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1919 : La saga de la Maison pour Tous

Le théâtre Mouffetard, l’école de la chanson, le club photo, le ciné-club, l’abbé Pierre…

Il est difficile de résumer la période ouverte en 1948 par l’arrivée de Georges Bilbille. C’est une série d’initiatives qui, dans l’esprit créé par André Lefèvre, va donner à la Maison, en complément de son activité de quartier, une place importante dans l’activité culturelle, associative et non commerciale, souvent expérimentale, de Paris.

Un seul exemple au sujet de l’esprit Maison : écoutons l’un des fidèles, Raymond Devos, qui a débuté au Théâtre Mouffetard : «J’étais venu pour faire du théâtre et je me suis retrouvé avec une brouette : on m’a dit : tu vas d’abord faire le théâtre… Cela me rappelait Mermoz se présentant sur un terrain d’aviation pour faire des acrobaties dans le ciel et à qui on a dit : vous allez d’abord nettoyer ce moteur…».

Ou Marguerite Duras en 1983 : «C’est vrai, la disparition du Mouffetard , c’est grave, oui c’est grave ; c’était une institution aux portes ouvertes. (…) Ils auront beau faire des grands théâtres, une Bastille Populaire par exemple, ça n’aura jamais la même valeur pour la population…»

Et Ariane Mnouchkine, également en 1983, (préparation d’une émission pour la Radio Suisse Romande), qui a créé à la Mouff son premier spectacle : «Bien sûr, ce n’était pas un vrai théâtre ; mais de toute façon, moi je ne savais pas encore ce qu’était un vrai théâtre. Et j’allais découvrir que, probablement, je ne voulais pas d’un vrai théâtre… (…) Et je me dis même que probablement, il n’y a plus de lieux comme cela, c’est-à-dire des petits lieux sauvages, où pendant les moments où on y est on se sent chez soi, où on est libre…»

Un autre exemple au sujet de l’expérimentation, le témoignage de Fernando Arrabal : «Pendant une dizaine d’années, le Maison pour Tous, avec les salles qu’elle mettait à notre disposition, était notre refuge à nous, auteurs. (…) Nous savions qu’on pouvait venir avec les projets les plus poétiques, les plus étranges, les plus dérangeants, les plus audacieux…»

Raconter l’histoire du Théâtre Mouffetard serait trop long. Notons simplement que Raymond Rouleau y a créé une Communauté Théâtrale, que nombreux sont ceux qui y ont débuté, que le théâtre a trouvé un prolongement dans la chanson, avec les Quatre Barbus, ou Ricet-Barrie, ou Catherine Sauvage, et bien d’autres.…

Au total, la Mouffe, combinant activités sociales, activités éducatives et activités culturelles, a été l’une des premières ébauches de ce que pourraient être – ou auraient pu être ? – les Maisons des Jeunes et de la Culture. Elle n’a pas survécu à des considérations politiciennes – liées à son ouverture aux jeunes contestataires des environs en mai 1968, – mais aussi à l’embourgeoisement du quartier, devenu aujourd’hui un des plus chers de la Capitale…

Même si les traces matérielles en ont disparu, la Maison pour Tous a été le point de rencontre de personnalités, de visions, de volontés, de relations, d’engagements, d’opportunités. Elle a créé des vocations, initié des dynamismes, servi d’exemple,… Notre scoutisme s’y est trouvé parfaitement à l’aise, accompagnant une évolution qui dépassait, en permanence, le cadre strict du scoutisme, dans le sillage d’un «saint laïque». Il serait dommage que ses enseignements soient un peu trop rapidement oubliés, et que cette « éducation populaire » que ces pionniers ont inventée, presque dans le vouloir, ne soit pas abandonnée au bénéfice de l’illusion que représente le loisir «commercial»…

L’ouvrage de Georges Bibille et une dédicace…