Responsable E.D.F. à Toulouse ayant choisi les E.I. en 1940 « par appartenance et fidélité » après parution des lois raciales, Lucien Fayman nous a donné il y a quelques années un texte de réflexion sur le sujet « laïcité dans le scoutisme ».
La position du Fondateur vis-à-vis des associations scoutes non confessionnelles, et, en particulier, vis-à-vis des Éclaireurs de France, a fait longtemps, et fait encore quelquefois, l’objet de discussions : dans quelle mesure le scoutisme est-il compatible avec la définition qui en a été donnée par nos associations, dans les premières années, dans notre pays ? Ce qui est sûr, c’est que B.P., bien que regrettant la dispersion du scoutisme français, a accepté notre principe d’ouverture et la « promesse alternative » qui a quelquefois été mise en cause par quelques-uns de ses successeurs.
Lucien Fayman a retrouvé quelques passages de « Éclaireurs » qui abordent cette question :
Dans le chapitre « éducation », B.P. nous dit : « Du point de vue religieux, nous sommes “ interconfessionnels ” : nous ne nous arrogeons pas les prérogatives des parents ou des ecclésiastiques en donnant nous-mêmes une instruction religieuse, mais nous insistons pour que le jeune garçon observe et pratique la forme de religion qu’il professe, quelle qu’elle soit, et le devoir dont nous lui imposons avant tout la pratique quotidienne, c’est de se montrer chevaleresque et de venir en aide à autrui. »
Le même thème est repris dans le chapitre « religion » : « C’est à dessein que nous n’avons parlé de l’observation des pratiques religieuses qu’en termes généraux ; nous tenions à laisser les mains libres aux organisations et aux individus qui voudront faire usage de ce livre ; ils pourront en cette matière donner eux-mêmes leurs instructions. Dans notre association, qui comprend des garçons de toutes croyances, nous n’aurions pu donner des règles précises, même si nous l’avions voulu. »
Un autre sujet qui a également fait couler beaucoup d’encre est celui du lien entre la méthode scoute et la formation militaire, en particulier pour les Éclaireurs de France dont le créateur a été Nicolas Benoit, officier de marine intéressé par le scoutisme en liaison avec le Ministère de la Marine.
Sur ce point également, B.P., ancien militaire professionnel, a des idées précises qu’il expose dans le chapitre « éducation » : « Notre éducation n’est pas militaire. L’exercice, que tant de sociétés de jeunes ont adopté, est réduit chez nous à sa plus simple expression ; faire l’exercice tend à détruire la personnalité, et l’un de nos buts principaux est de développer la personnalité. ». Quelques pages plus loin, il est encore plus clair : « L’exercice militaire fournit à un mauvais officier dépourvu d’imagination de quoi occuper ses hommes. Il ne se demandera pas ce que ça leur dit, ni si ça leur fait du bien. Pour lui, cela lui épargne beaucoup de peine. L’exercice militaire tend à détruire l’individualité ; au contraire, nous désirons développer le caractère. Et quand l’exercice a perdu sa nouveauté, il assomme les garçons, qui brûleraient de se lancer dans quelque entreprise. L’exercice émousse son entrain. (…) Nous voulons faire de nos garçons des hommes de plein air, non pas des soldats pour rire. »… Peut-être faut-il voir dans ces affirmations l’origine du « retour aux sources » qui a caractérisé les Éclaireurs de France dans les années 20, en rejetant un excès de « bataillons scolaires » ?
Conclusion : comme Lucien Fayman, nous pouvons relire « Éclaireurs » de temps en temps !
À noter que Lucien, issu d’une famille non pratiquante, a rejoint les E.I. fin 1940 après la publication des lois raciales du régime de l’État Français. Il a participé à l’animation de « la Sixième », regroupant les E.I. clandestins après leur interdiction par le régime (voir la rubrique « La période de la guerre »). Après son retour de déportation, il a rejoint les E.I. dont il a été président. Il est toujours resté membre de l’association des anciens E.D.F..