Les manifestations, qui ont pour but de marquer le 25e anniversaire des Éclaireurs de France et des Éclaireurs Unionistes (apparemment les Éclaireurs Français sont oubliés), se déroulent sur deux journées, les 12 et 13 décembre 1936. Les S.D.F. sont invités.
Le 12 décembre, B.P. et Lady B.P. arrivent en train gare du Nord, où ils sont accueillis par des responsables nationaux des deux fédérations. Quelques passages très officiels avec, à l’Élysée, la remise par le président de la République de la plaque de grand officier de la Légion d’Honneur à Lady B.P. puis la remise par B.P. du Loup d’Argent du scoutisme à André Lefèvre…
Le dimanche 13 décembre, « Par les rues avoisinant le parc des Expositions défilent meutes et troupes, garçons et filles, routiers et chefs. Les formidables halles de la foire sont immédiatement envahies. Vers 14 heures, Baden-Powell reçoit les ovations assourdissantes des garçons… À 16 heures, Lady B.P. et son mari prennent place à la tribune. Ils dominent la foule de 25000 enfants et chefs représentant tout le scoutisme français. »
Malheureusement, cette grande manifestation se trouve, ensuite, quelque peu récupérée par le scoutisme catholique, pourtant plus récent : « Le lendemain, les Scouts de France ne mirent aucune discrétion à s’afficher. Un des journaux les plus lus de l’époque, le Petit Parisien, publiait sous le titre “ 25000 scouts ont acclamé à Paris le créateur du scoutisme Lord Baden-Powell ” une photographie de la tribune à cette manifestation, photo à deux personnages : en haut Baden-Powell prononçant un discours, en dessous et un peu à droite, l’aumônier général des Scouts de France. Finalement la presse et la radio firent, de la venue de Baden-Powell au 25e anniversaire du scoutisme en France, une visite du fondateur du scoutisme mondial au scoutisme catholique français qui n’avait pourtant rien préparé. »
Autre secousse à l’occasion de la manifestation à la Sorbonne en présence de Marc Rucart, ministre de la Justice, dont un fils était aux E.U., et de Jean Zay, ministre de l’éducation nationale, qui, tous deux, ont été appelés à prendre la parole pour dire beaucoup de bien du scoutisme dans les circonstances de l’époque. Lesquelles circonstances sont, il faut le rappeler, celles du « Front Populaire », qui va être marqué par de profondes réformes sociales. Léo Lagrange, secrétaire d’État aux Loisirs, bien qu’ancien E.D.F. et responsable de troupe au Lycée Henri IV de Paris, n’y participe pas car le scoutisme est toujours rattaché à l’Éducation Nationale (après l’avoir été à celui de la Guerre).
Mais… « Cette soirée de la Sorbonne n’intéressait pas les Scouts de France au même titre que les autres manifestations. Ils ne pouvaient y prendre la première place et, en plus, elle heurtait la plus grande partie d’entre eux, sentimentalement et politiquement très loin du Front Populaire. Cet éloignement devait se traduire par des incidents regrettables dans la salle de la Sorbonne. Des ricanements et des coups de sifflets avaient accueilli par ci, par là, les ministres et certaines de leurs paroles. Bien que des applaudissements chaleureux et prolongés aient largement compensé le caractère désagréable de ces incidents, les Éclaireurs de France pensèrent devoir, dès le lendemain, adresser des excuses aux ministres. Et la rédaction de ces excuses était particulièrement difficile en ce qu’elles soulignaient un désaccord au sein du scoutisme français. »
Et pourtant le discours de Jean Zay, dont le livre des deux Pierre donne quelques extraits, traite du scoutisme dans l’intégralité de son rôle éducatif : le scoutisme et l’école, le scoutisme et la compréhension de l’âme de l’enfant, le scoutisme et les loisirs, le scoutisme et l’éducation physique, le scoutisme et la paix… Dans son éditorial de décembre 1936, André Lefèvre souligne que ce discours a « apporté à Baden-Powell et au scoutisme un témoignage d’une portée incalculable ». On peut voir dans cette manifestation et ces incidents le début d’une nouvelle étape du Mouvement.