1948 : les prémices de la coéducation et de l’éducation sexuelle
Peu de temps après la fin de la guerre, un certain nombre d’expériences d’activités communes aux filles et aux garçons apparaissent, essentiellement dans la branche aînée. Un rapprochement de fait se traduit, par exemple, par l’édition en commun de la revue « Le Routier » par la F.F.E., section neutre, et les E.D.F. . Cette orientation «pédagogique» n’est pas le fait d’une doctrine du Mouvement, résultant d’une réflexion en commun, mais reste bien du domaine de l’expérimentation. Et elle aborde un sujet jugé difficile, celui de l’éducation sexuelle.
On en trouve une première trace dans une fiche des « Cahiers Route » datée de décembre 53 et relatant une « expérience vécue de cinq ans de coéducation », sous la plume de Adrienne Houry, chef de groupe à Tanger.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que des précautions « oratoires » sont prises dans la présentation de cet article : « Tout le monde est d’accord pour dire que le problème de l’éducation sexuelle est parmi les plus délicats que nous ayons à traiter. Très peu de responsables – même à l’échelon le plus élevé – ont le courage de rechercher franchement comment il serait possible de l’aborder dans une unité. Nous ne présentons pas ce compte-rendu d’expérience comme la doctrine du Mouvement, ou même seulement comme un exemple à suivre à l’aveuglette. Notre but, en le publiant, est plutôt de susciter d’autres comptes-rendus et, peut-être, un débat qui ferait avancer un peu la question ».
Il est important de préciser, peut-être plus particulièrement pour les « jeunes générations », que ce « problème », que l’on peut considérer aujourd’hui comme résolu, est alors tout à fait réel : aborder ce sujet, dans le contexte d’un mouvement de jeunesse, est une innovation que certains ne sont pas près d’accepter. L’information sexuelle, comme la sexualité en général, n’est pratiquement jamais abordée ouvertement ; tout ce qui touche à ce sujet – y compris des faits vécus, comme, par exemple, les règles pour les filles – fait l’objet d’un oubli volontaire que certains considèrent comme lié aux contraintes imposées par la religion. Et la clandestinité des acquis ne favorise guère une vue saine de la réalité…
Or, et l’article le montre bien, décider que les activités de la branche aînée seraient communes à des filles et des garçons oblige, tout simplement, à… aborder le sujet : « … pour beaucoup, la réponse à certaines questions est d’une nécessité souvent urgente, si l’on veut éviter une mauvaise interprétation d’esprits imaginatifs ou hypersensibles. (…) mais comment doivent se faire ces cours ? Une question se pose peut-être dans les esprits : ai-je entrepris des exposés en séparant filles et garçons ? Non ! car alors le but principal de coéducation n’aurait pas été atteint.
Le programme, établi sur un plan scientifique, a été le suivant :
- anatomie féminine et masculine,
- les organes de la reproduction et leur fonctionnement,
- les glandes,
- quelques notions de génétique et d’hérédité,
- les maladies vénériennes, leurs dangers.
Le même article explique que « la différenciation des sexes peut être expliquée à travers Aristophane dans « le Banquet » de Platon »… « Le dernier exposé a été fait il a deux ans, le clan a grandi. Ils sont actuellement 42, garçons et filles. La venue d’éléments des troupes exige une nouvelle série de cours. Ils seront faits de la même façon, avec le même programme, et, une fois terminés, on n’en parlera plus.»
Saluons au passage cet excellent exemple de ce qu’a été, tout au long des décennies, le choix de notre Mouvement : acceptation d’une évolution de la société, confiance dans une initiative personnelle respectueuse du cadre de nos valeurs, expérimentation créative. Il s’agit bien d’une nouvelle étape, sous une nouvelle forme, d’une action de formation des jeunes à la citoyenneté.