Enfants déportés, enfants sauvés : les petits réfugiés Juifs du Gers : c’est le titre d’un ouvrage de Mme Gisèle Polya-Somogyi que nous signale Maurice Déjean
Un extrait du texte concernant les E.D.F. :
» Les Éclaireurs à Auch (1941-1942)
Pour les réfugiés, un autre moyen de s’intégrer fut de s’inscrire aux Éclaireurs. A Auch, les Scouts de France, catholiques et « maréchalistes » étaient nombreux, quatre troupes et trois meutes alors que les Éclaireurs, laïques avaient un seul groupe, le groupe Pelletier d’Oisy. Aux Éclaireurs, on apprenait le respect de l’autre, quel que soit son origine, son milieu, ses croyances. C’était aussi l’amour de la Patrie. On portait aussi une tenue qui séduisait Pierre.
Pierre Feigl et d’autres écoliers de la rue de Metz sont à la troupe Mahéas (8) dont le chef est Maurice Déjean dit « Cignogeau ». La troupe est divisée en quatre patrouilles, les Cerfs, les Renards, les Chamois et les Écureuils. Pierre fait partie des Écureuils avec Defant, De Bernardi, Ichard, Cazes, Goussi et Petit Bon. La patrouille des Renards est constituée de Szelechowski, Sternefeld, Péro, Dupouy, Campardon, Rousseau et Baudant. (9) Pierre Dauphiné qui habite 81, rue V. Hugo est éclaireur isolé. C’est dans son jardin que M. et M. Feigl prendront les photos d’identité lorsqu’ils songeront à émigrer.
Les Éclaireurs se réunissent le jeudi et le dimanche au local prêté par la Mairie au Prieuré où l’ancienne chapelle avait été transformé en gymnase. Bien sûr, chaque patrouille tenait son Journal de bord. N’est-ce pas cette habitude d’écrire qui poussera Pierre à commencer le sien le 27 août 1942 ? On sortait beaucoup dans les bois derrière la Hourre, plus loin que l’orphelinat Lapeyrère. On y organisait des jeux de foulards, et des feux de camps. Quand il faisait froid, on partait avec un chaudron, on plantait trois bâtons dans le sol et délice des délices, on faisait du chocolat.
Le chef de troupe de Pierre, Maurice Déjean, dit Cigogneau, était un homme de valeur. Son frère ainé, Pierre Déjean était le Conseiller national adjoint des Éclaireurs de France à Paris. Il fut arrêté par la Gestapo le 2 septembre 1943 au siège même des Éclaireurs, 66 rue de la Chaussée d’Antin, Paris, 9e. Il s’était engagé dans le réseau Mithridate et avait doublement bravé l’occupant : en maintenant dans la clandestinité l’activité des Scouts en zone occupée et en s’engageant personnellement dans la lutte contre l’occupant. Dans un des derniers messages adressé de Compiègne à sa femme avant sa déportation, il écrit : « Je préfère être de ceux qui auront souffert pour le pays et leur idéal, vraiment souffert. Cela seul me donnera tous les moyens d’être tout ce que je veux être. J’attends toujours l’interrogatoire sur le scoutisme (suis fier d’être poursuivi pour cela, dis-le aux amis) ». (10) Déporté le 26 février 1943, il est mort exécuté à Mauthausen le 18 août 1944.
Les plus âgés des éclaireurs deviennent « routiers ». Boris Frenkel en sera un; avant d’être à Toulouse un Eclaireur Israélite de France. Rendant hommage à Boris dont il ignorait la destinée, Maurice Déjean a écrit en octobre 2007 : « Le cas de ce jeune garçon est exemplaire. Il est un exemple de ce qu’ont pu souffrir les jeunes juifs de sa génération en voyant qu’ils n’étaient plus traités comme les autres français de leur âge et mis au ban de la société française. On comprend que les années passées à la troupe d’éclaireurs (où ils étaient comme tous les autres éclaireurs) aient comptés pour lui… et cela me touche beaucoup » Et Maurice Déjean de conclure à propos de ces éclaireurs juifs : «…J’ai dressé une liste impressionnante de tout ce que Vichy leur a infligé d’opprobres ! ». Il a signé « Cigogneau »
La liste des éclaireurs en 1941 :