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1943 : Présentation de Chamarges, haut-lieu de formation… et de rencontres

 Chamarges a été, pendant la guerre, un « haut-lieu » de la formation pour les Mouvements de jeunesse, relayant Cappy situé en zone occupée. Claire Mollet en a donné un témoignage pour la plaquette consacrée à René Duphil.

 

 

Claire Mollet : quelques souvenirs de Chamarges et de son rôle pendant la guerre

« Éducation et Santé » (était) une association née en zone sud, par tous les Mouvements de jeunesse, pour aider éventuellement ceux que le régime de Vichy mettaient en difficulté, et qui formait des moniteurs de colonies de vacances ou de centres d’enfants éloignés de leurs familles.  Ceci essentiellement, au château de Chamarges, près de Die, au fond de la vallée de la Drôme, où ont défilé comme instructeurs ou élèves des hommes et des femmes responsables des divers mouvements, avant de disparaître, souvent, dans la nature, ou même de rejoindre le plateau du Vercors le 6 juin 1944. Les stages de Chamarges ressemblaient étrangement à nos camps-écoles, en essayant de s’adapter, en une même session, à tous les âges des enfants tout en prenant en compte les problèmes des jeunes séparés de leur famille par la guerre, l’occupation, les dangers de l’époque. Leur principal intérêt me semble pourtant d’avoir fait se rencontrer, et travailler ensemble, des gens venus de tous les milieux et de toutes les classes sociales : Scoutisme français, Ajistes, Âmes Vaillantes et Cœurs Vaillants, Amis de la Nature, Ligue de l’Enseignement – qui ne disait pas son nom car interdite. Chaque stage était dirigé par un envoyé de ces Mouvements, et l’effort commun, ouvrant bien des horizons, a certainement préparé un avenir auquel nous pensions tous …

Même celui, bien inattendu, d’une trentaine d’officiers de marine venus s’initier, après le sabordage de la Flotte à Toulon, à la direction de colonies d’un genre nouveau, tous les enfants de la ville étant repliés dans un immense centre de vacances à Rive de Giers, dans l’Isère. Ces personnages, hauts en couleur, ont tous pris leur apprentissage très au sérieux, et le capitaine de vaisseau qui, pour être venu un matin au rassemblement avec une barbe de la veille, a fait perdre son équipe, en a été très vexé ! Le dénouement de ce stage est aussi sorti de l’ordinaire : quatre des participants, officiers en civil – et en « traction avant » – ont imaginé de retourner dans l’Isère en traversant le Vercors dans toute sa longueur. Arrêtés par la police française, fouillés, ils sont embastillés sur le champ, portant sur eux – reste du grand jeu ! – un plan de recherche des grottes de la  région recélant des armes et des munitions …. Il fallut, de Vichy, l’intervention du ministère de la Défense Nationale pour les sortir de là.

Les mois passant, les temps plus durs sont venus, et les responsables qui arrivaient avaient changé de nom et, quelquefois, de totem (Misaine, future Commissaire Générale de la F.F.E., était devenue Frégate) ; moyennant quoi, l’un ou l’autre achetait du pain à Die avec ses deux cartes d’alimentation, la vraie et la fausse. Mais le boulanger était d’accord. C’est lui d’ailleurs qui nous téléphonait « le pain est cuit » quand la voiture de la Milice de Valence rôdait aux alentours. Elle n’est jamais venue jusqu’à Chamarges, heureusement pour l’intendant : transfuge du journal clandestin « Témoignage Chrétien », il n’avait dû son salut, avant d’arriver dans le Diois, qu’en abandonnant dans le train une valise pleine du dernier numéro.

Mais, finalement, cela nous pesait peu, nous n’en parlions jamais, attentifs à notre métier, ardents animateurs de ces rencontres privilégiées.

Pierre François et Abeille Léonardi activaient, de Vichy, tout ce travail, Maurice Rouchy dirigeait l’école de Chamarges, où j’avais moi-même été détachée de l’Education Nationale en tant que responsable F.F.E., et René Duphil assurait la gestion de ce remue-ménage permanent, parallèlement à celle des EDF. Chamarges a « mal fini » : devenu PC de la Résistance après le débarquement de 1944, le château a été incendié lors du désastre du Vercors. Il avait eu, heureusement, le temps d’être bien utile. C’est pendant cette période aussi que, des réunions régulières du Commissariat National EDF, réuni autour de Pierre François devaient sortir les bases du « Grand Mouvement »  d’après-guerre, les futurs Francs & Franches Camarades ».

Notons également que c’est à Chamarges, au cours d’un « Cappy Route », que Jean-Louis Fraval, envoyé clandestin du Gouvernement provisoire d’Alger, a rencontré les E.D.F. en stage, avant qu’André Basdevant ne lui organise des entretiens avec des responsables nationaux de plusieurs Mouvements de scoutisme.

(Extrait de la plaquette « René Duphil, acteur et témoin de son temps »).

À Chamarges en 1942; une bonne partie de l’équipe nationale E.D.F. et plusieurs régionaux : René Duphil, Pierre et Sven Sainderichin, Ric Frossard, Fernard Bouteille, Clotilde Frémolle, Mion Valloton, « Érable » et « Chouette » Lévy-Danon, Henry Gourin, René Alauzen, Pierre François, Vieux Castor