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2011 : Le colloque « terminal » de l’année du Centenaire : 4 et 10. engagement et éducation à la paix

 
 

C’est pour moi un honneur et un immense plaisir que de participer à la commémoration du premier centenaire du mouvement des Éclaireuses et Éclaireurs de France.

Ce colloque nous donne l’occasion de poser les  problèmes les plus urgents dans les domaines éducatifs, culturels, politiques et sociaux que soulève notre avenir commun qui devra être pluraliste ; si nous sommes appelés à  coexister en paix dans toute notre diversité. Cette diversité devra nécessairement reposer sur des idéaux démocratiques partagés de justice, de liberté, d’égalité, de solidarité, et de dignité sociale et culturelle.

Éduquer signifie au sens large: « développer ou perfectionner les qualités intellectuelles et morales de l’enfant ou du jeune au moyen de préceptes, d’exercices, d’exemples, etc. ». Par ailleurs, ce mot s’apparente étymologiquement aux mots conduire, induire, séduire, rendre docile, c’est-à-dire obliger à obéir. S’il est vrai que cette exigence entrait dans la définition de l’enseignement en ses lointaines origines, on aurait peine à concilier aujourd’hui éducation et docilité ou soumission à l’autorité ou à l’opinion d’autrui. De nos jours, éduquer signifie, doit signifier, pratiquement l’inverse, c’est-à-dire façonner le caractère et l’esprit d’un être humain, et le doter d’une autonomie suffisante pour qu’il puisse raisonner et décider le plus librement possible, en faisant abstraction des influences extérieures, des clichés et des lieux communs.

C’est grâce à elle que peut être offerte à tout individu la souveraineté personnelle, la capacité de faire lui-même ses choix. La souveraineté personnelle, la seule souveraineté qui compte.

« Connais-toi toi-même », tel était le précepte de l’oracle de Delphes que Socrate répétait à ses disciples. Dans la mesure où l’être humain a un « soi-même », une vie spirituelle qui lui est propre, il peut acquérir des goûts et parvenir à des jugements authentiques, être davantage « une personne », être plus libre.

Aujourd’hui comme vous le constatez pour le meilleur, comme pour le pire, le monde apparaît tel un espace unifié, dont l’aboutissement est la mondialisation, avec une pluralité de cultures et un pluralisme de valeurs. La conclusion d’un tel processus de maturation a suivi un long cheminement dès l’aube de la modernité, en passant par la Renaissance, puis le siècle des lumières, avec d’une part l’universalisme et d’autre part le pluralisme et la diversité des pratiques.

C’est ainsi que le citoyen éveillé de notre temps de par sa générosité, son ouverture d’esprit et sa sympathie, est sans doute, de fait un citoyen du monde.

Ce n’est donc pas un hasard, si le Scoutisme et le Guidisme sont nés au cours du XXème siècle, marqué par une crise  caractéristique de dévaluation des valeurs suprêmes dans un univers exacerbé de nationalismes, de sécularisation mais également de crise de valeurs laïques, de brutalité de l’histoire et des sociétés. Dans ce contexte, l’éducation, clé essentielle pour entreprendre un avenir de paix, a occupé une place centrale dans un monde de plus en plus fluctuant et flexible, marqué par l’influence émotionnelle et intellectuelle d’images éphémères. Dès lors quelle éducation faudrait-il préconiser pour ce nouveau citoyen ?

Certainement l’éducation pour la paix !

Parmi les éducateurs qui ont admis l’égale dignité des cultures et leur indispensable respect, figure Robert Baden Powell qui a conféré une valeur ajoutée  à l’éducation à la paix, par sa mise en pratique. Cette éducation  englobe l’éducation à la multiculturalité, l’éducation aux valeurs et l’éducation civique, entre autres.  Elle exige une réforme des mentalités totalement absente de nos enseignements ou de nos actions éducatives. Pourtant, elle demeure vitale pour la compréhension mutuelle car permettant que les relations humaines sortent de leur état  barbare d’incompréhension,  en leur extirpant les racines du racisme, de la xénophobie ou du mépris culturel. Néanmoins, pour faire face aux défis du XXIème siècle de cultures hybrides, une éducation à la multiculturalité semble essentielle dans un univers façonné par de vastes migrations de population, une imbrication ethnique, linguistique et religieuse continue.

Dès lors, ne devrions pas  promouvoir un fonds commun de valeurs et définir des objectifs partagés par tous dans les programmes destinés aux enfants et  aux jeunes. Un consensus préalable est cependant nécessaire pour définir les principes  d’une éthique globale de la compréhension planétaire  établissant des normes de comportement pour les individus et pour les groupes :

– pour que l’on inculque aux enfants et aux jeunes le sens de l’ouverture et de la compréhension à l’égard des autres peuples, de leurs cultures et de leurs histoires différentes, et de leur sentiment d’appartenance fondamentale à notre commune humanité;

– pour qu’on leur apprenne combien il est important de refuser la violence et

d’employer des moyens pacifiques pour résoudre les désaccords et les conflits;

– pour que l’on inculque aux jeunes générations des sentiments de l’altruisme, de

l’ouverture aux autres et du respect d’autrui, de la solidarité et du partage fondé sur la confiance en sa propre identité et sur la capacité de son appartenance à l’espèce humaine dans différents contextes culturels et sociaux.

Nécessité d’engagement au service des valeurs

*Tous ces programmes éducatifs devraient se fonder sur des principes écologiques fondamentaux, préalable d’un comportement individuel et collectif, car les interactions continues entre les facteurs biologiques et culturels sont décisives pour la santé humaine et pour  assumer une communauté de destin planétaire.

Les objectifs précités pourraient être définis comme suit :

-Identification des bases éthiques globales (apprendre à être, apprendre à vivre, à partager, à communiquer, à communier en tant que Citoyen du monde ou de la terre);

-Détermination d’un but commun de la gestion des ressources naturelles et de l’organisation sociale ;

-Création de symboles et d’images de convivialité qui ouvrirait un nouvel espace culturel à l’essor des arts, du patrimoine culturel et naturel et de la créativité collective ;

-Promotion de la créativité des enfants et des jeunes en vue de la conception d’une culture globale, qu’ils pourraient aider à façonner en leur qualité de Citoyens du monde et pour les générations du futur.

Comment apprendre à vivre ensemble en paix.

Dans les régions aux prises avec la difficile coexistence des communautés de pluralisme philosophique et spirituel ou d’ethnies différentes, le défi d’apprendre à vivre ensemble est un combat incessant pour la paix. Seule l’éducation permettrait à chacun de mieux se connaître et de se développer.

Dans ce cadre précis, le mouvement EEDF peut aider les jeunes et les enfants à s’investir dans une action incessante pour la paix et à participer à la lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté.

L’engagement des jeunes vis-à-vis du respect de l’environnement culturel, de la diversité humaine et des liens entre l’éducation à la paix et à l’interculturel mériterait d’être proclamé dans une déclaration à l’usage des jeunes et  matérialisé par un badge ou un diplôme.

Il demeure essentiel de savoir comment former demain des êtres qui soient effectivement des citoyens du monde à part entière. Je participe, donc j’existe; si je ne participe pas comme citoyen à la vie de ma collectivité, je n’existe pas. Et pour exister, pour exercer mes capacités de citoyen du monde, je dois avoir accès à la connaissance. Eduquer, ce n’est pas seulement inculquer du savoir; c’est éveiller ce potentiel énorme de création que chacun d’entre nous recèle, pour lui permettre de s’épanouir et de mieux contribuer à la vie en société.

Peut-être, est -ce dans la construction de la paix que l’éducation trouve son rôle premier, sa justification la plus immédiate et la plus haute. C’est par elle, en effet, que l’enfant apprend à connaître l’autre, à ne pas le haïr, à l’apprécier. C’est par elle, que prennent forme dans l’esprit de l’enfant, les valeurs qui guideront toute sa vie future. C’est par elle, que se précisent et s’acquièrent chez l’enfant les comportements qui seront ceux de l’adulte et détermineront son parcours individuel et social.  Vous qui assurez dans le mouvement EEDF la formation de ces jeunes esprits, attachez-vous à mettre l’accent – dans les programmes d’activités,   sur la connaissance et l’acceptation de la différence, sur les valeurs de tolérance et d’ouverture, sur les comportements de modération, de mesure et de raison qui, s’ils sont intégrés à la formation de nos jeunes, garantiront un avenir paisible. Votre mission à cet égard est déterminante, car vous avez affaire à l’adolescence, âge merveilleux et terrible où tout paraît possible, où la réflexion se développe, où le désarroi fait des ravages, mais où la générosité s’élève. Quel meilleur terreau où planter les semences de la paix ? Enseigner la compréhension, la conscience d’être solidaires, n’est ce pas une des finalités de l’éducation non formelle.

Obstacles à la diversité culturelle et au vivre ensemble

Plusieurs obstacles pourraient jalonner son chemin : la violence, l’intolérance, les préjugés, le racisme, la xénophobie, la mauvaise transmission de l’information, le malentendu ou le non entendu.

– incompréhension des valeurs impératives : non respect des anciens, des usages, des croyances, de certaines valeurs telles que l’ignorance des rites et des coutumes d’antan.

– incompréhension des valeurs éthiques, vision différente du monde, (égocentrisme, ethnocentrisme ou sociocentrisme).

Objectifs stratégiques

Le mouvement EEDF souhaitera t-il définir des objectifs stratégiques et encourager l’adoption de méthodes nouvelles pour améliorer la qualité de l’éducation à la paix : les actions envisagées  pour promouvoir cette éducation devraient tendre vers un juste équilibre entre les résultats et les contenus et s’inscrire dans une optique holistique à travers :

– l’éducation aux valeurs et l’éducation civique aux fins du respect des droits de l’Homme et de la démocratie, de la paix, des valeurs universellement partagées comme la citoyenneté, la tolérance, la solidarité, la non-violence, la participation, et la compréhension interculturelle

–  la coopération avec d’autres associations, pour des rencontres ou des chantiers de développement communautaire dans le cadre de dialogue fécond de cultures et de civilisations ;

l’introduction de programmes novateurs en fonction des spécificités régionales et des besoins socioculturels ;

l’augmentation des capacités de renouvellement des programmes et  révision de la structure, des méthodes et du contenu du système éducatif du mouvement ;

l’élaboration de manuels servant de guide pour les enfants, les jeunes et les adultes du mouvement ;

l’amélioration des ressources humaines et matérielles ;

– et l’organisation de réunions périodiques d’évaluation et des sessions de formation pour les responsables.

Dans la perspective de vos réflexions, j’ai voulu également insister sur l’importance de l’éducation à la paix et à l’interculturalité face aux multiples liens entre cette mission et les changements de toute nature – politiques, économiques, sociales, démographiques, écologiques- qui s’opèrent à l’échelle du monde et qui impactent l’avenir des enfants, des jeunes et des générations futures. De leur capacité de discernement, à l’abri des influences extérieures; de leur créativité; de leur volonté d’agir à contre-courant des intérêts à court terme , naîtra sans doute la personne responsable, autonome, engagée et solidaire. Elle dépendra de leur capacité à être, à connaître, à partager, à se révolter et à ne pas accepter l’inacceptable, à défendre toujours leur vie, à ne jamais utiliser la force – et c’est à tous les éducateurs que nous sommes,  qu’il incombe de dispenser l’éducation à la paix préparant à un avenir moins inégalitaire et  plus humain.

Il ne saurait y avoir d’apprentissage pour l’avenir sans éducation pour l’avenir. Et il nous faut pour cela être les vigies, les sentinelles de l’aube du Deuxième centenaire du scoutisme. Comme il y a de cela un siècle, du temps de Nicolas Benoit, de Georges Bertier, du Pasteur Georges Gallienne etc., il nous faut continuer à  éduquer par l’exemple.

Merci beaucoup.

Malick M’Baye

Malick M’Baye est entré aux E.D.F. à la rentrée scolaire 1956-1957 au Sénégal. Successivement Chef de meute, Commissaire régional, Commissaire national puis Instructeur international, breveté de Cappy et de Giilwell. A milité à Toulouse dans l’équipe régionale louveteaux et a participé à l’encadrement de Camps-école. Membre de l’AAEE à ses débuts dans le Sud-Ouest, avec Paul Mérimée, Georges Berducou, Ariane Siart,… Récipiendaire du Loup de Bronze, en 1999.
De 1978 à 1983, ancien assistant à l’Université de Toulouse II et chercheur au CNRS. De mai 1983 à juin 2011, fonctionnaire international, spécialiste des programmes jeunesse, culture et  développement ; secrétaire général honoraire auprès de la Direction générale de l’UNESCO.