Cette période est également celle du développement de la branche aînée avec une action de développement du Mouvement et des spécialisations « techniques ». Le mémoire en donne quelques exemples, dont celui du Clan des Chênes Verts de Montpellier. On peut y voir la recherche d’une spécificité pour la branche aînée, peut-être un peu trop considérée jusqu’alors comme un simple prolongement de quelques années de la branche éclaireurs. Cette tendance sera amplifiée et quelquefois « exacerbée » après la seconde guerre mondiale.
« En 1927, plusieurs articles des revues montrent que grandit chez les E.D.F. la préoccupation d’un scoutisme pour les aînés. La région, en difficulté à ce moment-là, adopte cette tendance bien plus tard. Le premier clan y est reconnu officiellement le 21 décembre 1933 et, jusqu’en 1935, c’est le seul à recruter des routiers.
Au siège national, en 1937, Eugène Arnaud propose d’orienter la Route dans deux directions. D’une part, une grande place est donnée à l’information et à la formation sociale des routiers. Les jeunes doivent s’intéresser aux problèmes de la société et participer activement à son développement. L’autre point essentiel dans le programme est la spécialisation des activités des routiers. Le Mouvement doit offrir aux aînés la possibilité d’avoir une qualification dans un domaine particulier.(…)
Les équipes créées pour soutenir l’action E.D.F. sont de deux natures et se situent uniquement dans l’Hérault. Elles appartiennent toutes au Clan des Chênes Verts. L’équipe Théâtre, sous la direction du chef Diffre et du C.E. Brunel, doit permettre l’intensification de la propagande. (…) Les routiers se voient régulièrement puisqu’ils se réunissent deux fois par semaine, alternativement chez M. Diffre et M. Jeanjean. Les lieux de représentation de cette équipe sont situés essentiellement dans l’Hérault ou à proximité. Ce sont soit des villes où siège un groupe E.D.F. dont les effectifs sont encore peu nombreux, soit des localités E.D.F. potentielles. En fin d’année 1937, l’équipe projette d’aller jouer à Calvisson, Sommières, Béziers et Sète et souhaite également faire une intervention dans les environs de Montpellier, à Mauguio. (…)
Les autres routiers des Chênes Verts qui se préoccupent du renforcement des E.D.F. sont rassemblés dans l’équipe des unités en formation. C’est une équipe permanente, destinée à fonder et à épauler les unités régionales. Elle est créée peu avant octobre-novembre 1936 et son C.E. s’appelle P. Azéma. (…) En 1938, le travail mené par ces équipes pour développer les E.D.F. est une réussite puissue, en trois ans, le nombre de meutes a doublé et celui des troupes a triplé. Par contre, le nombre de clans reste pratiquement inchangé : s’ajoute au clan de Montpellier, longtemps isolé, celui de Nîmes et celui de Sète.
Malgré le faible nombre de clans, la région se distingue par la diversité des spécialisations. Cependant, les activités de clan restent, pour la plupart d’entre eux, un simple passe-temps qui n’aboutit pas à une réelle qualification.
Le clan du Crocodile Enchaîné de Nîmes, dont les activités commencent vers novembre 1936, se spécialise dans l’archéologie. Il réalise plusieurs sorties où il effectue des fouilles, mais son manque de connaissances sur la discipline et son effectif très réduit l’empêchent de développer sa spécialité. (…° Au sein du clan des Chênes Verts, une nouvelle équipe est constituée avant avril-mai 1937. (…) Ces jeunes se déplacent uniquement en vélo et se sont donné comme but l’analyse, par l’exploration méthodique, des caractéristiques de la région. Cette activité d’enquête de terrain est très répandue dans les spécialisations des clans et elle est même vivement conseillée. (…) Le clan de Sète (…) se divise en deux équipes qui choisissent chacune une spécialité différente, (…) l’hébertisme et les feux de camp, le scoutisme marin. Cette dernière équipe développe sa spécialité avec l’aide du Commandant Ribet du « comité marin » qu’il a constitué. Ce comité lui fournit des voiliers pour pouvoir parfaire son entraînement et lui offre la possibilité d’être dirigée par des professionnels. M. Ribert en est le président et c’est lui qui accompagne les routiers le 20 septembre 1938 lorsqu’ils reçoivent le délégué général du scoutisme marin.
Le clan marin de Sète n’est pas le plus connu de la région. Celui qui atteint une grande renommée est le Clan archéologique des Chênes Verts. De nombreux articles sur les revues font état de leurs travaux féconds et ce clan sert de modèle pour beaucoup de routiers encore hésitants sur leur spécialisation.
Le choix de ce domaine d’activité s’est fait naturellement puisque les éclaireurs ainés, avant de constituer un clan, ont consacré certaines de leurs sorties à des recherches archéologiques. E,n 1933, lorsque le clan est fondé, les jeunes prennent la décision de conserver les pièces découvertes au cours des fouilles au local, 14 rue des Étuves, afin de créer un petit musée. Trois ans plus tard, en octobre-novembre 1936, trois chefs dirigent ce clan. Le C.E. s’appelle R. Jeanjean et il est appuyé par deux conseillers techniques, M. Diffre et M. Beauquier, de la Société Préhistorique Française. (…) Ce clan réunit peu de routiers, peut-être à cause du grand nombre de rencontres qu’il organise. Il se réunit deux fois par mois pour étudier l’archéologie et classer les éléments trouvés lors des fouilles, et les sorties sur le terrain ont lieu deux ou trois fois par mois. À partir d’octobre-novembre 1937, le rythme des rencontres s’accélère puisque les routier n’ont qu’un seul dimanche par mois de libre. En plus des réunions et des sorties, un camp d’été est prévu, d’une quinzaine de jours, et parfois des explorations préparatoires au camp ont lieu pendant quelques jours en juillet.
Les fouilles effectuées par ce clan se situent dans l’Hérault, le Gard et, à partir de 1937, en Lozère. Au cours de ces fouilles, le clan découvre de nombreuses pièces qu’il met en valeur dans son musée. Ce musée est régulièrement visité par des chefs E.D.F. et par des personnes éminentes de la Société Archéologique de Montpellier et le conservateur du musée de la ville. Ces personnes s’intéressent également aux nouvelles méthodes de prospection du clan, qui utilise notamment le don de M. Diffre, radiesthésiste. Les découvertes du clan -sont énumérées dans un article de sept pages rédigé par G. Vallon, un routier spécialisé dans la reconstitution des poteries, qui paraît dans Le Routier de mars 1939. Plusieurs outils, bijoux et poteries ont été trouvés et les éléments les plus rares et les mieux conservés sont exposés dans des vitrines ou sur des étagères du musée. Le clan fait paraître également des brochures sur les fouilles entreprises ou des analyses de fouilles qui se sont révélées particulièrement intéressantes. La brochure intitulée Fontibus paraît vers 1939 et elle commente le travail effectué dans le canton de Sommières. La prospection débutée dans la région le 2 octobre 1938 permet au clan de découvrir un gisement mis à jour par de profonds labours. La clan en étudie les différents composants (un sarcophage en pierre et de très nombreux débris de poterie).
L’expérience de ce clan en fait un modèle pour les routiers intéressés par l’archéologie. Dès 1937, il aide le jeune clan de Nîmes dans ses recherches et est fréquemment donné en exemple dans les revues et dans les discours des chefs du Mouvement. Lors de l’Assemblée Générale, le 12 mars 1939, André Lefèvre, C.N., fait un rapport moral des clans. Le clan archéologique des Chênes Verts est présenté comme un vieux clan dont « les documents recueillis sont de première valeur ».
En 1939, les clans de la région sont encore peu nombreux, et la plupart n’ont pas une spécialisation poussée. Lorsque al guerre survient, cette situation connaît un revirement. Les E.D.F. créent de nouveaux clans et intensifient leurs efforts pour y appliquer les nouvelles ambitions de la Route. Les routiers prennent une place de plus en plus importante, dans le Mouvement, en y remplaçant les cadres mobilisés, et dans la société, en rendant toutes sortes de services. »