Dans la région de Montpellier… une nouvelle organisation pour un nouveau départ
Après la fin de la guerre, peu de sections survivent et il faudra quelques années pour un véritable redémarrage à partir du groupe de Montpellier qui commence à fonctionner en plusieurs « branches ».
Lors d’une visite du Commandant Royet en janvier 1920, seule la section de Montpellier semble solide. Les autres groupes de la région ont perdu beaucoup de cadres et souvent, du fait de la cessation de leurs activités, leurs locaux. Mais la section est bien connue de la revue nationale, qui en utilise souvent les photos : en novembre 1919, en illustration d’un article intitulé « L’art d’éteindre le feu », les éclaireurs s’exercent à la conduite et au fonctionnement d’une pompe à incendie et en 1922 l’E.D.F. met en page de couverture « Dans la montagne, le café ». Même si le choix de ces images n’est pas totalement significatif d’une évolution des activités, il semble clair que le scoutisme s’éloigne progressivement de son contexte initial pour retrouver une vocation de jeu et d’activités pour enfants plus que pour adultes. Et on voit de plus en plus apparaître les activités de patrouilles, peu présentes jusqu’alors. Cette évolution mérite un petit « arrêt sur image ». Le mémoire de Nelly Pagès nous en donne quelques détails :
« En février 1924, l’Éclaireur de France recense trois patrouilles regroupant 24 jeunes. Plusieurs activités sont mises en place pour valoriser le travail des garçons appartenant à une même patrouille. Lors d’une exposition scoute en plein air qui a lieu à Montpellier le 1er février 1924, les patrouilles présentent les objets qu’elles ont fabriqués. (…) Des concours de patrouilles sont organisés par le groupe pour obtenir la première place au classement trimestriel. En dehors des activités, les éclaireurs se retrouvent pour des réunions de patrouille et de troupe « d’une régularité écrasante ».
Parallèlement à la vie en patrouille, la progression individuelle de chaque garçon s’inscrit dans un programme très précis. (…) Le groupe de Montpellier s’intéresse très tôt aux stages de Cappy. Deux chefs de troupe et deux meneurs de troupe y sont envoyés en 1924. Cet intérêt porté à la formation des jeunes chefs s’explique par le fort développement que connaît le groupe à cette période.
La première meute de la région est créée en février 1924 à Montpellier. Trois sizaines de louveteaux se forment rapidement. (…) Le groupe doit assurer l’encadrement des louveteaux tout en préservant la troupe d’éclaireurs dont l’effectif ne cesse d’augmenter. »
Ces informations sont intéressantes car elles montrent une réelle mutation vers ce que sera le scoutisme du premier « quart de siècle », celui que présente l’ouvrage des deux Pierre comme un retour vers le scoutisme « de B.P. » : systèmes des patrouilles, progression individuelle, formation des chefs… On ne trouve plus le terme d’ « instructeur ». S’y ajoute la mise en place d’une structure régionale, souhaitée par « Le Scout » édité à Troyes pendant la guerre pour assurer une liaison entre les sections :
« L’administration régionale des E.D.F. a pour noyau central le groupe de Montpellier. Plusieurs chefs de troupe de ce groupe sont insérés dans le comité régional lorsqu’ils sont en âge de prendre de plus hautes responsabilités. Ils sont nommés le plus souvent « commissaire régional adjoint » et travaillent pour l’intérêt général de la région.
L’unité prend également en charge l’organisation de grandes fêtes régionales. En 1926, elle a la responsabilité d’organiser le Congrès régional, qui se tient à l’école Victor Hugo. Le choix du lieu s’est porté sur cette école car le président du groupe en est le directeur. Durant ce congrès, la situation des unités est étudiée et il est décidé de multiplier la propagande pour développer les effectifs. De plus, pour renforcer les bases de l’encadrement, toutes les unités sont encouragées à envoyer leurs futurs chefs en stage à Cappy ».
Notons au passage le rôle important de Lucien Daumas, « Vieux Renard », alors chef de troupe, qui est l’un des premiers stagiaires de Cappy. Toujours fidèle au Mouvement, il sera, après la seconde guerre mondiale, commissaire de province puis membre du Comité Directeur.
Les relations avec l’école et les Unionistes :
« Le groupe, dans bien des domaines, sert de « vitrine » aux E.D.F. de la région. Étant le seul à représenter le scoutisme laïque « haut de gamme », il a pour mission de véhiculer une certaine image du Mouvement.
Pour « faire connaître le scoutisme et répandre ses bienfaits » (comme le dit le Journal des Éclaireurs en novembre 1926), le groupe est passé maître dans l’art de la propagande. Le Journal des Éclaireurs fait régulièrement référence aux interventions qu’il mène dans les écoles. Durant ces séances de propagande, les chefs distribuent des tracts et prononcent des « laïus » pour expliquer les activités E.D.F. De façon plus concrète, les éclaireurs exposent leur savoir-faire lors des grandes fêtes qu’ils organisent en plein air. Quelques jours après être allés dans une école, le 1er février 1925, les éclaireurs font une fête ouverte au public. Pour présenter la meute et son fonctionnement, les louveteaux reconstituent le décor qui leur sert de repère. Le cercle de conseil, le rocher et le mat totem, symbolisant la vie de la meute, sont exposés près d’un musée de feux, d’un pont et d’un camp modèle que les éclaireurs ont installés. La fête suivante dure trois jours, du 9 au 11 mai, et attire « de nombreux admirateurs ».
Au-delà du développement des effectifs, les séances de propagande dans les écoles et les expositions, qui sont visitées par des instituteurs et des directeurs d’école, offrent aux groupes un autre avantage : les E.D.F. commencent à nouer des liens très étroits avec l’école. De 1911 à 1918, les responsables issus de l’Éducation Nationale étaient minoritaires, le rapprochement de la fédération et de l’école ne s’est pas fait. Cette situation connaît un revirement aux lendemains de la guerre puisque « les milieux enseignants de gauche (…) voient dans le scoutisme le moyen de rénover l’école en y introduisant les méthodes d’éducation active (P. Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Paris, Perrin 1991, p.498) ».
Dans le même temps, le groupe de Montpellier met en place des activités communes avec le scoutisme protestant, très important sur la ville :
« Tout en conservant leur idéal laïque, les éclaireurs de Montpellier organisent des sorties avec les E.U. très nombreux dans la ville. Les relations entre les deux Mouvements de scoutisme, limités au départ à une simple rencontre lors de la Saint-Georges, évoluent et se concrétisent par des activités communes plus régulières. (…)
Le Journal des Éclaireurs annonce que le 8 mars 1925 une sortie commune est organisée entre le groupe laïque des « Garrigues Embaumées » et la tribu unioniste des « Chênes Verts ». Sans rien changer à leur mode de fonctionnement habituel, les garçons passent une journée entière ensemble. La greffe prend facilement puisque les deux Mouvements ont des bases communes (…). Cette journée étant une réussite, les meneurs et les chefs E.U. et E.D.F. projettent de se revoir rapidement pour une sortie d’étude. Les thèmes abordés lors de cette sortie d’étude ne sont pas précisés sur les revues E.D.F. Cette mode, lancée par le groupe de Montpellier, ne tarde pas à être récupérée par la section de Béziers qui organise un peu plus tard ses sorties d’étude avec les E.U.
Quelques mois après, le 10 mai 1925, une grande réunion interfédérale de secteur réunit à Montpellier plus de 300 garçons issus des deux Mouvements. Ce rassemblement offre aux éclaireurs, laïques et unionistes, la possibilité de comparer leurs talents. Des concours de patrouilles sont proposés mais le tout se passe dans une atmosphère sympathique sans qu’ils e crée une véritable compétitions entre les adhérents des deux Mouvements.
La collaboration entre les deux associations locales se manifeste également lors du 9ème Congrès National des E.U. qui se tient à Montpellier du 30 octobre au 2 novembre 1926. Les meneurs E.D.F. participent « au service des guides » et deux chefs E.D.F. « suivent les travaux du congrès », qui portent sur les rapports du scoutisme avec l’éducation religieuses de jeunes garçons. Cette relation amicale avec les E.D.F. n’empêche pas les E.U. de progresser dans leur quête spirituelle. Au contraire, « il semble qu’on veuille accentuer le côté religieux de l’œuvre, envisager toujours plus le scoutisme au service de Jésus-Christ ». »