1913 : Un "journal scout"paraît à Reims

Ven07Oct201119:59

1913 : Un "journal scout"paraît à Reims

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 Une belle présentation des activités dans les toutes premières années de notre scoutisme, à Reims et aillleurs


Ce document nous a été communiqué par Jean-Jacques Gauthé, président de l'association 1907 pour l'histoire du scoutisme. Il est de même nature que celui édité à Troyes à partir de 1915, mais il n'a pas été possible de savoir si un lien existait entre les deux.

Il s'agit bien, dans les deux cas, d'une initiative locale, mise à la disposition de tous ceux qui souhaitent s'y associer. Il est défini comme tel par un article de présentation dans le premier numéro, paru le 1er mai 1913 :

 

 


 

Le rôle du scoutisme en complément de ce qui existe, l'importance de la formation physique mais aussi du jeu, l'objectif d'un accompagnement vers "le bien", mais aussi les âges, la tenue, les activités, tout ce qui va permettre de faire de lui "un homme honnête, actif, un bon citoyen et un soldat discipliné".

 

 

 

 


 

Le compte-rendu de cette première année d'existence met en évidence une véritable réussite, puisque, un mois après la fondation de la première patrouille, les Éclaireurs se retrouvaient environ 150, ce qui va représenter... 66 sorties, 140 réunions... et plus de 1000 kilomètres parcourus :

 

La conclusion de cette première année est commentée :

 

"Voici donc les faits dans leur brutalité : physiquement, nous sommes arrivés à d'intéressants résultats au point de vue de la résistance et de la capacité de chacun. Je veux voir dans ceux-ci le couronnement des cours d'escrime, de gymnastique qui ont eu lieu cet hiver, ainsi que la perpétuelle attention des instructeurs à profiter de chaque sortie pour demander un effort physique à chacun.

Mais notre but n'est ni de faire des champions ni de nous attarder uniquement sur le chapitre de l'éducation physique. C'est pourquoi, en même temps, nous nous sommes efforcés de faire de l'instruction. Et, tout naturellement, celle-ci a d'abord porté sur ceux de nos élèves qui manifestaient le désir de devenir chefs de patrouille ou chef de section. Des cours ont eu lieu dans ce but et de sérieux examens et concours révélèrent qu'ils avaient été suivi avec attention.

Par ailleurs, et sous la direction éclairée d'un de nos instructeurs, se formait une section de tambours et clairons dont le succès a toujours été grandissant. Enfin, des cours ont été récemment commencés en vue de l'obtention des brevets suivants : signaleurs, cerfs-volistes, téléphonistes".

L'année 1912 a été celle de l'adhésion à une fédération :

 

"Jusqu'au 1er novembre, les Boys-Scouts avaient été isolés. L'étude sérieuse des différentes organisations françaises qui s'étaient développées depuis la formation du groupement rémois était un constant sujet de préoccupation de la part du Comité rémois. Dans un but d'union de tout le mouvement français, celui-ci décidait spontanément de proposer son affiliation au Comité Directeur des Éclaireurs de France. Peu après, les Boy-Scouts rémois devenaient section rémoise des Éclaireurs de France.

 

 


 

Une définition intéressante

« Le Scout » de Juin propose, sous la signature de Jean Legendre, un article de conseils sous forme de lettre à un jeune « chef ». Il met en évidence, à la fois, le lien du scoutisme avec l’armée et leurs différences. À noter que celles-ci sont plus affirmées que décrites…

« J’ai 23 ans, m’écrivez-vous, je sors du régiment où mes galons de sous-officier sont la meilleure preuve que je n’ai pas perdu mon temps dans la paresse et l’oisiveté ». Je vous en félicite et j’en suis heureux d’avance pour vos futurs Éclaireurs. (…) Vous allez réunir des jeunes Français, leur parler, les guider dans l’accomplissement de leurs devoirs d’Éclaireurs. Eh bien ! mon cher ami, à mes yeux se pose une question et une seule : en avez-vous l’âme ?

« Mais, écrivez-vous, je ne comprends pas votre question : j’ai, pendant plus de six mois, eu 40 hommes à commander et je m’en suis très bien tiré. Je connais des personnes qui ont fondé des sociétés diverses et ont su leur faire remporter mille succès » Eh bien ! je suis enchanté de votre réponse, elle place justement la question sur le terrain où je voulais l’amener. Au régiment, vous aviez affaire à des hommes ; on vous obéissait parce qu’on ne peut concevoir le soldat sans obéissance et qu’au besoin quelques jours à l’ombre sont là pour rappeler ce principe aux étourdis. Dans les sociétés de gymnastique et autres que vous me citez, le but est atteint dès que les exercices d’ensemble sont réussis et que la vigueur physique des membres est développée et accrue.

Or, en matière de scoutisme, il ne saurait en être ainsi. Vous en serez guère jugé par les succès de votre troupe dans les manœuvres qui ne se verront pas (…) Au contraire, si on rencontre vos Éclaireurs se tenant mal dans la rue, traînant le soir, mauvais ouvriers, insupportables dans leur famille, on criera très haut que vous avez fait faillite et tous les diplômes et médailles de votre troupe ne sauveront pas la situation. On aura raison : au fond du scoutisme, il y a tellement de préoccupations morales qu’on ne peut en vain en faire abstraction.(…)

Vous avez lu nos publications, nous connaissez l’esprit de nos Statuts, vous savez combien nous voudrions que cette école des Éclaireurs soit avant tout une école d’abnégation et de dévouement !

Voilà en quoi, mon cher Ami, vous aurez à être le chef, voilà les responsabilités nouvelles qui, du jour au lendemain, vont peser sur vos épaules. »

Suit un paragraphe expliquant que le chef doit être, par son comportement personnel dans la vie quotidienne, un « exemple moral » avec une conclusion : « Pouvez-vous réellement être l’exemple ? Pouvez-vous être le chef qu’on suit ? ».

Un accent particulier est mis ensuite sur l’importance de l’amitié :

« Ce n’est point tout encore. Il existe une autre qualité qu’on n’exige généralement pas d’un moniteur et que l’on défend quelquefois même aux gradés : c’est l’amitié ».

Et elle est évoquée en conclusion, en même temps que la Patrie :

« Soyons donc des chefs dans toute la force du terme et nous pourrons tout obtenir de nos Éclaireurs : « Pour la Patrie et par l’Amitié ».


On peut noter l'affirmation que "le vrai scoutisme tel qu'il est pratiqué et enseigné aux Éclaireurs de France est absolument né viable en France" mais qu'il existe "des conditions spéciales à chaque pays, à leur mentalité propre"... On retrouve ici, à la fois, le questionnement de B.P. qui n'était pas sût que son scoutisme soit adapté aux pays "latins" (voir le témoignage de Georges Gallienne) et l'affirmation, présente dans le Livre de l'Éclaireur, de la nécessité d'une "adaptation".

Il est amusant de constater que, un an seulement avant la guerre, c'est au Roi de Prusse que l'on emprunte une expression : "de braves gens", ni "bataillons scolaires", ni "imitation servile et anglicisme" !

 


À Bordeaux, le groupe des Éclaireurs de la Gironde choisit aussi l'adhésion aux Éclaireurs de France ; un professeur au Lycée et le doyen de la faculté de Médecine en patronnent les activités ; à Creil le recrutement est difficile mais une section existe ; dans le XVème arrondissement de Paris des exercices de tir sont organisés, ainsi qu'à Grenoble. En Meurthe-et-Moselle, un pèlerinage au poteau-frontière permet de se découvrir devant le pays lorrain perdu. Au Havre, "une sorte de revue" est organisée en présence de A. Chéradame, président de la fédération, et des autorités militaires.

Ces articles permettent de formuler quelques remarques :

- tout d'abord, le scoutisme semble connaître un succès un peu inespéré, malgré, quelquefois, un accueil peu favorable ; lorsque des sections sont créées, elle se développement, assez rapidement puisque les comptes-rendus présentés concernent l'année 1912 - celle du démarrage dans la plupart des cas - et les programmes l'année 1913 ;

- la proximité avec des activités de type militaire - tir et transmissions - est constante, de même que l'aide de l'Armée et la participation de militaires à l'organisation et à l'animation des sections ;

- il n'est pas question, dans ces premiers numéros du Scout, de cérémonie de promesse, pas plus que de la loi scoute, même si la section de Saint-Denis tient à préciser que le groupe "n'est pas une société de préparation militaire, mais bien une société d'éducation morale et sociale". 


 

Les éclaireurs sont demandés... et financés :

 

À notre connaissance, la catalogue de Dunhill proposait des articles pour fumeurs, et les Éclaireurs avaient une "cuvée réservée" de Champagne à un prix défiant toute concurrence !

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