La « table ronde » : les interventions de « témoins » :
« Pour moi, tout commence par le nécessaire apprentissage de l’autonomie »
Denis Maljean
Il n’est pas aisé de prendre la parole après l’intervention d’Yvon Bastide qui nous témoignait de l’engagement citoyen « sans limites » de nos aînés durant l’Occupation…
Tout d’abord : qui suis-je ?
Denis Malean, 30 ans, archéologue : je viens de terminer, une charge de cours à l’Université François Rabelais de Tours. Conseiller municipal de Loches (Sous-préfecture d’Indre-et-Loire, 7 000 habitants) et ancien Responsable régional Centre des EEDF de novembre 2005 à nov.2009 élu à pour la première fois à 23 ans.
Lorsque l’on m’a demandé de venir apporter mon témoignage, je ne souhaitais pas simplement venir vous parler de mon « parcours », ni vous l’exposer, ni d’ailleurs, en rechercher les raisons, mais plutôt comprendre ce qui a permis cet « engagement citoyen ».
Qu’est-ce que la Citoyenneté ?
« La Cité (latin civitas) est un mot désignant, dans l’Antiquité avant la création des États, un groupe d’hommes sédentarisés libres, pouvant avoir des esclaves, constituant une société politique, indépendante des autres, ayant son gouvernement, ses lois, sa religion et ses propres mœurs. »
« La Citoyenneté est le fait pour une personne, pour une famille ou pour un groupe, d’être reconnu comme membre d’une Cité (aujourd’hui d’un État) nourrissant un projet commun auquel ils souhaitent prendre une part active. »
Merci Wikipédia ! Pour 10 minutes d’intervention, c’est suffisant !
Vous en conviendrez : nos associations (loi 1901) sont de « petites cités », nos communes et collectivités territoriales sont des cités, etc.….Ces exemples de cités sont aussi multiformes que les engagements que nous pourrions y prendre et que les formes démocratiques qui s’y expriment.
Pour moi, tout commence par le nécessaire « apprentissage de l’autonomie »
Je reviens donc sur quelques étapes, quelques moments-clés, brièvement résumés.
– 1989 : début des activités chez les louveteaux (8/11 ans) du « Groupe local EEDF » de Loches.
C’est la découverte de la vie en collectivité, c’est aussi l’apprentissage du choix et du respect de « Règles de vie », votées par le groupe d’enfants.
– Etés 1993, 94, 95, 96 : les camps Eclés (11/15 ans) et leurs inoubliables « explos ».
L’explo est une activité de quelques jours en autonomie, sans adulte donc, à condition qu’elle soit d’une part inscrite dans le projet éducatif associatif et d’autre part complétée d’une autorisation parentale et surtout d’une bonne préparation du projet par les jeunes, en complète confiance avec l’équipe de responsables d’animation. Par la gestion de cette activité en autonomie, en petites équipes de 6 à 8 (l’ « équipage »), les jeunes choisissent leur projet, leurs responsabilités et élisent leur « coordinateur ».
L’explo et l’équipage sont une forme de « cité élémentaire » où chaque problème, chaque compétence a un responsable ou un référent formé à régler la question posée.
Ces inoubliables expériences de vie collective sont décisives dans la construction d’un individu libre. Ce modèle de « Cité idéale » est, je pense, reproductible à diverses échelles, en fonction du degré d’autonomie que l’on acquiert ou que l’on vous accorde…
– printemps 2002… 2008 : les formations BAFA (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur obtenu à la suite de trois stages : le premier de formation générale, le second de formation pratique et le troisième de perfectionnement ou qualification.
Je suis de ceux qui considèrent aujourd’hui l’inscription de jeunes adultes en formation BAFA un peu comme une nouvelle forme de rite de passage à l’âge adulte où, en l’espace de quelques jours de formation, se pose une nécessaire et profonde prise de recul sur soi, sur ses motivations, sur ses engagements naissants ou en devenir.
Apprendre à de jeunes animateurs à devenir autonomes et à s’organiser dans l’accueil d’enfants ou de jeunes, leur transmettre des « billes » pour faire vivre aussi, à ces mêmes enfants ou jeunes, des temps démocratiques – Conseils, Règles de vie – n’a jamais été anodin…
– Novembre 2005… Novembre 2009 : mon mandat de Responsable régional EEDF.
Le moins que l’on puisse en dire, c’est que ce fut une expérience intéressante et formatrice, très certainement liée à l’apparente complexité de l’organisation de notre association unique de près de 30 000 adhérents : une Assemblée générale souveraine avec des délégués des territoires élus et représentants de droit, un Comité directeur élu, une Equipe nationale permanente, un Conseil national consultatif…
Mais revenons plutôt à la problématique posée : qu’est-ce qui m’a permis cet « engagement citoyen », d’abord au service des EEDF, puis au service de la Collectivité ?
Je pense vraiment que rien n’aurait été possible sans cet apprentissage continu de l’autonomie que je viens d’évoquer : qu’il s’agisse d’une autonomie intellectuelle (comprendre, faire des choix, prendre des décisions, les exprimer…), mais aussi d’une autonomie matérielle (savoir se prendre en charge dans la vie de tous les jours, s’organiser…), voire financière.
C’est dans la période de transition, de près d’un an et demi, entre la fin de mes études et l’entrée dans le monde du travail, bénéficiant du RMI (car ne souhaitant plus dépendre de la solidarité familiale), que mes engagements ont été les plus prenants, prenants en temps, mais j’avais le temps ! Bénéficiaire d’un « minimum social », je retrouvais ainsi une utilité sociale à mon inactivité professionnelle (que je n’avais pas choisie) au service des enfants et des jeunes, pour des loisirs et des vacances intelligents, à travers l’Éducation populaire, puis au service d’un plus grand nombre…
– Hiver 2007/2008… Octobre 2011 : projet municipal et tout récent mandat de Conseiller municipal.
C »est à la fin de cette période que je suis devenu directeur de campagne de Monsieur BEFFARA, l’un des Vice-présidents de l’Assemblée qui nous accueille aujourd’hui, à l’occasion des élections municipales de 2008.
Après les élections de 2002 (Le Pen au second tour), puis de 2007 qui ont inauguré une période de méfiance envers la jeunesse et une fragilisation du monde de l’Éducation et pas seulement de l’École, je souhaitais donc aller plus loin, être acteur de ma ville, mais plus uniquement au service de ses jeunes.
Il s’agissait, en fait, d’élargir la méthode du projet d’activité ou du projet associatif, pour un « projet pour tous ».
Nous avons malheureusement perdu ces élections. Je siège depuis quelques mois au Conseil municipal de Loches dans les rangs de l’opposition. C’est parfois un peu ingrat : préparer, exposer des contre-propositions qui ne seront jamais acceptées ni votées.
C’est aussi un peu difficile pour le groupe local EEDF qui a tant contribué à ma formation citoyenne et qui se retrouve contraint de déménager à chaque début de nouveau mandat du maire actuel, ses locaux mis à disposition par la commune ayant été vendus.
C’est pour cette raison que, bien que toujours actif en tant que « Responsable d’animation », je ne participe pas à l‘ « Equipe de groupe ».
Et dans cet engagement, quelle est la motivation ?
Peut-on être désintéressé quand on se met au service d’autrui ?
Très sincèrement, je ne le pense pas. J’ai certainement, comme vous ici, des difficultés à exprimer les raisons de ma motivation, mais ce dont je suis sûr, c’est que nous y trouvons tous un intérêt.
Il n’est pas nécessairement vénal. Je tiens d’ailleurs à préciser que je n’ai jamais bénéficié d’aucune indemnité pour aucun de mes mandats associatifs ou électoral. Je n’y suis pas non plus opposé.
Il n’est pas anormal quand on donne de son temps, parfois beaucoup, que l’on n’y perde pas d’argent…
Ce qui est certain c’est qu’un engagement citoyen peut être valorisant, parfois auprès des autres, mais surtout pour soi-même.
Ma conclusion portera sur l’ « ambition pour l’avenir »
Faciliter l’autonomie des jeunes, c’est favoriser leur engagement citoyen.
Je connais les pistes de réflexions engagées chez les EEDF (et ailleurs ! au sujet du bénévolat, de sa valorisation Ne les abandonnez pas.
J’ai toujours détesté que certains caricaturent le débat autour de la question de l’ « allocation d’autonomie des jeunes »… Une des clefs de l’engagement, l’un des défis de demain, réside dans le temps libre, dans le temps libre disponible.
Je vous remercie de votre écoute.
« Cette école de la citoyenneté des EEDF m’a permis l’apprentissage de la société et de l’autonomie »
Bernard Pascaud
Mon engagement aux « éclés » date de cinq décennies. J’ai effectivement été « louveteau », «éclaireur », « routier », « responsable de la branche éclaireur », parent, puis quelques années plus tard « responsable de groupe » et enfin trésorier régional. Au gré des déménagements j’ai ainsi connu les EEDF en Aquitaine, dans le Nord et en région Centre.
Cet engagement dans un mouvement d’éducation populaire se poursuit aujourd’hui au sein de la Ligue de l’Enseignement comme Président de la Fédération d’Indre et Loire.
L’ « éducation à la Citoyenneté » constitue un point commun même si les formes d’intervention peuvent être différentes. Cette « école de la Citoyenneté » des EEDF m’a permis l’apprentissage de la société et de l’autonomie. Ces acquis sont permanents et m’ont été utiles tout au long de ma vie professionnelle.
La préoccupation du « Vivre ensemble » est, bien sur, toujours d’actualité.
Au delà des éclats médiatiques, les collectivités souvent démunies se tournent vers les mouvements d’éducation populaire. Notre fédération est très sollicitée pour intervenir sur la laïcité, la diversité, et la citoyenneté auprès des éducateurs et animateurs.
Il me semble que le groupe local EEDF peut répondre de façon complémentaire à cette attente car il agit directement auprès des jeunes avec un projet global d’éducation à la citoyenneté fondé sur les mêmes valeurs. Mais les EEDF ne peuvent agir seuls. Ils doivent rechercher des synergies parmi les autres mouvements laïques. Même si elles sont peu développées aujourd’hui. Aussi il me parait intéressant d’étudier avec la région EEDF Centre les conditions de création d’un groupe local en Indre et Loire en s’appuyant sur la structure fédérale de la Ligue de l’Enseignement.
Merci à vous et aux organisateurs de cette manifestation
«Je me suis construite grâce aux valeurs défendues par notre Association, mais également par le sentiment d’appartenance qui se dégage de nos rassemblements »
Céline Werry
Je suis aux « éclés » depuis l’année 2000, principalement au sein du Service Vacances d’Orléans.
A l’époque, j’étais en études supérieures de comptabilité et pour financer mes études je me suis dirigée vers l’encadrement de séjours pour des personnes ayant un handicap.
N’ayant pas le BAFA, le service m’a proposé de travailler avec des adultes durant trois semaines. Cette expérience fût pour moi une révélation, la rencontre avec le public, la vie au grand air…
Par la suite, j’ai refais un séjour en tant qu’animatrice, puis j’ai eu l’opportunité de me former afin de devenir directrice de séjour.
A partir de 2003, mes études étant achevées, j’ai encadré des séjours sur toutes les saisons et me suis spécialisée sur les séjours à l’étranger (Espagne, Italie, Pérou…).
J’ai été, durant quatre années, responsable du « Collectif vacances ». Il s’agit d’un groupe de directeurs, d’animateurs qui souhaitent s’investir tout au long de l’année pour encadrer des week-end de formation, créer ou faire évoluer des outils, participer aux événements de l’Association…
Ces expériences ont confirmé mon souhait de travailler avec ce public sur le long terme. Par la suite et grâce à mon parcours au sein des EEDF, j’ai pu intégrer une équipe pluri professionnelle en charge d’adultes handicapés mentaux au sein d’un « Foyer d’Accueil Médicalisé » durant cinq ans puis au sein d’un « Foyer de Vie » avec de jeunes adultes.
Depuis j’ai obtenu, par VAE, mon diplôme d’ « Aide Médico Psychologique » afin de pouvoir être reconnue professionnellement.
De nature plutôt curieuse, j’ai voulu découvrir l’Association dans sa globalité. J’ai donc participé à la création et à la mise en place du groupe de Châteauneuf sur Loire en tant que trésorière.
J’ai également participé à une session de formation de formateurs et par la suite encadré des stages de perfectionnement BAFA au sein des CEMEA.
Le service nous proposant régulièrement de nous investir sur des « temps politiques » de l’Association, j’ai été à plusieurs reprises élue déléguée à l’AG et y ait donc participé.
J’ai également participé à des temps de regroupements comme « Créa-Cœur », des « week-end familles », « Dimbali » et dernièrement j’ai fais partie de l’équipe d’intendance sur le « Rassemblement Centenaire » de Nantes.
Si je me suis construite au sein des éclés, c’est certainement avec les valeurs défendues par notre Association, mais également grâce au sentiment d’appartenance que j’ai pu ressentir lors des rassemblements.
Ces différentes expériences m’ont permis d’évoluer, de prendre des responsabilités au sein des Eclés, de m’épanouir et de trouver ma voie…
« Aujourd’hui, la solidarité et l’écocitoyenneté sont, pour moi, les valeurs les plus importantes à transmettre »
Paul Buvril
Je connaissais les valeurs « éclé » avant de faire partie de l’association même si ce n’était pas sous le même nom et que je ne les appliquais pas forcément. Maintenant non seulement je les connais mais je les applique, les défends et les transmets car elles sont, d’une part, essentielles à la vie en communauté mais, également, nécessaires dans la société actuelle où tout le monde se soucie plus de sa personne que des autres et de sa planète.
En effet aujourd’hui la solidarité et l’écocitoyenneté sont, pour moi, les valeurs les plus importantes à transmettre au gens, car sans l’une ni l’autre nous n’irons pas bien loin.
L’engagement personnel est également important car c’est ce qui fait vivre l’association .Je suis entré dans l’équipe régionale car je trouvais l’aventure intéressante. Je fais également partie d’autres associations appliquant les même valeurs que les « éclés », comme un conseil au sein de mon lycée et une autre association d’art de rue.
Ainsi j’espère pouvoir construire des projets, faire activement partie de la vie au sein des EEDF, et pourquoi pas, un jour aller plus loin. Quand je suis entré aux « éclés », je ne savais pas trop ou je mettais les pieds.
Aujourd’hui je regarde derrière moi et je vois ces cinq années passées au sein d’une association que j’ai appris a aimer, une association qui bouge , ou j’ai rencontré beaucoup de gens , ou j’ai eu beaucoup de rires, des pleurs aussi, des moment de joie, des moments de peine, une association qui ma énormément apporté, grâce a laquelle j’ai vu et vécu énormément de choses. Je remercie aujourd’hui toutes les personnes, et plus particulièrement Maxence Gardant et Nicolas Martin, qui m’ont permis de vivre cette merveilleuse aventure que sont les « éclés ».
« C’est quand on arrive à certaines choses précises qu’on se rend compte du lien qui nous unit »
Joséphine
Étudiante en « Classes Préparatoires » n’a pu être présente aux « Rencontres d’Orléans ». Sa réflexion sur l’engagement aux éclés a été lue au cours de la « Table ronde ».
Dans notre « Equipe de Respons », nous avons vu éclore le beau texte que je vais vous lire, plein de fraîcheur et tellement vrai.
C’est pour cela que nous nous impliquons dans une association pour les jeunes, et encore plus parce que c’est les « éclés ».
« Jo » verbalise ce qui court dans nos cœurs, met des mots sur nos émotions. Ce qui suit est un message aux éclés et aux ainés !
Gardez cela bien en vous !…. Peut être serez vous « respons » un jour !
Joséphine : les pensées, le soir, dans mon lit………
Je voulais vous faire part de réflexions que j’ai eu cette semaine quand je n’arrivais pas à dormir…
En fait je pensais aux « ainés », et je me demandais pourquoi j’aimais l’animation et surtout l’animation aux « Eclés », et voilà ce que je me disais :
L’animation aux « éclés » quand j’étais plus jeune ça ne m’intéressait pas spécialement, je me demandais comment on pouvait vouloir « travailler » alors qu’on n’était pas payé et que c’était quand même difficile.
Et puis maintenant je comprends pourquoi on peut aimer ça. En fait l’animation c’est déjà pouvoir rester enfant quelque part dans sa tête, tout en étant adulte. Et oui, j’aime encore faire « des tomates » ou « des poule-renard-vipère » et des cabanes, tout en devant gérer la sécurité et surtout le bien-être et l’épanouissement des jeunes.
Puisque c’est d’abord ça ! On ne sait pas pourquoi, mais le fait de voir les sourires, les rires, les réflexions des uns et des autres, c’est génial et encore plus quand on se dit que c’est en partie grâce à nous. C’est ce que dit tout le monde, mais c’est vraiment une émotion incroyable, et même quand les jeunes s’engueulent ou peinent à faire quelque chose on se dit simplement qu’ils grandissent et c’est super.
Et le top du top c’est encore quand on est aux « éclés » ou dans le scoutisme en général ! Le fait de se connaître, depuis plusieurs années souvent, crée des liens incroyables et on se sent simplement chez soi, dans une sorte de famille.
Au delà des considérations générales, c’est quand on arrive à certaines choses précises qu’on se rend compte de la force de ce lien : s’envoyer des messages avec un jeune simplement comme ça, l’accompagner à l’hôpital, le voir rire à ses blagues, le consoler quand il ne va pas bien, le voir éprouver les mêmes problèmes que nous quand on avait son âge, se dire que c’est dommage qu’il n’ait pas encore l’âge pour « monter », les voir dans le même lycée que soi et imaginer leur vie en dehors des « éclés »… C’est ça qui me plaît et c’est à tout ça que je pense quand je pense aux « éclés ».
Avec qui est-ce que je mangerais des sauterelles sinon ? Et pourrais faire des tables en « froissartage » ? Et garder ma part d’enfant ou d’ado ?
Je vous le demande! Mais moi je ne sais pas et de toutes façons, j’ai les « éclés de St Flo ».
Donc je n’ai besoin de personne d’autre pour le faire !
« On m’a fait confiance.
Devant cette confiance accordée, j’ai tout fait pour en être digne »
François Daubin
Henri Pierre, que je dois remercier pour cette initiative qui nous permet de replonger dans l’histoire de notre Mouvement et aussi de retrouver de nombreux amis, m’a demandé un témoignage sur le rôle des EEDF dans mon engagement citoyen.
Aujourd’hui, après avoir milité plus de vingt ans chez les EEDF, comme « responsable » puis au final comme « Délégué général », j’assume dans mon village les fonctions de Maire et de premier Vice-président d’une Communauté de communes. Je participe aussi activement à la vie d’une association qui œuvre dans le domaine du handicap avec l’idée que la vie associative est un moteur pour faire avancer les idées, les projets, les équipes.
Une dernière action, celle dont je suis probablement le plus fier, consiste à mettre en place des activités internationales pour les jeunes de ma commune.
Quand interrogeant le passé je tente de percevoir ce qui m’a donné ce sens de l’engagement dans la vie citoyenne plusieurs faits majeurs ont sûrement servi de déclencheur.
Le premier, j’avais vingt ans et j’étais jeune responsable dans mon département d’Eure et loir. Il faut organiser le camp d’été. Vous avez vingt ans et voilà que l’on vous fait confiance pour mener à bien une opération qui est d’envergure. Et ce n’est pas une mince responsabilité ! Il faut mettre en place une organisation, il y a un projet financier à tenir, une équipe à animer, à mener, coordonner, diriger. Il faut prévoir les activités, la sécurité des jeunes, animer. Mais on m’a fait confiance. D’ailleurs devant cette confiance accordée, j’ai tout fait pour en être digne.
Ce mouvement capable d’accorder sa confiance à des jeunes et il le fait à tout niveau à été pour moi la clé d’un engagement plus important. Cette confiance ressentie, me rappelait aussi l’éducation familiale. Mes parents, mon père en particulier avaient beaucoup utilisé ce qui est pour moi un principe éducatif et j’en ai pris conscience dans cette période.
Elle vous permet de prendre confiance en vous d’aller plus loin. Je dois dire aussi que j’ai été soutenu par tous.
Notre mouvement doit rester ce lieu des « possibles », dans un cadre sécurisant, où l’on peut tenter, où l’on peut s’essayer.
Le second fait marquant est la rencontre avec des hommes et des femmes passionnants.
Emile Gagnon, Pierre François, Claire Mollet et d’autres encore, par leur rayonnement, m’ont beaucoup apporté. J’ai beaucoup travaillé avec Émile qui m’a certainement servi de « modèle », de référent.
Je discutais, il y a peu, avec un ami, engagé dans la vie municipale d’une petite ville, ancien dirigeant d’une grande entreprise.
Dans sa jeunesse, il avait été « jeune éclaireur », puis « responsable ». Il me disait : « Ce que je suis devenu, je le dois à quatre ou cinq éléments et dans ceux-ci il y a la rencontre avec Pierre Bonnet qui fut mon instituteur et mon « chef de troupe ». Ce sont des choses qui marquent et qui comptent dans une formation d’homme. »
Comme lui, j’ai été marqué par ces rencontres avec des personnages rayonnants.
Notre Mouvement défend aussi des valeurs qui confrontées aux miennes naissantes les ont confortées. Les plaquettes comme celle de « Jeunesse engagée » nous ont aussi aidées à affirmer nos convictions.
Notre Mouvement n’est grand que s’il agit dans un cadre de valeurs humanistes. Et toute la pédagogie du Mouvement, son organisation en petites unités où chacun trouve sa place et prend des responsabilités, nous donne les moyens de devenir acteurs dans la société. J’ai probablement acquis dans le mouvement de nombreux outils utiles, des compétences dans des domaines très variés comme l’animation d’équipe, l’écoute, le sens du projet et même les finances.
Un dernier point a, je le pense, joué un rôle important dans ce que je suis devenu. C’est ma rencontre, ma confrontation avec l’ « International ». Émile, novateur sur beaucoup de sujets, avait lancé « les caravanes sans frontières ». Il s’agissait dans les années soixante de permettre à des jeunes de se « confronter avec la réalité et le monde ».
Notre Mouvement a toujours été ouvert sur ces projets internationaux devenant un formidable outil pédagogique. Ces séjours, ces stages, ces rencontres par un effet miroir forgent aussi votre personnalité.
De cette période je garde encore de nombreux contacts et j’en parlais au début de cette courte intervention, ils m’ont permis dans ma commune de réaliser de nombreux projets en particulier avec la Pologne. Au moins un jeune sur deux de ma commune a pu découvrir CRACOVIE, BUKOWINA, AUSCHWITZ. Je participe encore à l’encadrement de ces activités.
Je dois aussi mon engagement dans le monde du handicap aux « éclés ».
Ce Mouvement a toujours été pionnier en ce domaine. Dans la salle je reconnais Monique Gillet. Avec elle nous avons organisé un des premiers séjours d’handicapés mentaux en Italie, il y a maintenant presque quarante ans. Je me souviens encore de leur retour dans la Permanence EEDF d’Orléans. Leur expérience permettait l’échange avec de jeunes ados partis dans le même pays où ils avaient été perçus d’abord comme étrangers avant d’être considérés comme porteurs d’un handicap.
Voilà brièvement ce que le mouvement des Éclaireuses et Éclaireurs de France m’a apporté.
Mon engagement actuel lui doit beaucoup.
« J’y ai appris à mettre en œuvre ce que l’on appelle aujourd’hui la « Cohésion sociale »
Jean-Pierre Roger
Bonjour,
Ce que je vais vous dire, c’est pratiquement la même chose que ce que vient de nous dire François Daubin, mais autrement, avec d’autres mots.
Tout a commencé alors que j’avais 10-11 ans, en écoutant les copines et copains de ma cour raconter ce qu’ils avaient fait au cours week-end. Cela me paraissait extraordinaire ! Début 1968, à 12 ans, mes parents étant d’accord, j’entre aux « éclés ». Premier camp de Pâques, premier duvet, premier sac à dos, première « explo », première nuit dans la paille à côté des vaches. Intégration immédiate aux groupe, puis plein de voyages que je qualifierais bien d’ « initiatiques », les week-end, les camps d’été, puis les « Aînés », un camp d’été d’un mois en Pologne (en stop, sur place), puis re-camp comme « Responsable ».
Etudes de géographie à Tours, « pour comprendre le monde ». Débuts professionnels dans l’urbanisme.
Fin des années 80, engagement professionnel fort dans ce qui deviendra la Politique de la Ville, nouvelle politique publique de lutte contre les exclusions sociales et spatiales, jusqu’ à devenir président national d’une association de gens qui faisaient le même boulot que moi, donc interlocuteur des ministères sur le sujet ; avec en parallèle, des engagements associatifs également forts du type MFPF et autres, certains plus personnels qui sont toujours d’actualité.
Alors, le rôle des « éclés » là dedans ? C’est toujours difficile à dire. C’est-y l’homme qui prend la mer ou la mer qui prend l’homme ?
Ce qui est sûr, c’est que j’ai l’habitude de dire. « C’est là que j’ai tout appris ! ».
Non pas que je sois devenu un champion des « nœuds » ou du « froissartage », ce qui n’est pas vrai, mais j’ai appris la vie en groupe, le respect de l’Autre et de soi-même, j’ai appris à écouter l’Autre, j’ai appris que je pouvais être écouté. J’ai pu dire « Non » sans être exclu du groupe, mais au contraire m’expliquer, être entendu, et on m’a fait confiance, cette confiance qu’évoquait François tout à l’heure.
Je dirais que j’y ai appris à mettre en œuvre ce qu’on appelle aujourd’hui la « cohésion sociale », et qui a été, ces 25 dernières années au cœur de mon activité professionnelle et de mes engagements associatifs.
J’ai été un individu, un « éclaireur libre dans un équipage libre », appartenant à un « groupe libre ».
J’ajoute que pour moi, ce « groupe » comme tout autre, appartient à un « Mouvement national », les « Éclaireuses et Éclaireurs de France », porteur de valeurs fortes, et ici, je mets volontiers en avant la Laïcité, la mixité, et la solidarité, mises en pratique sur le terrain.
Autre pilier de cet apprentissage : le « développement durable », qui ne s’appelait pas comme ça à l’époque. Quoi de mieux qu’une « explo » en pleine nature pour comprendre la nécessité d’une croissance soutenable dans un territoire économe ! Malheureusement, j’ai bien l’impression que l’évolution de la législation sur l’encadrement des séjours de jeunesse et le fameux principe de précaution ne laissent guère de place pour ces découvertes personnelles.
Avec le recul, comment caractériser ces années d’effervescence – je rappelle que tout cela à commencé en 1968 – qui ont, sinon fait, tout au moins largement contribué à faire le Citoyen – citoyen tout court, que je suis ?
Je ne précise pas « le citoyen engagé » car pour moi, l’engagement fait partie de la Citoyenneté.
Et bien, ces années ont été fortement marquées par l’opposition de deux grands courants de pensée : ceux qui pensaient qu’il fallait améliorer la société pour améliorer l’homme, et ceux qui pensaient qu’il fallait améliorer l’homme pour améliorer la société.
Aujourd’hui, je crois que ce que j’ai appris pendant ces « années éclé » même si je ne l’ai compris que plus tard, c’est à travailler à l’amélioration de l’Homme ET de la Société, à la solidarité collective ET à la solidarité individuelle, à l’émancipation sociale ET à l’épanouissement personnel de chacun .
Alors bien sûr, cela n’aurait pas été possible sans des responsables « éclairés » – ceux qui rayonnent, comme le disait François tout à l’heure – sans ces femmes et ces hommes engagés dans la vie de la Cité, mais aussi disponibles pour chacun des joyeux lurons que nous étions.
Je terminerai donc, mon cher Henri-Pierre, impertinemment totémisé « Zloty agile » en Pologne (le zloty étant la monnaie polonaise), je terminerai donc en disant toute ma gratitude et ma reconnaissance à Jacqueline, alors responsable, avec Bernard, du « Groupe de Bourges », et que je suis si heureux de retrouver dans cette salle.
« On est entraîné par la volonté, l’envie de faire et l’engagement des éclés »
Sophie Buvril
Bonjour à tous,
Faire un « arrêt sur image » de mon engagement aujourd’hui me fait sourire car c’est grâce à l’engagement d’une « Responsable d’animation » de notre groupe local que j’ai franchi la porte de cette aventure.
Nous avons rencontré, mon mari, mes enfants et moi, les Eclaireurs par hasard, dans la presse locale. Un projet d’année enthousiasmant et nous avons inscrit nos quatre fils….Ils ont trouvé au sein du groupe une place que peu d’autres organismes offrent aujourd’hui.
Pendant un temps, nous avons juste été des parents qui accompagnaient leurs enfants et donnaient un coup de main quand il y avait besoin. Mais nous ne prenions pas part à la vie interne du groupe et de l’association. Plus par réserve d’ailleurs que par non vouloir.
Un jour, j’ai répondu présente pour faire l’intendance sur un camp. Cela a été décisif pour la suite. Nous avions lié amitié avec les responsables d’animation et avec l’équipe d’encadrement. Une graine a commencé à germer, largement arrosée par une des « Responsables d’animation ». Cette jeune femme stimulait tellement les autres « respons »!
Elle avait un tel enthousiasme ! Il fallait continuer, car cette énergie ne pouvait être négligée ni abandonnée.
Quand la « responsable de Groupe » nous a informé qu’elle ne pourrait reprendre les activités en septembre, les choses ont pris place peu à peu. Si personne ne reprenait la responsabilité du groupe, celui ci était mis en sommeil. Ce qui voulait dire plus d’ « éclés » dans le département du Cher. Il n’y avait pas d’autres groupes proches pour nos enfants et pour les autres que j’avais appris à connaître et à aimer .Je ne pouvais pas concevoir que cela s’arrête.
Alors, après en avoir parlé avec mon mari et mes enfants, je me suis présentée pour reprendre le groupe.
Trois ans ont passé et chaque jour m’engage un peu plus. Parce que les enfants sont là, que ce que leur apporte les « éclés » est précieux .Parce que notre Mouvement fait que les enfants apprennent simplement en jouant à vivre ensemble, autrement, à comprendre l’Autre et à l’accepter tel qu’il est, comme ils sont aussi acceptés tels qu’ils sont.
Ils ont un espace de liberté où ils ont le droit d’être ce qu’ils sont, sans à priori, avec leurs qualités et leurs défauts, ils ont le droit de se tromper, le droit de ne pas vouloir, le droit de choisir et d’être actif. Ils apprennent sans s’en rendre compte à faire partie de la société, à respecter ses règles, simplement parce qu’ils sont actifs volontairement.
Je suis convaincue que dans notre monde d’aujourd’hui, c’est plus qu’indispensable. Les valeurs des éclaireurs sont simplement des valeurs humaines qui sont trop souvent oubliées. C’est aussi pour cela que les adultes ont aussi leur place, même s’ils n’ont pas été « éclés » auparavant.
Quand on commence à aider une « structure locale éclaireur », on ne peut que continuer. On est entraîné par la volonté, l’envie de faire et l’engagement des « éclés ».
C’est ce qui nous est arrivé, et ce qui arrive encore à d’autres parents au sein de nos « groupes ».