revues, le terme d’« inadaptés ». Après la guerre, les E.D.F. évoqueront souvent « Comme les autres ».

 

Des établissements de soins aux établissements d’enseignement :

Effectivement, dans les premières expériences, il s’agit surtout d’apporter le scoutisme aux jeunes « malades » accueillis dans des établissements de soins, le plus significatif étant l’hôpital de Berck recevant des « allongés ». Très rapidement, on va voir apparaître des actions en direction des établissements recevant des « handicapés » au sens habituel du terme, physiques, sensoriels ou mentaux, mais également en direction des établissements fonctionnant en internats.

Cette évolution semble s’inscrire dans une volonté de donner au scoutisme un contenu « social », comme le précise un article paru dans « le Chef » en 1934, évoquant l’action du recteur Charlety « contre la veulerie et l’immoralité » dans le cadre du « Cartel des Forces Spirituelles ». Les E.D.F. et la F.F.E. apparaissent comme parties prenantes de cette action, et l’article évoque les « nouveaux milieux », « écoles et œuvres de jeunesse » qui « nous ouvrent leurs portes, en particulier les Instituts d’aveugles et de sourds-muets à côté des préventoriums et hôpitaux. ».

 


 

 

 

 

 

 

Une volonté affirmée :

Janik Pikula a retrouvé  la création d’une association dédiée en 1936 par la F.F.E., les E.D.F. et les E.U., sans participation des  mouvements de scoutisme catholique (qui créeront de leur côté une « association des amis de l’extension », A.N.A.E.).

 

 

 

Le siège social est celui de la F.F.E., le président est Paul Caron, membre du C.D. des E.D.F., les membres du Conseil d’administration sont des dirigeants de la F.F.E. (Melles Beley et Hourticq), des E.D.F. (M. Denis-Guillard) et des E.U. (Melle Seydoux, M. Gastambide), ou des responsables d’établissements ou de services sociaux : Mme Decroix, présidente de la section de cure du « service social à l’hôpital »,  Melle Hardouin, directrice du service social de la caisse de compensation de la région parisienne,  Mme le Dr Ragu-Frey, médecin de l’Office public d’hygiène sociale.

 

Le cas particulier des établissements d’enseignement :

En ce qui concerne les jeunes handicapés, les établissements d’enseignement se présentent comme un cas particulier : ils n’ont pas été totalement concernés par les grandes lois sur l’instruction publique dites Lois Jules Ferry instaurant la gratuité, l’obligation et la laïcité dans l’enseignement primaire mais prévoyant des « adaptations » pour les handicapés. La conséquence de ces adaptations semble être que les établissements resteront souvent privés et, souvent également, gérés par des communautés religieuses même s’ils sont en principe publics, rattachés au Ministère de la Santé pour les établissements nationaux (et non au Ministère de l’Éducation Nationale, auquel sont rattachés les établissements départementaux) : on peut y voir le reliquat d’une situation où les établissements de soins étaient gérés par des congrégations.

 

Exemple dans l’enseignement des jeunes sourds :

-   des instituts publics nationaux « laïques » à Paris, Metz, Chambéry,

-   un institut public national géré par une communauté religieuse : Bordeaux,

-   des instituts publics départementaux : Asnières, Lyon…

-   des instituts privés départementaux ou locaux un peu partout.

 

Les établissements nationaux et les établissements privés dépendent du Ministère de la Santé, les établissements départementaux dépendent du Ministère de l’Éducation nationale.

Très logiquement, à partir des années 30 et en liaison avec l’amélioration des relations du scoutisme avec l’éducation nationale, dans une période où le nouveau président des E.D.F. est un universitaire, Albert Châtelet, qui vient de remplacer un des créateurs du Mouvement,  Georges Bertier, directeur d’un établissement scolaire privé (et animateur d’un syndicat d’enseignants de même origine), les Mouvements non confessionnels vont entrer en relations avec les établissements publics dépendant du Ministère, nationaux ou départementaux. C’est ainsi que, pour les sourds, des groupes vont être créés à Paris, Asnières, Lyon, Chambéry. Celui d’Asnières sera commun aux sourds et aux entendants. Celui de Paris sera commun aux E.D.F. et à la F.F.E. N. La même implantation se fera dans les établissements pour jeunes aveugles (Paris, Saint-Mandé, Villeurbanne…)

 

Un choix pédagogique :

Un point important est à noter : ces groupes sont créés dans les établissements, c’est-à-dire que les jeunes s’y retrouvent entre eux, sans mélange a priori avec les non-handicapés. Un exemple de groupe « mixte » entre sourds et entendants existe à Asnières où la troupe de l’Institut Gustave Baguer est constituée de deux patrouilles de sourds et de deux patrouilles d’entendants. Mais la séparation continue d’exister au niveau des patrouilles.

Il s’agit d’un choix « pédagogique » destiné, essentiellement, à éviter que le handicap soit ressenti comme une infériorité dans un cadre global : un enfant qui est allongé, ou qui n’entend pas, ou qui ne voit pas, ou qui ne comprend pas… ne vivra pas les activités de la même façon que ses voisins non handicapés. Dans la mesure où les handicapés, de toutes natures, reçoivent des traitements particuliers (qui ne se limitent pas à des « soins », surtout en ce qui concerne l’enseignement), l’intégration sans prise en compte de ce risque n’apparaît pas comme une solution. Les jeunes entre eux peuvent jouer complètement le jeu scout, développer leurs capacités propres… et se mesurer aux autres au cours d’activités communes programmées de temps en temps. L’accueil d’un jeune handicapé isolé dans une unité « classique » reste évidemment possible à condition que son handicap ne soit pas trop sévère ; sinon la pitié risque fort de compromettre la relation…

Nous verrons plus loin que cette situation évoluera au cours des années suivantes, en fonction de la prise en compte du handicap par la société dans son ensemble. On parlera alors d’intégration et d’insertion, voire, plus récemment, d’inclusion.

 


 

 

Après la Libération : une politique d’implantation élargie :

Dès les années 30, la F.F.E. et les E.D.F. mettent en place un responsable national en charge du scoutisme d’extension (Melle Hourticq pour la F.F.E., M. Denis-Guillard pour les E.D.F.) mais, après la Libération, on voit apparaître dans les revues  E.D.F. une volonté d’action spécifique dans trois domaines :

-   l’information des structures potentiellement intéressées (établissements, enseignants),

-   le financement des surcoûts liés à l’action en direction des handicapés,

-   la coéducation avec l’ensemble du Mouvement.

Autrement dit, la « branche » extension va définir une politique spécifique d’adaptation du scoutisme « habituel » ; cette politique sera prise en charge par « Érable » Lévy-Danon, commissaire nationale de la branche, dans l’équipe nationale de Pierre François. Érable est la veuve de « Chouette » Lévy-Danon, ancien commissaire régional E.D.F. fusillé par les occupants. Elle donnera une magnifique définition de son secteur d’activité :

« À l’opposé des racistes qui n’accordent d’efficience qu’à l’homme assez musclé qui s’impose par la force, nous croyons en la valeur de tout être ayant usage de sa conscience. Nous croyons que tout être, même infirme, même malade, doit être doté de volonté libre et porté, comme les autres, par sa propre dignité. »

 

L’information : les « stages d’information sur le scoutisme d’extension » :

Proposé en juillet 1946 par la F.F.E. N et les E.D.F., le premier stage d’information est « ouvert à tous ceux (scouts ou non) qu’intéresse l’enfance handicapée (osseux, pulmonaires, paralysés, sourds-muets, aveugles, cardiaques, enfants retardés) ».  Le document de présentation, paru en avril 1946, annonce également un « stage d’information sur le problème de l’enfance en danger moral » dans un lieu et avec un encadrement différents.  L’inventaire des secteurs éventuellement concernés est large mais continue de donner une grande place aux « malades » dans le prolongement des décennies précédentes.

Dans le même temps, un appel est lancé par Eugène Arnaud, commissaire national adjoint, aux responsables : « Faut-il, pour être chef d’extension, des qualités spéciales, une compétence particulière ? Non ! Tout bon chef, toute bonne cheftaine peut apporter une aide immense à des jeunes déficients. (…) Attendrez-vous longtemps pour leur donner la joie de vivre ? »

Les stages d’information sur le scoutisme d’extension s’adressent à tous ceux qui, pour des raisons souvent professionnelles, seront en relation avec des jeunes inadaptés, par exemple les élèves des Écoles normales ou les instituteurs. Organisés par Érable Lévy-Danon, ils sont pilotés par deux inspecteurs généraux de l’Éducation nationale, M. Petit et Melle Mezeix.

Ils aborderont successivement tous les domaines où une adaptation du scoutisme est possible et permettront d’atteindre de nouveaux secteurs : c’est ainsi que, à l’initiative d’André Haim, psychiatre membre de l’équipe nationale Extension, deux instituteurs du centre psychopédagogique du Villaret, annexé à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban sur Limagnole en Lozère, y seront envoyés en 1950 par le Dr François Tosquelles, psychiatre impliqué dans les recherches sur la psychiatrie institutionnelle. Cette participation conduira à la création d’une unité d’éclaireurs à Saint-Alban, en liaison avec le groupe E.D.F. de Montpellier. À notre connaissance, on peut y voir la première expérience d’adaptation de notre scoutisme à des handicapés mentaux sévères.

 Notons également l’action importante menée en direction des « classes de perfectionnement », créées en 1909 et devenues obligatoires en 1945 pour les « arriérés de l’intelligence » qui y disposeront de plus de temps pour un programme allégé avec des rythmes d’apprentissage adaptés aux capacités de chacun. Cette action est « pilotée » par une inspectrice générale,

Cette information ne se limite pas à la recherche de nouveaux responsables et à la création de nouvelles unités, elle s’accompagne d’une action de formation des responsables, en particulier à travers les fiches des « Cahiers ».

 

 

 

 

 

Les finances : la « vente Extension » et le « soir inhabituel » :

Les activités de la branche nécessitent la recherche d’un financement particulier, qui va se traduire par deux types d’actions faisant appel chaque année à ce qu’il est convenu d’appeler la charité publique : la « vente Extension » et le « soir inhabituel ».

-   la « vente Extension », dans les locaux du siège au 66, rue de la Chaussée d’Antin, quelque temps avant les fêtes de fin d’année, pour les achats de Noël,

-   le « soir inhabituel », mis en place par une équipe professionnelle qui fait appel à de nombreux artistes bénévoles.

Ci-après, nous reproduisons quelques pages souvenirs du « soir inhabituel » de 1954. L’invitation et le programme mettent en évidence la participation de nombreuses personnalités, et la conclusion est apportée par Gilbert Cesbron, auteur très apprécié à l’époque. Deux acteurs, Danièle Delorme et Daniel Gélin, également célèbres, ont enregistré un disque de poèmes. À noter que Danièle Delorme et Yves Robert s’intéresseront au groupe d’éclaireurs en rééducation de séquelles de poliomyélite (en chariots plats, fauteuils roulants ou corsets) de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches.

 


 

 

 

 

Les résultats : intégration et coéducation :

La « branche » Extension prenant toute sa place à côté des branches dédiées aux tranches d’âge, les unités d’extension trouvent également la leur dans la vie du Mouvement à tous les niveaux.

Routes Nouvelles fait le point sur les unités Extension en 1962, tout en faisant remarquer leur concentration sur quatre régions. On peut penser que cette concentration résulte, en réalité, de celle des établissements concernés, en particulier pour les handicapés, les classes de perfectionnement étant, elles, plus dispersées sur le territoire.

L’effectif total, de l’ordre de 1500 cotisants, n’est pas très élevé, mais on peut constater que l’implantation se fait un peu dans tous les domaines, avec un début de développement du côté des inadaptés « psychiques » (incluant les inadaptés « sociaux »).

 


 

Un cas particulier : le service « sauvegarde de l’enfance » :

Après la publication de l’ordonnance de 1945 créant les tribunaux pour enfants pour « accentuer la protection éducative de l’enfance et de renoncer à l’idée de châtiment », un article d’Henri Joubrel évoque, dans le numéro du Chef d’avril 1945, le nouveau texte législatif et en tire la conclusion que le scoutisme doit être un excellent moyen d’accompagnement de cette action.

 

 

 

À partir de 1946, Joubrel animera le service « Sauvegarde de l’Enfance » installé au siège national des E.D.F. ; il créera un stage d’information et une association d’animateurs spécialisés, l’ANEJI, et son prolongement international. Nous lui consacrons un article pour plus de détails.

Les extensions de l’extension :

Indépendamment des prolongements « internes » par l’ouverture d’activités en dehors des structures classiques des unités (handicapés mentaux, déficients sensoriels), un certain nombre d’initiatives peuvent être considérées comme venant en complément du scoutisme d’extension défini initialement. C’est, en tout premier lieu, le cas du service « sauvegarde de l’enfance », créé et dirigé par Henri Joubrel, au niveau national. Mais c’est également le cas de certaines actions « locales » comme, à titre d’exemples :

-   l’établissement de Saint-Lambert des Bois créé par Jean-Claude Ferrand, ancien responsable E.D.F.,  pour accueillir des « jeunes en difficulté » via une association « Vers la vie pour l’éducation des jeunes ». Nous reprenons plus loin quelques pages de l’ouvrage « De l’utopie à l’imagination créatrice, quarante ans auprès de jeunes en difficulté » de Jean-Claude Ferrand,

-   la « Maison des copains de la Villette », née d’un groupe local parisien et devenue, par la suite, une association à part entière.  Nous reprenons plus loin l’article que Roland Morteveille, ancien responsable du groupe Extension de l’Institut National de Jeunes Sourds,  qui nous en raconte l’histoire (sur le site de notre association).

 

 

 

 

 

 

 

Une remarque : Roland indique que « ces jeunes ne pourraient s’intégrer à la structure, à l’esprit et aux activités traditionnelles des EEDF » ce qui supposait la création d’une entité distincte, comme pour Saint-Lambert, avec l’aide de René Duphil, responsable national E.D.F. C’est le même raisonnement qui a conduit, en 1964, à la création de l’association « Loisirs Éducatifs de Jeunes Sourds » par le groupe de l’Institut National de Jeunes Sourds de Paris, sur la suggestion de l’inspectrice de la jeunesse et avec l’accord des responsables nationaux. Notons simplement que cette association prévoyait, dans ses statuts, les liens permanents avec les EEDF et que le délégué général du Mouvement en a été le deuxième président.

 

Un problème récurrent : l’intégration…

 

Le problème de l’intégration des handicapés (de toutes origines) ne concerne pas uniquement le Mouvement, c’est un problème de société…

 

 

 

 

En ce qui concerne le scoutisme, il se pose au niveau des activités : comment « intégrer » un handicapé, physique, sensoriel ou mental, dans une unité ?  Ce scoutisme doit-il proposer aux jeunes d’être « Comme les autres » ou… « avec les autres » ? De nombreuses discussions sont apparues autour de ce thème, en particulier dans les revues. Et le vocabulaire lui-même a évolué au fil du temps, l’intégration étant aujourd’hui remplacée par l’idée d’« inclusion ». Nous avons demandé à Janik Pikula de nous résumer ses propres conclusions, issues de son mémoire universitaire de Master 2, sciences de l’éducation : Scoutisme et Handicap : « Du scoutisme d’Extension au scoutisme pour tous ». Et  Christian Hogard nous racontera une expérience d’intégration dans le cadre des Villages « Copain du Monde » qu’il anime.

 

 


 

Une évolution imposée…

Pendant une vingtaine d’années après la fin de la deuxième guerre mondiale, notre scoutisme d’extension apporte donc une réponse à un besoin non pris en compte par ailleurs : l’organisation de loisirs, qui se veulent éducatifs, à destination de jeunes un peu oubliés. Cette situation va évoluer avec la prise de conscience de ce besoin par la collectivité nationale : dans les instituts spécialisés vont apparaître les « éducateurs » à côté des enseignants et, progressivement, va se mettre en place l’accueil des jeunes handicapés dans les établissements scolaires habituels, avec un accompagnement adapté.

Il sera de plus en plus difficile d’installer dans ces établissements des « groupes locaux » de type classique.

Cette évolution sera confirmée après l’arrivée d’un nouveau « commissaire national Extension », René Simonnet (1964), qui va mettre en place des séjours de vacances pour handicapés mentaux. Il s’agit bien de séjours et de vacances, et non d’unités ou de groupes locaux, à côté (puis en remplacement) des unités locales de scoutisme : l’accueil est limité en temps, il n’y a pas de continuité des activités, mais souvent continuité de l’accueil d’une période à l’autre, d’une année à l’autre. Ce souci de fidélisation, de lien, de complémentarité  avec la famille et l’institution spécialisée d’accueil s’exprime en particulier au travers du compte rendu d’observation du séjour, document souvent attendu par le milieu éducatif.

Les premiers séjours sont organisés en 1965 par René Simonnet à Saint-Clément, dans l’Allier,  domaine apporté par les Éclaireurs Français lors de la création du nouveau Mouvement E.E.D.F. D’autres sites EEDF  participeront à ces premières expériences : le Fieux en Creuse, le Moulin de Lavaure en Dordogne, La Couturanderie dans le Cher, Bécours par la suite.  Un numéro spécial de Routes Nouvelles, en 1980, confirme cette nouvelle orientation en évoquant « un problème national » et la nécessité de proposer une réponse à un besoin plus quantitatif en ce qui concerne les vacances d’handicapés mentaux :

 

 

 

Cette nouvelle orientation de l’action du Mouvement conduit à la disparition progressive de la « branche Extension » et à la création de « services » liés à des structures (départements, régions), orientation et fonctionnement qui seront confirmés par la suite.

 

En conclusion :

Le scoutisme d’extension apparaît comme une étape de la réflexion sur les adaptations du scoutisme, tel que défini initialement, en réponse à des besoins de la société, besoins qui sont, par essence, évolutifs. Cette réflexion est – et doit continuer d’être – permanente pour en prolonger l’esprit.

 

 

 

 

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