Rechercher

1911 : Deux « fédérations » non confessionnelles

 

Le Livre de l’Éclaireur

Quelques pages du « Livre de l’Éclaireur », édition de 1912

Les pages suivantes présentent :

  • la couverture externe du Livre, édition de 1912 – bien abîmé car il a beaucoup servi !
  • la page d’ « avertissement » ouvrant le Livre proprement dit.
  • le texte du Serment et du Code de l’Éclaireur,
  • la page de titre interne, accompagnée de sa table des matières : on pourra juger de l’abondance et de la variété des sujets traités,
  • une dédicace aux mères de France,

« Scouting for boys »… mais pour les Français !

Rappelons que les statuts des Éclaireurs de France ont été déposés en décembre 1911. Édité dès 1912, cet ouvrage n’est pas la traduction pure et simple de Scouting for Boys, mais il met bien en évidence les objectifs et modalités de la nouvelle association « Les Éclaireurs de France, boy-scouts français », ses liens avec le scoutisme originel mais, également, ses particularités par rapport à celui-ci, dans plusieurs domaines. Particularités qu’il annonce et énonce clairement :

«  Le premier de ces livres, le « Scouting for boys », celui qui sert de guide à tous les autres, a été rédigé par l’éminent initiateur du Scoutisme, M. le Lieutenant-Général Baden-Powell. Les idées directrices groupées par le général Baden-Powell, et qui caractérisent la forme spéciale du Scoutisme, ont inspiré la rédaction du Livre de l’Éclaireur. Mais notre livre, destiné à de jeunes Français, ne pouvait s’attacher à une traduction littérale, ni même à une adaptation étroite du «  Scouting for boys ». Chaque peuple a son génie particulier. C’est ainsi que Français et Anglais ne peuvent se trouver dans des conditions semblables, quant à la compréhension de diverses choses : ils n’ont ni les mêmes institutions, ni les mêmes mœurs, ni les mêmes habitudes, ni les mêmes traditions. En plus, de profondes différences séparent les méthodes éducatives de l’enfance employées chez les deux peuples. »

Les grands principes :

Une particularité s’annonce, dès le départ, tout à fait majeure ; elle concerne le « serment » (qui deviendra, un peu plus tard, la « promesse ») :

« Je promets sur mon honneur :

– d’agir en toute circonstance comme un homme conscient de ses devoirs, loyal et généreux,

– d’aimer ma patrie et de la servir fidèlement, en paix comme en guerre,

– d’obéir au Code de l’Éclaireur. »

Dans cet ouvrage, le texte du serment est accompagné d’une note de commentaire :

« Le serment des Boy-Scouts anglais comporte l’engagement de fidélité à Dieu. Il est évident que cet engagement peut figurer dans la formule du serment prêté par les jeunes gens qui adhèrent à une foi religieuse. Les Éclaireurs de France, souverainement respectueux de toutes les forces morales, n’entendent édicter aucune prohibition. »

On peut considérer que cette affirmation définit ce qui sera, plus tard, la laïcité des Éclaireurs de France, qui s’annoncent, dès l’origine, comme ouverts à tous, croyants ou non, sans aucune « prohibition ». La « promesse alternative » n’est donc pas une invention ultérieure, et le texte de base, ainsi défini dès 1912, n’introduit donc aucune référence religieuse, même s’il ne les rejette pas. Et il semble évident que ce choix a été connu de B.P. et accepté par lui, comme l’atteste la suite de ses relations avec l’Association et ses responsables, en particulier André Lefèvre tout au long des années 20 et 30.

Le contenu

Ainsi que nous pouvons en juger d’après la table des matières, le livre est, à la fois, une présentation de l’association et un véritable « manuel de scoutisme » – qui dépasse d’ailleurs très largement le scoutisme proprement dit puisqu’il traite de sujets aussi divers que l’aéronautique, le chemin de fer ou la navigation, mais aussi « les pratiques du tourisme », y compris « comment aller aux colonies ». Cet inventaire situe bien cette émergence du scoutisme dans un monde qui se veut « moderne » et ouvert.

Le titre premier traite de la mission de l’éclaireur, en onze points qui, à partir du serment, évoquent la conscience, la responsabilité, la discipline, la loyauté, la générosité, la cocarde, la belle humeur, la camaraderie, l’honneur et la Patrie. Sur ce dernier point, l’affirmation est claire : « ll faut le proclamer bien haut, c’est en songeant à sa patrie, à sa grandeur, à sa défense, que le général Baden-Powell conçut l’idée première… (…) . C’est le sentiment que la patrie pouvait être menacée, affaiblie, qui créa le Scoutisme ». Scoutisme qui sera utile « si demain le Germain, ou tout autre, tentait de violer notre sol »…

Le titre second traite de « la vigueur du corps », à travers diverses activités, et le troisième des « ressources de l’esprit et l’adresse des mains ». Le quatrième revient à « la générosité du cœur », incluant « les sports de défense » et « soyons bons pour les animaux ». Le cinquième nous installe « devant la nature », le sixième aborde « exercice et jeux des éclaireurs » avec un programme d’instruction, en plaçant « sous la dénomination générale d’instructeurs tous ceux qui participent, à un degré quelconque, à l’éducation et au dressage des éclaireurs ». C’est le dernier chapitre qui traite des pratiques du tourisme.

Et la dédicace

« Mères françaises, nous vous dédions ce livre. Sans vous, nous ne pouvons rien.

Confiez-nous vos fils, nous vous les rendrons meilleurs, plus forts et plus aimants. »