Rechercher

1919 : Vers un nouveau départ …

Quelques portraits peints par Pierre François

Dominique François, fils de Pierre François, a retrouvé dans les papiers de son père quelques documents qu’il nous a communiqués.

En premier lieu, une note dressant le portrait de quelques-uns des « grands chefs historiques » du Mouvement, qu’il a fréquentés depuis sa position de « 8ème de pat » jusqu’à sa fonction nationale…

Quelques grands anciens des Éclaireurs de France

Nicolas BENOIT

Jeune et brillant officier de marine, il rêvait de ranimer chez les jeunes l’esprit de la chevalerie. A 25 ans, il se rendit en Angleterre et fut saisi de suite de l’ampleur du mouvement des Boy-Scouts que B.P. avait créés en 1908.

Rentré en France il prend contact avec ceux qui avaient tenté de premières expériences, Georges Gallienne à Grenelle, Georges Bertier à l’Ecole des Roches. C’est avec eux, c’est avec Paul Charpentier qu’il jette les bases du Mouvement des Éclaireurs de France, ayant pour but d’unir tous les Français, de toutes conditions, de toutes croyances, de toutes opinions. Il rédige un plan d’organisation, il crée l’insigne, l’Arc Tendu, et la devise « Tout Droit ».

Ardent promoteur des Éclaireurs de France, il n’en vit que les débuts. Il fut tué au combat le 17 décembre 1914 à Steinwerke sur l’Yser.

Paul CHARPENTIER

Tel il m’apparut alors que j’étais 8éme de patrouille des Éperviers, tremblant au dernier rang, et que lui, il passait devant le front de notre troupe. Il passa, il ne dit pas un mot. Nous, nous étions figés d’admiration. Puis, en rentrant de la sortie, nous n’arrêtions pas de commenter les multiples qualités et vertus de cet homme, Délégué Général des Éclaireurs de France. Avions-nous été impressionnés par ses fières moutaches, les dernières que nous devions voir, ou par ses yeux noirs ?

Au fond, nous ne le connaissions pas et il nous restait à découvrir ce conteur de découvertes car il était directeur du Journal de Voyages, magazine qui avait un grand succès parmi les jeunes. Cet homme – qui n’avait sans doute jamais quitté son boulevard parisien – nous entraînait dans le merveilleux domaine de l’aventure et de l’exploration. Oui, c’était un boulevardier, un Parigot, spirituel et cordial. Beaucoup d’entre nous gardent dans leur tête et dans leur cœur les refrains si gais de la « Forêt des Légendes », cette féerie ou cette opérette qu’il avait écrite pour les Éclaireurs de France et qui fut créée aux alentours de 1925.

Paul Charpentier ne cessa jusqu’à sa mort, en 1947, de rester fidèle aux Éclaireurs de France et d’apporter au Comité Directeur une précieuse collaboration, celle d’un souriant bon sens et d’une affectueuse franchise.

Henry MARTY

Henry Marty participa à la création d’une des premières troupes d’Éclaireurs de France, celle de l’École des Roches, et il la dirigea effectivement.

Sa grande distinction d’esprit, son intelligence d’éducateur et sa compétence internationale l’amenèrent rapidement à jouer un rôle prépondérant dans notre Mouvement dont il fut un membre du Comité Directeur, et dont il fut Commissaire International, ainsi que dans le Scoutisme Mondial puisqu’il fut membre du Comité International depuis sa création en 1922 jusqu’à la guerre de 1939. Baden-Powell l’aimait et l’estimait beaucoup.

D’un abord plutôt froid, il offrait d’étonnantes surprises à ceux qui savaient vaincre sa réserve et sa timidité. On découvrait alors des trésors d’érudition et d’esprit. Certains se souviennent de cette veillée où il nous apparut en valet du XVIIéme siècle et où il nous débita un désopilant « à la manière de la Marquise de Sévigné ». D’autres ne peuvent oublier le rapport sur le camp d’éclaireurs qu’il présenta avec une technique très sûre et une émouvante poésie au Congrès de Lyon en 1924.

Pierre MAZERAN

Pierre Mazeran, un vieux garçon original, s’était entièrement donné au scoutisme, précisons au scoutisme lyonnais qui a toujours gardé son empreinte.

Préparateur à la Faculté des Sciences, il a sacrifié une carrière scientifique qui aurait pu être brillante. D’une santé chancelante, il en a négligé les soins, car il voulait se consacrer au monde des garçons. Il les traitait sans mièvrerie, franchement, rudement, comme des hommes. Il les guidait vers les hauts sommets des Alpes et leur communiquait sa passion de l’alpinisme. Il les pliait à des disciplines ascétiques et leur communiquait son intransigeance morale.

Cet homme, complètement sourd, était très écouté. Très écouté de toute une génération qui a laissé des traces, les Étienne PEYRE, les Pierre et Marcel KERGOMARD, les Louis FRANÇOIS, les François GOBLOT.

Membre du Comité Directeur, il y mena de 1922 à 1924 un rude combat contre le genre « bataillon scolaire » qu’avait pris le scoutisme en France et pour le retour aux méthodes éducatives de Baden-Powell. Il avait le droit de mener cette polémique car tous les dimanches il était dans la nature avec ses éclaireurs, appliquant le système des patrouilles, éveillant les esprits, respectant chaque personnalité.

Peu avant sa mort, sur son lit d’hôpital, il étalait des cartes d’État-Major, il préparait le camp d’été. Il s’est éteint en travaillant à notre bonheur.

Frédéric CAQUELIN

Frédéric Caquelin, Hathi, était venu tard au Mouvement. Avocat colmarien, de belle réputation, homme politique menant de furieux et joyeux combats contre l’autonomisme alsacien, il était entré aux E.D.F., en 1936, en prenant allègrement les fonctions de chef de groupe. Cela consistait pour lui, à sortir et à camper avec les louveteaux et les éclaireurs.

En 1940, réfugié dans le Périgord, il entend l’appel du Commissariat National et accepte les fonctions de Commissaire Général Adjoint. Sa bonhomie, son humour, sa culture et sa lucidité lui valurent de grands succès aussi bien dans les tournées que dans les camps-écoles. Mais surtout il s’employa de suite à répandre dans le Mouvement l’esprit de résistance.

Dès le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, il décide de passer en Algérie ; après plusieurs tentatives, il franchit les Pyrénées dans des conditions très dures, arrive au Maroc puis à Alger. C’est là qu’il prend la direction des E.D.F. pour tous les territoires libérés. Dès son arrivée à Alger, il s’était préoccupé du mouvement naissant des Scouts Musulmans d’Algérie. Il s’est inlassablement dépensé pour cette cause, remontant les courants les plus tenaces, montrant aux associations du Scoutisme Français – et notamment aux E.D.F. – quel était leur véritable devoir sur la terre d’Algérie et quels liens fraternels il fallait nouer avec les jeunes scouts algériens.

Huit jours avant sa mort, alors qu’il était à bout de souffle, alors qu’il se savait condamné, il ramassa toutes ses dernières forces pour assister à une réunion très importante de toutes les associations scoutes et pour y plaider la cause qui lui était chère avec son habituel talent, avec ses mots rudes, avec ses mots gentils et drôles, avec ses mots frappants, avec ses mots justes. Car c’était un passionné de justice.

Pierre DÉJEAN

Voici un joyeux gascon, un authentique mousquetaire, Pierre Déjean, né en Armagnac. Jamais notre Mouvement ne connut de bretteur aussi fougueux ni aussi fier. Comme nous aimerions entendre encore ses apostrophes pittoresques et tonnantes ! C’était l’homme des nobles combats et des victoires éclatantes. Et d’abord des victoires sur lui-même.

À 12 ans, Pierre Déjean est victime d’un accident d’auto et doit être amputé d’une jambe. Le port d’une jambe artificielle au début lui impose de cruelles souffrances. C’est dans un camp d’éclaireurs qu’il s’astreint à les subir, en laissant ses béquilles à la maison. Il gambillait sans trêve, surmontant la fatigue et ne disant rien de sa souffrance. Durant l’occupation, il débarque à Lille un jour de verglas. Il n’hésite pas un instant, il s’élance sur la chaussée glissante où les bipèdes normaux s’aventuraient à peine, il se presse car au bout du long parcours des camarades E.D.F. l’attendent et comptent sur lui.

Il dominait, il disciplinait sa nature fougueuse, criblant et ordonnant les pensées qui lui venaient en foule, s’astreignant à respecter les règles de bonne organisation contraires à son tempérament explosif. Celui avec qui il fit la meilleure équipe, c’est notre méthodique René Duphil, dans les camps régionaux de Capbreton.

Successivement éclaireur à Auch, chef de troupe, chef de groupe, Commissaire de District à Toulouse et à Bordeaux, Commissaire de Province d’Aquitaine, Commissaire national de la Branche Éclaireur et Commissaire National du mouvement interdit en zone Nord, partout et dans toutes ses fonctions, il fut débordant d’enthousiasme et de sincère affection. Il aimait et il comprenait admirablement les garçons de la branche Éclaireur et leur prodiguait les richesses de son cœur et de son imagination.

Complètement isolé du Commissariat National, il se trouva à la tête des E.D.F. clandestins en zone Nord. Non seulement il fit merveille pour maintenir le Mouvement partout, mais encore il travailla toujours dans le sens de l’unité du Mouvement, évitant soigneusement tout ce qui pourrait séparer le scoutisme des deux zones. Il ne recula devant aucun des risques de sa tâche, passionnément attaché à sa mission d’entretenir chez nous l’esprit éclaireur et la flamme de la résistance. Il fut arrêté par la Gestapo et déporté à Mathausen dont il ne devait jamais revenir.

VIEUX CASTOR

Cher Vieux Castor, notre cher patron, comment arriver à te représenter à ceux qui ne t’ont pas connu ?

Avant d’être Vieux Castor, tu fus André Lefèvre, cheminot à Angers, employé chez Dufayel ou dessinateur industriel à Paris, mais surtout membre du Sillon, animateur d’une bibliothèque dans une vieille remise de la rue de l’Épée de Bois, organisateur d’une coopérative de vente de chaussures au profit des grévistes de l’industrie de la chaussure de Fougères et enfin et, surtout, créateur de la Mouff’, la Maison pour Tous de la rue Mouffetard, ce modèle de centre social et de maison de jeunes dans une batisse délabrée.

On t’y a vu servant au bar antialcoolique, essuyant la vaisselle du restaurant, surveillant une machine à vapeur rétive qui actionnait l’appareil de cinéma, et disant des drôleries à tout le monde, et aidant tout un chacun à vivre. Combien d’hommes et de femmes ont trouvé pour toujours un sens à leur vie dans cette Maison pour Tous !

Et te voici en 1921 conquis au Scoutisme et transformant les caravaniers en éclaireurs. Et toi, modeste s’il en fut, tu parcourus en un éclair tous les rangs de la hiérarchie scoute. On te nomme tout de suite Commissaire Régional de Paris et, un moment après, on venait te chercher pour faire de toi le Commissaire National des Éclaireurs de France.

C’était à une époque où la Mouvement avait besoin d’être reconstruit de fond en comble. Avec gentillesse, sans blesser personne, mais avec fermeté, en quelques années, tu sus le sortir de l’ornière des bataillons scolaires pour le ramener à l’esprit et la méthode de B.P.. Tu n’as pas procédé par circulaires ou discours. Non, tu avais une façon si convaincante de parcourir la France sur ton vieux vélo et de dire une blague ou un mot gentil sitôt que tu avais un pied à terre. Tu avais une façon si convaincante de te lever le premier au camp-école et de balayer la salle des instructeurs. Tu avais une façon si convaincante de jouer toi-même le jeu de l’Éclaireur.

Il faut que je vous raconte l’histoire de Vieux Castor et du Vice Recteur de la Corse (Pierre François nous laisse sur notre faim !)

( »Vieux Castor et les Centres d’Entraînement : son désir de voir le plus grand nombre possible de garçons profiter de nos méthodes et de nos jeux. Mais surtout action de Vieux Castor sur l’esprit du Mouvement. »)

L’hommage de Pierre François à Georges Gallienne

Dans « Le Routier » d’automne 1953, Pierre François évoque la personnalité et les choix de Georges Gallienne :