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2010 : à la mémoire de « Sloughi » Déjean

L’ouvrage « Cent ans de laïcité dans le scoutisme et l’éducation populaire » présente une contribution d’Andrée Mazeran-Barniaudy et de son équipe nationale Louveteaux, dont « Sloughi » Déjean, sur l’évolution de la branche dans les années d’après-guerre. Andrée a également écrit ces quelques lignes à l’occasion du décès de « Sloughi » le 22 décembre 2010

 

 

Sloughi !

 

Belle dans son tailleur gris, accompagnée de ses deux petits garçons, cette grande dame que l’on appelait Sloughi participait à une réunion de l’équipe nationale Louveteaux, dirigée par Jean Cabot Commissaire National, à Fontenay aux Roses en 1949.

Responsable de la branche Louveteaux dans la « province » Drôme-Ardèche, je participais aussi à cette rencontre. Ce fut mon premier contact avec Jeanne Déjean. Inoubliable ! C’est tout naturellement que, prenant la succession de Jean Cabot à la direction de la branche en 1951, je comptais Sloughi parmi les membres de l’équipe nationale. Sa rigueur, ses compétences éducatives, sa connaissance du Mouvement nous permettaient de mettre en place les changements de méthode avec conviction et assurance.

À Clermont-Ferrand, au Lycée Jeanne d’Arc où Jeanne Déjean était proviseur, j’ai rédigé la brochure « Esprit et méthode ». J’écrivais durant la journée, nous faisions le point le soir afin de soumettre à l’équipe nationale la rédaction définitive.

Sloughi était infatigable. Réunions à Paris, Cappy, elle était toujours là quand nous faisions appel à elle : à Lanildut en Bretagne, nous avons encadré ensemble un Cappy en 1952. Je la revois, sur le bateau qui nous emmenait à Ouessant dans la brume, tricoter un pull over à un de ses enfants (un pull marin) au son de la corne de brume ; à Turin, Cappy avec les Éclaireurs Italiens (G.E.I.) à Pâques 1952, la solidité de Sloughi était le garant de la solidité de notre méthode Louveteau ; nombreux Cappys à Boulouris…

Sloughi aimait le Livre de la Jungle. Nous utilisions les aventures de Mowgli pour lancer des grands jeux dans le maquis de ces si belles collines provençales en porphyre rouge. Les poèmes inclus dans le livre de Kipling nous inspiraient aussi de jeux (presque) théâtraux sur les rochers au clair de lune. Sloughi et moi étions  des acteurs (inspirés), des photos en témoignent. Notre méthode éducative était basée sur le « faire avec les jeunes » et non sur le « faites ce que l’on vous dit de faire »…

En Afrique, en Casamance, nous avons encadré, en 1958, un stage de formation des Éclaireurs d’Afrique dirigé par Albert N’Diaye, une coopération fraternelle enrichissante pour tous.

Nos réunions se déroulaient souvent dans des conditions sommaires. Sloughi s’adaptait tout naturellement, avec humour. Ainsi, à Lyon en 1953, lors d’une rencontre avec les Éclaireurs allemands (B.D.P.), il faisait si froid dans le dortoir où nous devions dormir que nous avons couché, Français et Allemands, sur les tables de notre salle de réunion, les eul endroit chauffé en plein hiver.

Nous avons toutes deux participé à des camps de cadres du scoutisme mondial à Gilwell en Grande-Bretagne. Ensemble, nous avons essayé de faire comprendre à nos amis anglais la richesse et l’originalité de notre méthode Louveteaux centrée sur la « société d’enfants ». Agrégée d’anglais, Slougui savait expliquer, mais le louvetisme anglais restait imperturbable !

J’ai voulu relater, ici, les souvenirs vécus avec Sloughi membre de l’équipe nationale Louveteaux. Elle fut si vivante, cette période ! Il convient d’évoquer aussi le rôle prépondérant que Sloughi a joué au sein du Comité Directeur des E.D.F. ; son rôle aussi de commissaire dans les régions de Thiérache, d’Auvergne, d’Île de France. Par son sens exceptionnel de l’organisation, elle a contribué à la réussite du rassemblement à Clermont-Ferrand pour le cinquantenaire du Mouvement.

Mère de famille, proviseur de lycée puis inspectrice générale de l’Éducation Nationale, Jeanne Déjean ne ménageait pas sa peine. Brillante, efficace, elle menait tout de front. Sa grande distinction s’alliait avec une souriante simplicité et tout paraissait facile avec elle.  Notre collaboration a toujours été étroite et confiante, toujours positive, et notre amitié n’a cessé de grandir au fil des ans.

Grande dame, amie vraie !

Lors de ma dernière visite à Semur, à l’automne 2009, Sloughi m’a longuement parlé de son engagement dans le Mouvement, de son action, avec une grande modestie.

Puissent les générations futures ne pas oublier celle qui a été l’épouse de Pierre Déjean, commissaire national des Éclaireurs de France, arrêté par la Gestapo au siège des E.D.F. le 2 septembre 1943, exécuté à Mauthausen, celle dont l’intelligence et l’énergie ont donné aux Éclaireurs cet élan éducatif et novateur.

Andrée Mazeran-Barniaudy

janvier 2011