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1934 : le début de sept décennies d’action éducative au service des déficients auditifs

Dans le secteur des déficients auditifs, le scoutisme d’extension Éclaireurs de France est apparu au cours des années 30. L’article ci-dessous, reproduisant une « plaquette » d’information éditée en 2000, nous a semblé présenter un exemple intéressant d’une évolution, depuis le groupe E.D.F. / F.F.E. N des années 50 jusqu’à la création d’une association spécialisée dans la formation de cadres avec des moyens adaptés à leur handicap.

Un élément important à noter : cette orientation d’activités a trouvé un prolongement dans une coopération étroite avec les autres associations du secteur, en particulier avec la « Société centrale d’éducation et d’assistance aux Sourds-muets en France », puis dans le cadre de l' »Union nationale pour l’insertion sociale du déficient auditif ». Cette action ne s’est donc pas limitée à l’organisation d’activités de scoutisme.

 

Le Scoutisme d’extension E.D.F. est apparu en 1934 à l’Institution Nationale des Sourds-Muets de Paris

SEPT DÉCENNIES D’ACTION ÉDUCATIVE pour les enfants et adolescents sourds et malentendants, filles et garçons,

 

à travers

  • des activités et des séjours,
  • une formation adaptée pour les cadres,
  • une action sociale permanente,
  • une participation active à la vie du secteur.

(Document d’information « grand public » édité en décembre 2000 et diffusé dans l’ensemble du secteur)

 

1935 : LE SCOUTISME D’EXTENSION « ÉCLAIREURS DE FRANCE » À L’INSTITUTION NATIONALE DES SOURDS-MUETS DE PARIS (254, rue Saint-Jacques)

LE SCOUTISME :

Méthode d’éducation « active » par les loisirs, le jeu, la vie en commun, la nature.

LES ÉCLAIREURS DE FRANCE :

Association du Scoutisme Français, « laïque comme l’école publique, ouverte à toutes et à tous, sans distinction d’origine ou de croyance ». A adopté dès 1950 le principe de la coéducation des filles et de garçons dans le cadre de « Société de Jeunes » à leur mesure.

LE SCOUTISME D’EXTENSION :

«  »À l’opposé des racistes, qui n’accordent d’efficience qu’à l’homme assez musclé qui s’impose par la force, nous croyons en la valeur de tout être ayant usage de sa conscience. Nous croyons que tout être, même infirme, même malade, peut être doué de volonté libre et porté, comme les autres, par sa propre dignité. (Marcelle Lévy-Danon, 1945) » »

Ce choix, pédagogique mais également social, a pour but d’apporter les méthodes et moyens éducatifs du Scoutisme à des enfants et des adolescents qui risqueraient, du fait de leur handicap, d’en être privés.

Les premières activités de Scoutisme d’Extension ont été réalisées avec des handicapés physiques ; en ce qui concerne les handicapés sensoriels, les premières expériences ont eu pour cadre les Instituts Nationaux et Départementaux des Jeunes Aveugles … et l’Institut National de Jeunes Sourds de Paris.

1 – LE GROUPE DE L’INSTITUT NATIONAL DE JEUNES SOURDS :

Créé aux environs de 1935 par une équipe de responsables E.D.F., a commencé ses activités de sorties et de camps auprès des internes de l’Institut (alors Institution Nationale des Sourds-Muets).

Comme pour tous les autres secteurs, ces activités ont deux préoccupations majeures :

  • d’une part, l’adaptation des méthodes et moyens du Scoutisme aux spéci-ficités du handicap concerné – en l’occurrence, aux problèmes de com-munication ;
  • d’autre part, l’intégration aux autres pratiquants de ces méthodes, par des activités communes et une réflexion continue de recherche et d’échanges.

C’est ainsi que, à partir de 1935, on trouve la trace d’activités, adaptées aux trois tranches d’âges concernées :

  • Les Louveteaux, de 8 à 11 ans,
  • Les Éclaireuses et les Éclaireurs, de 12 à 16 ans,
  • Les Aînés, à partir de 17 ans.

L’encadrement est, au début, constitué de jeunes entendants formés dans d’autres unités parisiennes, mais, petit à petit, émergent des cadres sourds issus de ces activités, qui prennent des formes diverses :

  • des sorties, le dimanche ou en week-end,
  • des camps, pendant les « petites vacances » ou en été,
  • des rallyes, départementaux ou régionaux, avec les « entendants » du Mouvement de la région parisienne,
  • des congrès, réunissant les cadres de toutes origines pour des échanges d’expérience et une réflexion en commun,
  • des « jamborees », organisés au plan international pour les Éclaireurs de l’en-semble du monde, où les E.D.F. du groupe Saint-Jacques tiennent toute leur place : Pays-Bas, Grèce, Allemagne, Grande-Bretagne, Canada …

Si les activités de loisirs sont devenues monnaie courante aujourd’hui, il n’en était pas de même dans les premières décennies de notre siècle, et les activités dans la nature représentaient une innovation quelquefois jugée scandaleuse. Suivant les principes fondateurs du Scoutisme, elles n’ont jamais été dissociées de leur finalité éducative.

Tout au long de trente années, les méthodes d’animation des unités du Groupe ont évolué, en réponse à une évolution permanente de la Société et des besoins des jeunes. En particulier, les problèmes de communication ont toujours eu une place prioritaire dans les préoccupations des encadrements : la réalisation de sorties et de camps avec des entendants, par exemple, a conduit à une réflexion permanente sur la communication des jeunes sourds avec le reste de la Société – et sur la communication des entendants avec les sourds.

La langue des signes a toujours été pratiquée dans ce but, sans être considérée comme un moyen exclusif et sans écarter les autres formes d’expression.

2 – 1963 : L’association LOISIRS ÉDUCATIFS DE JEUNES SOURDS

UNE OUVERTURE & UNE ÉVOLUTION :

Il est important de souligner que, dans l’esprit indiqué, les activités du groupe Éclaireuses & Éclaireurs de France de l’Institut National ont été, pendant longtemps, les seules activités « généralistes » proposées aux jeunes sourds. L’accueil bienveillant accordé par les Directeurs successifs de l’Institut a facilité leur réussite et leur pérennité.

Mais le monde change, et le développement des activités de loisirs (qui risquent de n’être pas toujours « éducatives » dans la mesure où elles deviennent un élément d’une société de consommation) a conduit les équipes de responsables à mener une réflexion en vue d’une évolution, qui s’est avérée double :

  • élargissement des activités proposées à des jeunes de toutes origines géo-graphiques, en dépassant le cadre strict de l’Institut de Paris – ce qui nécessitait un mode de fonctionnement et d’organisation différents,
  • participation aux multiples activités associatives du secteur, en relations avec toutes les autres parties concernées : enseignants et éducateurs, adultes sourds, parents d’élèves.

La structure du groupe E.D.F. ne répondait plus à ce besoin. Sans que soient reniés les objectifs et principes d’origine, le choix a été fait de coopérer avec les autres Associations, et, en premier lieu, avec la Société Centrale.

La Société Centrale d’Éducation et d’Assistance aux Sourds-Muets en France a été l’une des premières Associations « reconnues d’utilité publique » – elle a même précédé la loi de 1901 puisque créée … sous le Second Empire par des enseignants de l’Institution Saint-Jacques.

Éducation et Assistance : ces deux pôles définis dès l’origine traduisent une volonté de réflexion et d’action sur les problèmes rencontrés par les sourds, de tous âges et de toutes origines. Concrètement, le Conseil d’Administration de l’Association est ouvert à toutes les formes d’accompagnement des initiatives répondant à ces objectifs. Notre proposition de coopération a donc été très favorablement accueillie dès le départ, et cet accueil ne s’est jamais démenti depuis.

Ce projet de coopération a trouvé bien vite un prolongement concret : pour tenir compte de la spécificité des activités envisagées en direction des jeunes déficients auditifs, et sur le conseil de Madame TRENEL, Inspectrice de la Jeunesse et des Sports, nous avons, très vite, envisagé la création d’une Association à objectif propre, issue de la Société Centrale … et appuyée sur les cadres du groupe Éclaireuses & Éclaireurs de France de l’I.N.J.S. : l’Association « Loisirs Éducatifs de Jeunes Sourds ».

3 – LE BESOIN D’UNE STRUCTURE D’ACCUEIL :

Les temps – déjà – ont changé : alors que, quelques années plus tôt, les « camps fixes type scout » bénéficiaient d’une excellente compréhension des services de la Jeunesse, les nouvelles dispositions administratives mettent en évidence des exigences de prévention qui rendent, petit à petit, nécessaire la mise en place de structures d’accueil « en dur ».

Le choix se situe alors entre deux solutions :

  • l’hébergement dans des structures existantes, gérées par leurs propriétaires, dans le cadre d’une location ponctuelle
  • l’aménagement d’une structure fixe, nous appartenant, équipée en fonction de nos activités propres ;

Ces deux solutions ont leurs avantages et leurs inconvénients, donc leurs partisans et leurs détracteurs. La solution mise en place par la suite a d’ailleurs été une combinaison des deux. Mais, en 1963, il a paru intéressant de choisir la première – et ce projet a été mené à bien, avec l’aide de la Société Centrale.

Une fois de plus, il fallait éviter de renoncer à nos principes – la nature, la liberté, le jeu devaient rester nos moyens d’animation essentiels. Ce qui semblait d’autant plus utile que les enfants, souvent internes dans des écoles et instituts, tireraient bénéfice d’un lieu d’accueil qui ne ressemble pas trop à leur lieu de vie habituel. Et ce qui a conduit à s’orienter vers la recherche d’un bâtiment « tout construit » … et au choix du Fieux.

4 – LE CENTRE DE VACANCES : LE FIEUX près SAINT-GOUSSAUD dans la Creuse :

Munie d’une délégation en bonne et due forme, une petite équipe s’est chargée de rechercher – et de trouver – ce lieu rêvé. Après quelques tâtonnements préalables, le choix s’est porté sur le Massif Central. C’est ainsi que nous avons jeté notre dévolu sur une ferme abandonnée (la porte était ouverte) dans un hameau, Le Fieux, proche du village de Saint-Goussaud dans la partie orientale de la Creuse, vers le Limousin.

Achat, travaux, financement … Nous commencions une gamme de préoccupations qui se prolongent encore aujourd’hui. Ici encore, la Société Centrale a été d’un immense secours puisqu’elle a décidé l’attribution d’une subvention annuelle de cinq mille Francs, permettant ainsi le démarrage des premiers travaux – et l’accueil d’un premier séjour dès 1964.

Une description rapide :

  • un long corps de ferme, alignant la maison à étage et grenier, une triple étable, une grande grange, ainsi que des annexes en barre de L,
  • une maison indépendante, à usage initial de porcherie, offrant quatre pièces et équipée d’un four à pain,
  • un demi-hectare de terrain autour des bâtiments, dont un verger en pente et un pré,
  • un terrain boisé de deux hectares, à un kilomètre environ, au bout d’un chemin « romain » pavé de granit : lieu dit « La Combe aux Taures », nom ô combien évocateur …

L’aménagement du Centre du Fieux :

Les premiers visiteurs ont pris quelque plaisir à imaginer ce que pourraient devenir ces lieux un tantinet magique :

  • services : cuisine, intendance, encadrement, infirmerie dans la maison,
  • réserves et salles à manger dans … les étables ,
  • salle d’activités, de jeux et de veillées dans la grande grange,
  • zone « eau » (douches, lavabos, buanderie) dans l’annexe,
  • salles de petites activités dans la porcherie,
  • terrain de camp et de promenade à la Combe aux Taures.

Prévisions d’autant plus théoriques que n’existait pas le premier Franc… Mais on peut constater, trente ans après, que ce programme a été, finalement, à peu près réalisé !

Notre centre de vacances n’aurait jamais pu vivre s’il n’avait trouvé place dans la politique Jeunesse de la collectivité : au cours des premières années, les programmes successifs d’aménagements ont été subventionnés par plusieurs organismes, et, en particulier, par :

  • la Jeunesse et les Sports (services départementaux de Paris et Creuse),
  • les Allocations Familiales (Caisse Nationale)
  • la Fondation de France.

La Société Centrale a maintenu une aide annuelle de cinq mille Francs et nous a accordé à plusieurs reprises des avances de trésorerie car les subventions ne peuvent être reçues que sur présentation des factures acquittées … La Jeunesse au Plein Air de Paris nous a également accordé des prêts qui ont permis de réaliser les programmes de travaux en attendant le règlement des subventions.

Compte tenu de ces aides précieuses et du principe de bénévolat accepté par l’encadrement, il a été possible de conserver des prix de séjours acceptables par les familles, même si l’effectif d’encadrement reste important pour répondre aux besoins de communication des jeunes. La part destinée à couvrir les amortissements, c’est-à-dire à financer les aménagements, est restée faible et a été consacrée à renouveler les équipements au fur et à mesure des besoins, les subventions correspondantes ayant maintenant disparu.

5 – LA FORMATION DES CADRES :

Dans la tradition du groupe E.E.D.F. d’origine, il est apparu important de constituer des équipes d’encadrement spécifiques, adaptées à l’animation des sourds – et constituées, pour une bonne part, de sourds issus des activités de l’Association ou intéressés par elles. Or aucune association spécialisée dans la formation des cadres ne recevait de déficients auditifs à cause des problèmes évidents d’adaptation de la communication … Nous avons donc décidé de réaliser, dans le cadre de notre Association, des stages de formation destinés aux cadres de nos séjours.

Cette action supposait que nous puissions délivrer un diplôme officiel – alors dénommé « diplôme d’animateur de centre de vacances » – et nous avons dû solliciter un agrément spécial qui nous a été accordé au plan national : nous avons donc été les premiers à délivrer à des déficients auditifs un diplôme officiel leur permettant d’encadrer des centres de vacances, et, par la suite, de les diriger.

6 – LA VIE ASSOCIATIVE DU SECTEUR :

La création de l’UNISDA (Union Nationale pour l’Insertion Sociale du Déficient Auditif) a été une remarquable opportunité de rencontrer d’autres Associations agissant également dans le domaine de l’insertion des déficients auditifs, d’échanger réflexions et expériences et de mettre en commun des projets d’action auprès des Pouvoirs Publics.

Nous avons ainsi, pendant plusieurs années, animé le groupe de travail « Information » de l’UNISDA et, à ce titre, participé aux interventions vers :

  • les sociétés de télévision, pour la réalisation d’émissions accessibles aux sourds,
  • les pouvoirs publics, pour l’adaptation des campagnes électorales.

L’association est totalement partie prenante des actions menées dans notre domaine ; notre Conseil d’administration est composé, en majeure partie, de déficients auditifs. Nous sommes heureux de constater que de nombreux animateurs d’autres Associations sont passés par les stages ou les séjours de Loisirs Educatifs de Jeunes Sourds : notre double objectif d’adaptation et d’intégration reste valable.

LA SITUATION EN 2000 :

Activités et projets :

  • les stages de formation de cadres :

Organisés par l’Association E.E.D.F., ils concernent les trois volets conduisant à la délivrance du B.A.F.A. : stage de base, approfondissement et stage pratique. Nous recevons chaque année de nombreuses demandes, en provenance de déficients auditifs et d’entendants intéressés par le secteur comme futurs éducateurs ou enseignants.

Cette activité joue un rôle important pour sensibiliser chacun aux problèmes nés du handicap, dans les deux sens : prise de conscience des difficultés de communication pour les entendants, prise de responsabilités sociales pour les sourds. La formation est apportée par les cadres ayant acquis, au cours des séjours, une expérience qui sert de base à tous pour la progression permanente.

Depuis plusieurs années, nous envoyons également dans les stages de formation au B.A.F.D. (Directrices et Directeurs) organisés par les E.E.D.F., des jeunes sourds accompagnés d’interprètes et nous réalisons leurs « stages pratiques » dans nos séjours d’été.

  • les séjours d’été :

Les séjours sont également organisés, au plan « pédagogique », par l’Association E.E.D.F, Loisirs Éducatifs assurant les contacts avec les familles et les administrations. La solution retenue depuis plusieurs années a consisté à combiner l’emploi du Centre de vacances du Fieux, qui reste notre « base », avec l’appel à d’autres sites connus et systématiquement variés. Nous pouvons ainsi varier, à la fois, les lieux et les formes d’activités tout en augmentant notre capacité d’accueil sans investissements supplémentaires.

Les activités elles-mêmes sont de styles variables : randonnées, activités artistiques, natation, baignades et nautisme, excursions … sans oublier les activités de « camp » plus traditionnelles sur notre terrain de la Combe aux Taures. Elles sont également adaptées aux tranches d’âge concernées : c’est ainsi que les séjours d’adolescents dues dernières années, basés au Fieux, se sont déroulés sous forme de « camp volant » et ont exploré la région, depuis le Limousin jusqu’au lac de Saint-Pardoux.

Chaque fois que possible, nous étendons ces activités :

  • vacances de neige, en coopération avec d’autres Associations,
  • voyages : en 1996, un séjour en Guyane Française pour les animateurs,
  • participation à des congrès, rallyes, etc…

Action sociale & lutte contre l’exclusion :

Nos activités ont, depuis leur origine, une dimension sociale qu’il est important de souligner. Nous recevons des enfants et adolescents de toutes origines géographiques et sociales ; nous nous efforçons d’aider les familles à financer les séjours pour ne pas priver les enfants de ces vacances :

  • dans ce but, la Société Centrale réserve chaque année un budget à des bourses de vacances dont nous instruisons les dossiers pour son compte et qui s’ajoutent aux aides légales (Allocations familiales, Conseils Généraux, etc…) ;
  • en ce qui concerne ces aides légales, qui sont souvent versées plusieurs mois après les séjours, nous prenons en charge l’avance de trésorerie correspondante.

A noter que nous sommes ainsi en relations avec les Caisses d’Allocations Familiales de plus de vingt départements …

Un groupe de donateurs fidèles, anciens élèves de l’École Polytechnique en particulier, nous aide à donner un coup de pouce aux familles qui en ont encore besoin … et nous en rencontrons beaucoup.

Cette action du domaine social est importante car elle met en évidence la contribution de l’Association à la lutte contre l’exclusion qui est une priorité nationale. Elle rend encore plus nécessaire le maintien d’une infrastructure de qualité pour l’accueil, l’animation, le suivi et la gestion de nos activités : même si notre vocation a évolué depuis la création du groupe Éclaireurs de France voici plus de soixante ans, l’objectif reste le même et la ligne directrice a été tenue :  » contribuer, par les activités de loisirs éducatifs, dans l’esprit du Scoutisme d’Extension des Éclaireurs de France, à l’insertion sociale du jeune déficient auditif ».