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1943 : Cappy lieu d’accueil d’enfants juifs pendant la deuxième guerre mondiale

Entretien avec Renée Joussellin – David, Secrétaire générale du CPCV de 1943 à 1948

 

 

« En septembre 1942, Jean Joussellin fut nommé pasteur à La Maison Verte – un poste de la Mission Populaire Evangélique – à Paris dans le dix-huitième arrondissement. Dans ce quartier, il y avait un grand nombre de familles de condition sociale modeste. Le scoutisme était interdit en zone Nord. Mais, malgré tout, des groupes de jeunesse furent constitués. De nombreux enfants du quartier venaient le soir après l’école. Il y avait du soutien scolaire et des activités le jeudi et le dimanche. J’étais cheftaine des éclaireurs. En avril ou mai 1943, des parents sont venus nous demander d’organiser un long séjour de vacances pour les enfants. C’est ainsi qu’est née l’idée de la création du CPCV pour servir de paravent à cette mise à l’abri des enfants juifs. »

(Propos recueillis par Gérard Bonnefon pour le site http://www.cpcvunion.asso.fr/cpcv/origines.htm que nous remercions.)

 

« Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les origines du CPCV ?

En septembre 1942, Jean Joussellin fut nommé pasteur à La Maison Verte – un poste de la Mission Populaire Evangélique – à Paris dans le dix-huitième arrondissement. Dans ce quartier, il y avait un grand nombre de familles de condition sociale modeste. Le scoutisme était interdit en zone Nord. Mais, malgré tout, des groupes de jeunesse furent constitués. De nombreux enfants du quartier venaient le soir après l’école. Il y avait du soutien scolaire et des activités le jeudi et le dimanche. J’étais cheftaine des éclaireurs. En avril ou mai 1943, des parents sont venus nous demander d’organiser un long séjour de vacances pour les enfants. C’est ainsi qu’est née l’idée de la création du CPCV pour servir de paravent à cette mise à l’abri des enfants juifs.

Est-ce que Jean Joussellin et vous-même connaissiez le sort tragique qui était réservé à la population juive ?

La grande rafle du Vélodrome d’Hiver, à Paris avait eu lieu en juillet 1942. Nous étions parfaitement au courant des arrestations de juifs dans la capitale. Mon frère qui était au lycée a eu plusieurs camarades déportés dès 1941. On ne pouvait pas ne pas savoir qu’il y avait des arrestations.

Comment avez-vous procédé pour protéger les enfants juifs ?

Jean Joussellin s’est adressé aux Éclaireurs Unionistes et aux Éclaireurs de France qui possédaient conjointement le Château de Cappy dans l’Oise, près de Compiègne. C’était une bâtisse curieuse entourée de bois. Elle a été prêtée fraternellement pour accueillir les enfants. La colonie a donc commencé à la fin de l’année scolaire 1943 avec de soixante-dix à quatre-vingt-dix enfants.

Lorsqu’il a été question de rentrer à Paris, en septembre, des parents nous ont dit : « non, notre vie est trop difficile, pouvez-vous garder nos enfants ? ». Alors, un certain nombre d’enfants juifs est resté à temps complet pendant l’année scolaire 1943-1944. Les petits étaient au château pendant la journée et les enfants d’âge scolaire allaient à l’école de Verberie. Il faut souligner que le maire de la commune et les instituteurs ont été parfaits. Ils n’ont jamais posé aucune question. Les enfants avaient conservé leurs noms patronymiques, car nous avions pensé, à tort ou à raison, que cela compliquerait plus les choses de les faire s’appeler Dupont ou Durand que de leur maintenir leurs noms de famille. Il n‘y a pas eu de difficulté, heureusement.

À partir de mai 1944, nous recevions beaucoup de demandes pour accueillir des enfants juifs. Elles venaient d’autres postes de la mission populaire, de paroisses protestantes. Il a donc fallu ouvrir une seconde maison d’enfants. Nous avions trouvé un lieu à Gouvieux dans l’Oise, mais près de cette ville une rampe de lancement de missiles V1 était installée, cela n’était pas rassurant. Il a fallu déménager et ramener tout le monde à Cappy, en juillet 1944. Le jour de la Libération, le 31 août, il y avait cent trente-cinq personnes au château dont quatre-vingt-sept enfants et adolescents et quelques adultes.

Est-ce que les moniteurs avaient conscience des risques qu’ils prenaient ?

Aussi curieux que cela puisse paraître, nous ne parlions pas de ces risques et nous n’avions pas peur malgré les difficultés de l’époque. Nous ne nous sommes pas posés de questions. Il fallait le faire. Nous ne pouvions pas dire non. Les cartes d’alimentation des enfants juifs étaient marquées d’un J. Chaque mois les tickets d’alimentation correspondants à ces cartes nous étaient remis – à la mairie du dix-huitième – dans la plus grande discrétion. J’ai eu peur une fois, c’est le jour où j’ai emmené à Cappy un jeune garçon de treize ans. Je lui avais enlevé son étoile jaune à la gare du Nord et là, j’ai craint que nous ne soyons pris.

Pendant tout le séjour, il n y a pas eu une seule épidémie, ni un enfant à transporter à l’hôpital. A posteriori, on peut dire que c’est un miracle.

Comment s’est déroulée la période de la Libération ?

Le 30 août 1944, il faisait un temps gris, des soldats allemands sont venus s’installer le matin dans le parc du château. Vers cinq heures de l’après-midi, ils sont partis en direction de Compiègne. Le lendemain matin, il faisait un temps radieux, les Américains étaient alors à trois cents mètres au bord de la route. Les premiers que j’ai vu étaient deux noirs, endormis dans une jeep. Cette image me restera pour la vie. Elle disait : c’est fini. Les Américains sont entrés dans le château, et nous avons passé une journée complètement folle. Ils avaient apporté du chocolat, des cigarettes, du pain blanc, et les adultes ont failli se rendre malades en consommant trop d’extrait de café. Paris était libéré. Cappy était libéré.

Le centre a fermé au début octobre 1944. Les enfants ont dans l’ensemble retrouvé leurs parents. Quelques-uns n’avaient plus que leurs mères, leurs pères et aussi des frères et des soeurs aînés ayant été déportés. Notre action pendant ces années a été de mettre des enfants à l’abri. Ils n’ont pas eu peur. Ils ont conservé de bons souvenirs, et tout le monde est rentré sain et sauf.

Dès octobre 1944, le CPCV est devenu un organisme protestant de formation de cadres pour les centres de vacances et fédération de centres de vacances protestants. Il a poursuivi sa route.

Créé en 1944, le CPCV, Comité Protestant des Colonies de Vacances, est une association nationale protestante de formation et d’éducation populaire, d’organisation laïque. Il forme à l’animation volontaire (BAFA et BAFD) et aux métiers de l’animation, du tourisme et du social. Il est engagé dans les dispositifs d’insertion sociale et professionnelle.

L’union nationale des CPCV bénéficie de l’agrément Jeunesse et Éducation Populaire et de l’habilitation générale pour dispenser la formation des animateurs et directeurs des centres de vacances et de loisirs délivrés par le Ministère de la Jeunesse et des Sports.