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2011 : Le colloque « terminal » de l’année du Centenaire : 4 et 10. engagement et éducation à la paix

…au service de la société

Comment les EEDF ont accompagné les « bâtisseurs de demain » dans leur engagement…

Qu’est-ce qui nous a préparés à agir ainsi ?

Ce fut une aventure humaine au long cours, loin de toute précipitation, de toute logique de loisirs qui engendre concurrence, domination, exclusion, consommation. Du temps et non de l’immédiateté, pour apprendre à vivre ensemble, parce que, souvent, le souvenir récent de destinées brisées est encore dans nos têtes. C’est au milieu des années 50, que je fis mes premiers pas au sein des EDF, au sein de groupes de la banlieue parisienne.

On ne parlait pas encore de « développement durable, éco-citoyenneté, formation tout au long de sa vie… ». Mais en fait, sans les nommer, conceptuellement, nos responsables ont ensemencé nos têtes, par des pratiques, des projets (on disait parfois « pédagogie de projet ») où toutes ces notions étaient mises en travail pour que nous puissions apprendre, dépasser nos difficultés, créer, respecter l’environnement. Comparativement avec ce qui se passait à l’école, pas de classement excluant, mais une attention portée aux personnes. Pour paraphraser le Dr Korczak, pionnier de l’éducation nouvelle en Pologne et adepte du scoutisme dès 1910 : « Il est important de trouver soi-même le sens que l’on donne aux choses et d’en déduire les « Règles de la vie ». Nos écrits, nos publications, nos appels en témoignent et très vite, on nous le fit comprendre « que l’on ne peut sacrifier les droits à l’éducation, la culture et aux loisirs, en direction de la jeunesse. Nos associations complémentaires de l’école ne peuvent être la caution d’une quelconque privatisation d’un bien public irremplaçable que nous aînés avons contribué à bâtir ».

De quelle façon s’élabore, se transmet ce travail de réflexion collective entre enfants, puis avec les adultes ? C’est un levier pour inventer un demain qui n’existe pas encore. Personne ne détient la vérité. Nous qui étions les enfants des lendemains de cette guerre effroyable, il nous paraissait vital de donner pour de bon existence à nos rêves.

Pour bon nombre d’entre nous, les EEDF ont été un lieu de construction et de partage des savoirs par des processus de création où la culture de l’imaginaire jouait un rôle important. En cela nous avons irrigué l’école. Cela est aussi inséparable de la mise en place d’instances démocratiques comme le conseil d’enfants, que l’on retrouve dans le champ des pratiques d’éducation nouvelle( cf pédagogie institutionnelle). Pour ceux et celles qui n’en avaient point l’habitude, prendre parole fut une ouverture, une incitation à l’élaboration de projets de manière démocratique, à l’exercice de droits sociaux élémentaires. C’est de cette aventure humaine que naîtra très tôt chez moi le désir d’être enseignante. De manière naturelle, à mon tour, je devais faire en sorte que mes pratiques éducatives permettent aux enfants d’exercer leur rôle de citoye(n)e dans l’espace public.

Quand vient le tour d’être « passeur », le temps des projets.

Adolescent ou jeune adulte, on ne nous a jamais dit : « tu vas transmettre à ton tour … » La force de cette formation est d’avoir intégré de manière naturelle une éthique, une vision du monde, un peu comme ces Justes qui s’engageaient pour venir en aide, prenaient des risques. Loin du conditionnement mental, nous avons appris à emprunter des chemins inhabituels où l’on se découvre capable d’acquérir des compétences nouvelles, de se construire un autre rapport au savoir.

Ça s’installe profondément, comme une musique qui nous accompagne, ne nous quitte jamais. Sur ce parcours professionnel, voici trois projets avec l’école, qui portèrent l’empreinte de cette éducation chez les EEDF :

1) Un terrain d’aventure attenant à une école à « aires ouvertes » : Activités sur le temps scolaire (De 1976 à 1979), à Suresnes, avec une classe (MS-GS) intégrant des enfants sourds et en grande difficulté psychique. Sont pratiquées des activités de plein air, construction de cabanes, de lieux de jardinage, élevage d’animaux, maîtrise du feu, réalisation d’une fresque murale sur le mur d’un pavillon qui est un local municipal de rangement et de réunion… Ce fut un lieu de construction de savoirs, d’expérimentation scientifique, de lien avec le quartier, un champ de réussite, de coopération entre tous les enfants, en particulier en direction des plus fragiles…Les enfants ont été amenés à mobiliser leurs énergies pour agir, imaginer, chercher, tâtonner, prendre des risques, comprendre et transformer leur lieu de vie scolaire. Ils ont appris à rompre les barrières entre les deux lieux éducatifs : la classe, le terrain d’aventure. Il ne pouvait y avoir d’antagonisme, mais bien articulation de projets.

C’est au cours de ce projet que je reçus le soutien de Robert Gloton, I.E.N.dans le XXème à Paris. Je l’avais connu en formation sur Paris, à l’école normale d’institutrices, puis avec le GFEN. Il écrivait : « Une école active ne peut-être pour l’enfant qu’une école du travail, non point celle d’un travail aliéné que connaissent les hommes d’aujourd’hui et qui leur fait prendre en horreur la notion même de travail, mais d’un travail qui retrouve sa valeur humaine fondamentale de réalisation de soi dans une activité productrice à caractère social, valorisante et épanouissante. »

2) Une classe verte pas comme les autres : Préparation du premier Sommet de la Terre de Rio 1992. Projet mené toute l’année 91-92 avec une classe de CP/CE1. En quoi cela concerne les enfants ?. Parce qu’ils seront les adultes de demain. Enquêtes, travail sur contes philosophiques, questionnements des élus sur les problèmes concernant l’environnement, le vivre ensemble, réalisations d’affiches, rencontres avec les associations comme la FRAPNA et enfin sur les traces des EEDF, organisation de la classeverte/camp sur le terrain des EEDF à St-Jorioz (lieu de camps de tant de jeunes !). Sur le temps de ce premier Sommet de la Terre( débats, activités découverte, jeux coopératifs, rencontres avec les élus, lecture des journaux, écriture de manifestes, articles pour le journal municipal…) 20 ans après ce projet a laissé des traces. Beaucoup de ceux qui furent enfants en 92 s’en souviennent comme un moment fort. Ils eurent l’impression de se forger une expérience unique, ancrée dans la réalité de ce monde en changement, d’avoir eu l’occasion de développer leurs capacités à chercher des solutions pour affronter et transformer des réalités locales (pollutions, disparition d’espèces…). Nous avons pris le temps de prendre en compte leurs questions, leurs étonnements, leurs raisonnements afin de développer un esprit critique par un travail coopératif « parce qu’éduquer c’est conscientiser, démystifier, rendre visible ce qui fut caché pour opprimer. » (Moacir Gadotti)

Je pris alors conscience que si je n’avais pas participé à des « expéditions alpines » en tant qu’éclaireuse ; avec les conseils avisés de Paul-Émile Victor, je n’aurais pas été en mesure d’envisager de telles « entreprises ». Il en fut de même avec Adeline Gavazzi-Eloy, de l’équipe nationale louveteaux avec qui j’avais des échanges formateurs, lors des réunions du comité de rédaction de : « Louveteaux Magazine ».  Elle disait : « C’est en regardant la réalité telle qu’elle est, avec modestie mais avec l’assurance de celui qui a eu des expériences positives que chacun peut regarder l’avenir en construisant un projet évolutif…dans le respect des valeurs humanistes universelles et à l’écoute des autres. »

3) Puiser dans le magasin des « histoires du monde », pour transmettre et former des enfants conteurs, débattre lors de moments philo à partir de contes mythologiques grecs, pour affronter les interrogations qui fondent l’esprit humain, partager nos espoirs, prendre parole sur des lieux publics… Comme nous le faisait remarquer Andrée Barniaudy-Mazeran(autre figure des EEDF), à propos de certains passages du Livre de la Jungle ; certains personnages ou situations imaginaires permettent de mettre en débat la notion de loi, de règles, de modes de participation. Il devient alors plus facile pour l’enfant, d’élaborer et de choisir ses règles de vie, d’imaginer des projets.Il devient à même de comprendre et de faire des liens avec ce qui se passe dans la société, d’imaginer des solutions possibles aux problèmes qu’il rencontre. C’est pourquoi, depuis quelques années, je me suis lancée dans l’aventure de former des enfants conteurs dès la maternelle, pour approvisionner « le magasin imaginaire » (Expression empruntée au psychiatre Lucien Bonnafé).

Nos défis exigents ont été de formidables déclencheurs de projets et pratiques émancipatrices à l’intérieur des murs de l’école. Celles-ci ont fécondé de la graîne de citoyen(n)e. Peut-on vraiment l’être si l’on n’a pas appris à oser sa parole, débattre, expérimenter, chercher pour comprendre le monde qui nous entoure, considérer l’Autre comme mon égal.

Que ce soit dans la vie professionnnelle ou à la retraite, on ne ferme jamais la porte sur le passé avec les EEDF. Comme le faisait remarquer une caissière de coopérative de mon quartier : « Voyez je ne suis pas arrivée par hasard sur ce lieu, derrière, il y a le scoutisme ! » Nous continuons de le porter au plus profond de nous-même, de donner sens , réalité à ce rêve moral de fraternité, de servir  « l’intérêt collectif en même temps que le bonheur individuel ». Comme nous nous plaisions à le chanter avec William Lemit : « Ensemble, nous avons marché… » pour accompagner les bâtisseurs de demain dans leur engagement.

Colette Charlet

Colette a été enseignante en maternelle, puis spécialisée (RASED) de 1964 à 2001

– Éclaireuse, puis aînée sur les groupes de Suresnes et Puteaux. Responsable louveteaux de 1956 à 1970. Nombreux camps à l’étranger. Membre de l’équipe de rédaction de « Louveteaux Magazine ».

– Investissement naturel dans le champ des mouvements d’éducation nouvelle à partir de l’expérience accumulée au sein des EEDF (ICEM, GFEN, Éducation à la Paix) Participation à des séminaires et forums internatioaux

– Publications régulières pour la revue Dialogue du Groupe Français d’Éducation Nouvelle (GFEN), des livres collectifs autour des pratiques d’écriture, de la pédagogie de projets, la culture de paix…

– Articles relatant les rapports entre Éducation Nouvelle et les EEDF : « Relever les défis de l’éducation nouvelle » 45 parcours d’avenir (Lien International de l’Éducation Nouvelle) Édition Chronique Sociale 2009

– Participation au Colloque avec le PAJEP, en Novembre 2010 Paris  « L’éducation nouvelle au service d’une nation à réformer entre espoirs et réalités » Actes à paraître prochainement.

– Témoignage dans le livre du Centenaire : 100 ans de laïcité dans le scoutisme et l’éducation populaire

– Articles pour des livres collectifs autour de l’éducation à la paix parus en Espagne, en Russie, en Inde, en Norvège, en Argentine, au Brésil, au CNDP

Colette nous a, depuis, donné quelques nouvelles :

« En ce moment avec un collectif d’ONGs international qui travaille en direction des jeunes pour faire entendre sa voix au Second Sommet de la Terre de Rio qui se tiendra en Juin 2012 , nous traitons des questions abordées lors de ce Colloque du Centenaire. Une journaliste est venue chez moi pour m’interviewer et produire un petit film, elle m’a observée en situation auprès des enfants durant les moments philo  et de transmission de contes et a enregistré le témoignage de mes collègues.

Elle a aussi pris des photos des archives que j’avais gardées depuis 20 ans, qui contiennent les écrits et dessins des enfants préparatoires à la classe nature/camp sur le terrain de St-Jorioz en Juin 1992 (Lors du Premier Sommet de la Terre de Rio).
Localement avec la municipalité de Cran-Gevrier où je réside, fin Mars 2012, aura lieu une journée spéciale en direction du Conseil Municipal des jeunes pour qu’ils prennent conscience du travail accompli il y a 20 ans. Je suis conviée à témoigner avec quelques anciens élèves et quelques éclés. J’y animerai des ateliers.

En Février, je pars en Pologne pour recueillir la parole des jeunes sur ce même sujet et qui sont en situation de précarité sur Varsovie. Je vais essayer de contacter les ZHP, car je sais qu’ils sont sensibles à la question de l’éducation à l’environnement. »