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1964 : la concrétisation de la coéducation des filles et des garçons

1961 – 1966 : la naissance d’un nouveau Mouvement

Denise Joussot a été, pour la section neutre de la Fédération Française des Éclaireuses, l’interlocutrice essentielle de Jean Estève dans la construction d’un nouveau Mouvement né d’une fusion qui ne pouvait pas être une absorption. Elle en témoigne ici, nous apportant un éclairage utile sur cette période importante de la vie de nos associations.

« J’ai rencontré Jean Estève, pour la première fois, le 13 décembre 1961. Claude Poss, alors responsable des E.D.F. à Lyon, l’avait accompagné chez moi. J’étais, depuis 1958, Commissaire nationale de la section neutre de la F.F.E., mais je travaillais et résidais à Lyon. Ce fut une rencontre difficile.

Nous ne nous connaissions pas. Nous représentions des Mouvements entrés en concurrence depuis 1949, date à laquelle Pierre François, au Congrès F.F.E. de Moulins, avait proposé une fusion de la F.F.E. N et des E.D.F. dans l’optique de la «coéducation», idée alors nouvelle. La F.F.E. avait refusé, attachée qu’elle était à son pluralisme. Une partie des cheftaines «neutres» avaient alors fait scission et était entrée chez les E.D.F. Cela avait mis fin à des expériences de travail commun à la branche aînée, qui avaient commencé en 1943.

Suivirent dix années de concurrence, nous recrutions dans le même milieu où les E.D.F. étaient mieux implantés que la F.F.E. N. Il avait fallu la pression du Scoutisme Français pour que les deux Mouvements signent un «code de bonne conduite» dont l’objectif était d’améliorer leurs rapports ! Cette situation explique combien notre démarche présentait de difficultés. J’étais moi-même méfiante et sur la défensive, Jean Estève avait pour lui la supériorité numérique et l’assurance que donne la certitude de représenter une certaine force de pression. Cela eut pu tourner à l’affrontement, sans la courtoisie de l’un et la bonne éducation de l’autre ! Mais j’en avais tiré la conclusion que toute entente était impossible.

À  la suite d’une «médiation» parisienne et de courriers explicatifs, d’autres rencontres eurent lieu en 1962. J’ai compris que nos convictions, dans le domaine de l’éducation, étaient très proches. Nous pensions, comme Jean Estève devait le dire au Congrès européen de Strasbourg en 1964, que «l‘éducation ne peut se concevoir en dehors de toute visée sociale, qu’elle doit se faire en fonction de l’individu plus que du sexe, qu’elle doit embrasser tous les aspects de la dignité de la personne».

À la fin de 1962, nous décidâmes que, pour qu’un Mouvement ne parût pas absorber l’autre, il fallait créer ensemble un nouveau Mouvement. Nous avons prévu une préparation de longue durée, pour la création de structures «paritaires» pour des changements de principes : article 1 des Statuts, pédagogie, etc… et de formes : groupes, uniforme, etc… Des commissions d’études se firent à tous les niveaux.

Si les difficultés résidaient dans la nécessité d’achever la séparation des trois sections de la F.F.E., déjà commencée lors de l’entrée des E.U. dans l’Alliance des équipes unionistes – supposant d’avoir l’agrément des trois sections, du Conseil d’administration – je suppose que lui aussi rencontra des oppositions, tous ne pensant pas utile de faire tant de complications ! En tout cas, dans ces difficultés, Jean a fait preuve d’une grande fermeté, il m’a apporté son soutien avec discrétion, intelligence, droiture et générosité : «Soyez assurée que nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour ne pas compliquer votre tâche dans la réalisation commune à laquelle nous sommes attachés» (10 mai 1963).

Je me suis attachée à cette période 1962-1965 car elle fut celle d’un travail vraiment commun et plein d’espérance : «Ce n’était pas la fin (de notre histoire FFE), mais un commencement», m’écrivait-il dans une lettre de novembre 97. Avons-nous échoué ? avons-nous réussi ? Mon regret est que nous n’ayons pu, comme nous le souhaitions, jeter ensemble un regard plus détaché sur l’évolution du Scoutisme qui fut le nôtre. L’histoire de cette époque ne sera jamais complète puisque nous n’avons pu analyser ensemble, avec un certain recul et d’avantage de détachement, nos erreurs et nos succès. Je peux affirmer en tout cas que ce fut pour moi, et pour mon équipe, une riche expérience…