À partir de documents « déclassifiés » présentés par InfoMonde, bulletin de l’O.M.M.S.
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Le Mouvement Scout victime du régime nazi
CONTENU
- Comment Baden-Powell a rencontré les représentants des jeunesses hitlériennes
- Baden-Powell n’a pas rencontré Hitler
- Le Scoutisme Mondial réagit à l’interdiction du Scoutisme par les Nazis
- Baden-Powell et les responsables du Bureau International menacés par les nazis en 1940
Documents déclassifiés du MI5, côtes KV/5/85:1, KV/5/85:2, KV/5/87
Le 8 mars dernier, les services de sécurité du Royaume-Uni ont déposé aux archives nationales trois liasses de documents déclassifiés, couvrant une période étalée de 1937 à 1944. Le Bureau Mondial du Scoutisme s’est procuré ces documents afin de les examiner. Il s’agit essentiellement de notes émanant des services de police constatant les allers et venues de membres des jeunesses hitlériennes sur le territoire britannique. D’autres pièces sont à l’entête du mouvement de jeunesse nazi.
1. Comment Baden-Powell a rencontré les représentants des jeunesses hitlériennes
Parmi l’ensemble de ces pièces se trouve la copie d’une lettre envoyée le 20 novembre 1937 par Baden-Powell à Joachim von Ribbentrop, ambassadeur d’Allemagne à Londres, pour le remercier de l’avoir reçu le 19 novembre, pour rencontrer Jochen Benemann et Hartmann Lauterbacher, responsables des jeunesses hitlériennes. Le ton de cette lettre est courtois et diplomatique. Faisant allusion aux sentiments réciproques que les britanniques et les allemands peuvent échanger, Baden-Powell écrit « J’espère sincèrement que nous serons capables, dans un futur proche, d’y répondre à travers nos jeunesses respectives, et je vais tout d’abord consulter mes collaborateurs du quartier général, pour voir quelles suggestions ils peuvent avoir à cette question ».
Dans une de ces liasses se trouve un rapport de deux pages que Baden-Powell transmet au Commissaire international, où il indique qu’ « à la fois Lauterbacher et Benemann sont désireux de voir les Scouts se rapprocher du mouvement de jeunesse allemand ». Il poursuit son rapport en indiquant que Ribbentrop « voit le Mouvement Scout comme un agent très puissant » pour aider au rapprochement des deux jeunesses. Pour Ribbentrop, et selon le rapport de BP, il s’agit « d’apporter une paix véritable entre les deux nations, par l’intermédiaire d’une jeunesse trouvant ensemble des termes amicaux dans l’oubli des différences passées ». Ce rapport ne porte aucune instruction de la part de Baden-Powell d’aller dans le sens proposé par Ribbentrop.
2. Baden-Powell n’a pas rencontré Hitler
Dans son rapport, Baden-Powell indique que Ribbentrop voudrait qu’il aille en Allemagne pour rencontrer Hitler. Il est évident que cette rencontre n’a jamais eu lieu. Une semaine après sa rencontre avec l’ambassadeur, BP part pour l’Afrique. Il revient au Royaume-Uni pour une courte période en 1938, avant de repartir définitivement pour le Kenya le 27 octobre 1938, où il meurt trois ans plus tard.
3. En 1933 et 1937, Le Scoutisme mondial réagit à l’interdiction du Scoutisme par les nazis
En janvier 1933, dès avant la prise du pouvoir par le parti nazi, la Jeunesse hitlérienne avait manifesté son hostilité au scoutisme, prétendant qu’elle seule pouvait représenter la jeunesse allemande. Le 17 juin 1933, le « Großdeutche Bund », fédération d’un grand nombre de mouvement de jeunes dont une dizaine de mouvements scouts était interdite. Le 26 mai 1934, un décret interdisait la Reichschaft deutscher Pfadfinder, fédération d’autres mouvements scouts. Le décret affirmait que cette fédération « était devenue un lieu de refuge des jeunes, ennemis du nouvel état ».
Cette dissolution marqua la fin de la volonté de la Jeunesse hitlérienne de se faire reconnaître par le Bureau international du scoutisme. Des contacts furent pris durant le jamboree de Hongrie (août 1933) entre celle-ci et le Bureau international. La Jeunesse hitlérienne y envoya son chef d’état-major, Karl Nabersberg. Celui-ci se rendit aussi courant 1934, en tenue scoute au Bureau international à Londres afin de négocier des contacts. Il chercha également à rencontrer les Scouts de France. Mais aucun de ces contacts ne déboucha et la dissolution de la Reichschaft deutscher Pfadfinder en fut l’une des conséquences.
En août 1933, La conférence mondiale du Scoutisme, réunie à Godöllo (Hongrie), vote la résolution suivante (15/33), intitulée « Propagande politique » : « Le Congrès attire de nouveau l’attention sur le fait que toute propagande politique de n’importe quelle espèce qu’elle soit directe ou indirecte, nationale ou internationale, doit être interdite dans un camp ou à une assemblée scoute auxquels des représentants d’autres nations sont invités à participer ».
En 1937, la même conférence mondiale sera encore plus précise par le vote de la résolution 15/37 intitulée « Patriotisme » : « Le Congrès demande au Comité international de faire tous ses efforts pour que le scoutisme et la route dans tous les pays, tout en développant le vrai patriotisme, restent véritablement sur le terrain de la coopération et de l’amitié internationale, sans exception de race ou de croyance, tel que l’a toujours défini le Chef Scout Baden-Powell. Aussi, toutes mesures tendant à militariser le scoutisme ou à y introduire des visées politiques, susceptibles de créer des malentendus et d’entraver ainsi nos efforts pour maintenir la paix et la bonne volonté entre les nations et les individus, doivent être entièrement exclues de nos programmes ».
4. Baden-Powell et les responsables du Bureau international menacés par les nazis en 1940
Il est intéressant de savoir que le plan d’invasion du Royaume-Uni par les nazis, préparé en 1940 par le Général SS Walter Schellenberg, prévoyait l’arrestation d’environ 2800 citoyens britanniques de premier plan, parmi lesquels Lord Baden-Powell et les principaux responsables du Bureau International Scout.
Ce plan d’invasion était accompagné du document « Groß Britannien », un ouvrage présentant des informations sur la société britannique : L’administration, le système éducatif, la presse, les confessions religieuses, les partis politiques, les syndicats, les organisations d’émigrés, la franc maçonnerie, les organisations juives, la police, les services secrets, sont décrits selon l’optique nazie. La partie de l’ouvrage nazi intitulé « Le système éducatif » comprend deux sous-parties: « les écoles publiques», et « Le mouvement scout international ». La lecture de ce texte, mélange de stupidités et d’informations très exactes, laisse songeur. Les nazis considéraient donc que puisque Baden-Powell avait été officier de renseignements dans l’armée britannique, les scouts qu’il avait créés en 1907 ne l’avaient été que dans un but d’espionnage au bénéfice de l’Angleterre et les commissaires internationaux des différentes associations auraient eu pour seule mission de rédiger des rapports mensuels et trimestriels sur la situation politique économique et sociale de leur pays pour le bureau international du scoutisme. Le passage consacré au scoutisme constitue aussi une illustration du racisme nazi: Hubert Martin, Directeur du Bureau international est qualifié de « demi juif ».
Tous ces éléments démontrent le peu de sympathie mutuelle entre le régime nazi, Baden-Powell et le Mouvement Scout. Ils doivent encourager les scouts d’aujourd’hui à réfléchir sur leur histoire pour mieux comprendre la réalité de leur mission de paix, et se prémunir des tentations des régimes totalitaires qui ont toujours essayé d’interdire ou de contraindre le mouvement.