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1911 : Présentation de l’École des Roches

L’École des Roches et les personnalités liées (Georges Bertier, Henri Marty) ont joué un grand rôle dans le démarrage du scoutisme en France. Arnaud Bauberot et Nathalie Duval les ont évoquées dans divers ouvrages.

 

Arnaud Bauberot dans L’invention d’un scoutisme chrétien

« L’École des Roches a été créée en 1899 à Verneuil sur Avre par Edmond Demolins, disciple de Le Play et marqué par le catholicisme social. Elle s’inscrit dans une démarche critique à l’égard du système éducatif français. En 1897, Demolins publie “ À quoi tient la supériorité des Anglo-saxons ? ” Il y affirme que “ la question sociale est une question d’éducation ” et que la supériorité des Britanniques, dans de nombreux domaines, tient à leurs méthodes éducatives. Son discours, jugé scandaleux à l’époque, est très critique à l’égard de l’éducation française, “ anti hygiénique ”, organisée en “ régime claustral ” qui “ fait des fonctionnaires ou des ratés ” alors que “ l’éducation anglaise fait des hommes ”. (…) »

L’École des Roches, bâtie sur un modèle britannique, « veut former “ l’Homme social ” et développer le sens des responsabilités en utilisant, notamment, les vertus de la campagne et du sport. L’École touche des jeunes garçons issus de milieux très aisés et vise à créer une “ nouvelle race de patrons ”. La dimension religieuse n’est pas exclue de ce système de formation des élites. La formation de l’homme social comprend aussi son développement spirituel. Cependant la référence chrétienne se pose de façon assez originale. Certes, l’éducation religieuse est présentée comme le complément de l’éducation morale. Mais Demolins a attaché beaucoup d’importance à ce que les enfants jouissent d‘une très grande liberté dans la pratique religieuse. »

Nathalie Duval dans Henri Marty (1887-1945) Un éclaireur de France au service de la jeunesse et de la patrie

Le capitanat à l’École des Roches : un vivier de chefs éclaireurs (1918-1940).

« Dans quelle mesure l’École des Roches dans l’entre-deux-guerres est-elle un creuset de la formation de cadres de jeunesse ? Fondée en 1899 par le disciple le playsien Edmond Demolins, cette première “ école nouvelle ” conçue sur le modèle des « new schools » britanniques, ne fut pas seulement une école privée réservée à une élite favorisée par l’argent. Grâce aux actions et aux relations de plusieurs de ses éducateurs et de quelques-uns de ses élèves, elle s’est en effet inscrite au sein de plusieurs réseaux d’éducation : éducation de la jeunesse grâce au scoutisme et éducation populaire grâce à son engagement dans diverses œuvres sociales.

Le rôle joué par Georges Bertier, son directeur de 1903 à 1944, a été essentiel, en particulier dans le domaine du scoutisme. C’est sous son impulsion qu’en avril 1911, à l’École des Roches, une première troupe d’Éclaireurs de France est créée dans un cadre scolaire. Les articles publiés dans des numéros de la revue L’Éducation ou du Journal de l’École des Roches sont sur ce point éclairants : ils montrent en quoi le scoutisme est conçu comme un moyen de formation de jeunes “ chefs ”, les éclaireurs formant en quelque sorte l’aristocratie de l’institution rocheuse des “ capitaines ”, ces garçons choisis par le chef de maison parmi les plus âgés pour animer une équipe de cinq à six élèves placés sous leur responsabilité.

Parallèlement à son engagement au Groupement français de l’éducation nouvelle (GFEN), Georges Bertier œuvre à la propagation des Éclaireurs de France. Après en avoir été vice-président dès leur fondation en décembre 1911, il accède à la présidence en 1921 (il occupe cette fonction jusqu’en 1937) ; il soutient leur rayonnement international, par l’intermédiaire entre autres de son directeur adjoint, le chef de maison Henri Marty (de 1908 à 1940). Le fait est que celui-ci a beaucoup agi en la matière : animateur de troupe, il est, grâce à sa parfaite maîtrise de l’anglais, un proche collaborateur de Baden Powell et il devient à partir de 1920 commissaire international des Éclaireurs de France.

Tous deux considèrent leurs éclaireurs comme d’excellents vecteurs pour la promotion de l’éducation nouvelle en tant que modèle éducatif de formation de cadres, dans les couches aisées aussi bien que populaires. Preuve en est leur participation à l’ouverture en 1923 du camp de Cappy et à son animation, aux côtés du commissaire national André Lefèvre, par ailleurs animateur de la “ Maison pour tous ” de la rue Mouffetard à Paris.

Ce lien est à souligner quand on sait que ce foyer social, fondé par des disciples du Sillon, fut très soutenu par Georges Bertier lui-même et en partie animé par de jeunes cadres du scoutisme rocheux. Des professeurs des Roches y sont intervenus tels que Monique, fille de Georges Bertier, et son époux Louis Garrone, entré aux Roches en 1925 comme professeur de lettres et de philosophie, tous les deux animateurs de troupes de louveteaux. De même, un ancien chef E.D.F. à l’École des Roches, Pierre Olivier, également aidé de plusieurs anciens des Roches, créa aux abords de la place de la République à Paris, dans un immeuble populaire, le groupe du “ Grenier ” qui connut un réel succès. Pour sa part, Jacques-Olivier Grandjouan, jeune rédacteur en chef des publications E.D.F., enseigne une année aux Roches, à la fois en tant qu’agrégé et animateur de troupe de louveteaux.

Le capitanat apparaît ainsi comme un vivier de chefs éclaireurs dont un certain nombre participent, du niveau local au niveau national, à des œuvres sociales. Mais on remarquera aussi, d’après des témoignages d’anciens élèves catholiques et protestants, qu’une fois sortis de l’École, ils quittent en général les rangs E.D.F. pour rejoindre, selon leurs convictions religieuses, ou les Scouts de France ou les Éclaireurs Unionistes. Ces choix tendent à montrer les limites de la réussite de Bertier et ses collaborateurs, à diffuser cette forme de scoutisme, neutre sur le plan confessionnel mais engagé sur le plan des méthodes actives. »