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1932 : des éclaireuses « dispersées »

…pour apporter le scoutisme un peu partout dans les années 30 : un témoignage passionnant recueilli par le neveu d’une responsable d’une unité F.F.E. : Le clan des Oliviers

 

 

Michel Bouvier, ancien E.D.F., a réalisé un « fac simile » du cahier de liaison d’un clan d’éclaireuses « dispersées » animé, dans les années 30, par sa tante Lucie Duval – « Biche », ancienne de la Mouff. Cette contribution est un extrait de ce document. Elle présente la traduction concrète d’un type d’activités évoqué par Le Trèfle. Dans le même temps, Biche est responsable d’une meute de Louveteaux dans l’Orne. Le document complet, qui présente les deux unités – le clan des Oliviers et la meute du Gui – totalisé 270 pages et fait l’objet d’un DVD.

 

« Des souvenirs laissés par ma tante, Lucie Duval, décédée en décembre 2005, ce cahier du clan des Oliviers est un des plus précieux. A travers lui, j’ai découvert son engagement fort pour le scoutisme laïque en plein développement des années 1930, un engagement au-delà de ce que je savais d’elle, d’une activité déjà intense. Elle était née en avril 1912, quasiment comme le scoutisme français, à deux pas de la Maison pour tous. Éclaireuse et éclaireuse ainée à Paris – Panthéon, c’est près de Vieux Castor qu’elle fait ses classes, mais plus précisément de Chef Walther et de Chef Loutre. Revenue dans le berceau familial, dans l’Orne, elle sera institutrice. Mais dans le cadre de l’école laïque, à Flers en Basse-Normandie qui privilégie l’enseignement confessionnel, elle créera une meute de louveteaux avec le même nom, le gui, et les mêmes couleurs de foulard que celle de la rue Mouffetard. Parmi ses louveteaux, son petit frère, et sans qu’il sache ce qu’il adviendra, mon père.

À côté des sections d’éclaireuses qui se montent dans les villes dans le cadre de la Fédération Française des Éclaireuses créée en 1921, des éclaireuses dispersées peuvent avoir une activité, essentiellement épistolaire, animées par un chef, sur les mêmes valeurs du scoutisme. On retrouve dans ces lettres des termes particuliers, du respect de la Loi éclaireuse, de la « sestralité », de la B.V. (bonne volonté) et, bien sûr, le salut de la patte gauche. Au niveau national, une responsable coordonne ce réseau, Chef Siegrist, de Paris, qui fera appel à ma tante début 1934 pour succéder à la première animatrice de ce clan d’éclaireuses dispersées, « Trèfle à 4 », dont l’éloignement ne facilite pas l’action. Ces clans dispersés portent des noms d’arbres, le coordonnateur national étant le « grand chef de la forêt ». Sur la période concernée, chef Luttmann, de Strasbourg, « Bûcheron éloquent », passe la main, mais continue à s’intéresser au clan des Oliviers, comme en témoigne une page de lui dans ce carnet.

« Trèfle à 4 » correspond sans doute à un des modèles de jeunes filles qui acceptent de prendre des responsabilités d’animation. Née en 1912 également, son père est officier et elle revendique sa foi catholique. Ma tante relève de l’autre modèle, celui de l’enseignante laïque dévouée à la jeunesse. Trèfle à 4, Mireille Bordes, était éclaireuse à Toulon, mais elle doit suivre son père en Syrie, alors sous mandat français. Elle lance, début 1932, ce cahier de liaison qui cesse de circuler en septembre 1932, du fait de l’éloignement de la cheftaine. Les éclaireuses sont des bébés de la Grande Guerre, parfois orphelines de père. Un noyau de base vient de l’éphémère section F.F.E. des Farigoules, qu’un professeur de français a montée à l’Ecole Primaire Supérieure de Brignoles, dans le Var, mais que la nouvelle directrice interdit. Les éclaireuses dispersées se retrouvent dans une sorte de patrouille autonome, mais peuvent se regrouper dans des camps d’été organisés pour les différents clans dispersés, ou peuvent profiter de camps organisés par des sections proches. Elles choisiront le nom d’Oliviers, puis ensuite la devise : Lumière et Paix, ainsi que le vert comme couleur symbolique.

Dans ce cahier, chacune se présente et dévoile son caractère et sa vie. C’est une chance de retrouver leur trace à travers ce document d’archive, qui revoit le jour peu avant le Centenaire des Eclaireurs et Eclaireuses de France. Les deux cheftaines successives des Oliviers n’ont que trois à cinq ans de plus que leurs éclaireuses mais le sens des responsabilités vis-à-vis de leurs attentes et du mouvement scout, porteur d’idéaux de vie sociale et de communion avec la nature. Elles font circuler ce cahier de liaison à côté des contacts établis plus personnellement avec chaque éclaireuse, ainsi qu’un cahier technique comprenant les épreuves à valider pour les différents niveaux : petite bleue, aspirante, 2e classe … À chaque tour du cahier, elles recadrent les activités communes. La lecture du Pigeon voyageur et de l’Alouette, les journaux des éclaireuses, est recommandée, comme il convient de se reporter au manuel de l’éclaireuse. Des pensées du livre de Lézard sont rappelées, sur la probité, la sincérité … Le manuel de chant n’est pas inutile et la tenue d’un journal personnel fortement suggérée. Dans le cadre d’une vente-exposition, Biche fera confectionner une famille de poupées avec chefs, louveteau et éclaireur, petite aile et éclaireuse. Pour alimenter la caisse du clan, des timbres sont aussi vendus et des projets de travaux de tricot et de raphia sont envisagés.

(Suit un « inventaire » des membres du clan et de leur collaboration au cahier : le « noyau de Brignoles » constitue la force principale du clan, la première année, mais les éclaireuses se situent dans tous les copins de France, depuis la Provence et la Crau jusqu’à Bar-le-Duc dans la Meuse, Ingwiller dans le Bas-Rhin, Flers dans l’Orne, Montpellier dans l’Hérault . Les textes reflètent les personnalités, les valeurs et les engagements de chacune, mais aussi leurs problèmes : plusieurs d’entre elles, issues de milieux modestes, ont des problèmes d’études au niveau du brevet élémentaire, ou des difficultés à payer leur camp ou les frais de « recommandation » du cahier …)

Lucie Duval, Biche bonne humeur, reprend donc le clan d’Oliviers abandonnés, en février 1934. Elle se présente à ses éclaireuses comme ayant toujours eu du bonheur avec son clan des Algues puis les éclaireuses ainées. Quitter Paris pour l’école normale d’Alençon est une épreuve jusqu’au jour où l’inspecteur a entendu parler d’une éclaireuse, elle. C’est la conquête de camarades d’école pour créer des meutes de louveteaux dans l’Orne. Mais la nostalgie des F.F.E. est toujours là et l’appel de chef Siegrist est arrivé. Le clan recherche ses éclaireuses, et peut-être de nouvelles arrivées. Elle évoque à l’occasion sa vie quotidienne, sa classe à tenir même avec angine et otite, jusqu’aux vacances de Pâques et le camp à assurer pour les louveteaux et éclaireurs de Flers, dans une ferme de la vallée de la Rouvre encore dans son manteau d’hiver. Elle évoque son camp d’éclaireuse de 1926 à Lamoura, dans le Jura, car c’est là que les éclaireuses dispersées doivent se retrouver l’été 1934, mais sans elle car elle doit tenir sa classe jusqu’au 31 juillet.

Le cahier se termine, un autre devrait prendre la suite. On ne connaîtra pas le dessin du fanion en projet. Ce cahier, gardé par Biche, est à la disposition de celles qui veulent le relire. Mais qu’est il advenu du clan des Oliviers ? La cheftaine se mariera l’année suivante et sans doute ne pourra tout assumer. C’est donc par une sorte de sermon que chef Siegrist, commissaire nationale adjointe, conclut ces échanges, témoignages de la vie des FFE au début des années 1930.  La génération suivante (neveu et nièce de Biche) retrouvera le chemin de ce scoutisme, à la meute du Gui puis à la troupe Vieux Castor, de la Maison pour tous. C’est pourquoi j’étais heureux de pouvoir faire revivre ce trait d’union, avec une pensée pour ma tante. »

Il est possible de voir quelques pages de ce cahier en cliquant sur les liens suivants (sur le deuxième, un message de J.Segriest aux éclaireuses du clan) :

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