En Bretagne comme ailleurs, on constate, pendant plus de dix années, une nette opposition de l’église catholique aux principes même du scoutisme ; ce sujet est traité par ailleurs. Christophe Carichon en rappelle quelques qualificatifs : « Un cosmopolitisme suspect », « Une mare aux équivoques », « Une franc-maçonnerie pour enfants »… Mais les réflexions du père Sevin, jésuite qui a rencontré Baden Powell et en apprécié l’approche, vont conduire en 1921 à la création d’une association catholique masculine de scoutisme, suivie en 1924 par la création d’une association féminine.
L’auteur rappelle d’ailleurs que, après la création des S.D.F., le scoutisme catholique sera, en 1923 et 1924, « accusé de connivence avec la théosophie et de favoriser l’interconfessionnalisme » et évitera de justesse une condamnation par le Vatican. (Pour ceux qui s’intéressent à ce sujet, l’auteur a également écrit un article intitulé « Scoutisme et théosophie » dans Politica Hermetica, n°17, Paris, l’Âge d’homme, 2003).
Compte tenu de ces circonstances, le scoutisme catholique connaîtra quelques années d’hésitations mais la Bretagne « finit pas accepter le scoutisme catholique dans les diocèses, les cités, les paroisses et les écoles ». La première proposition, en 1921, semble due à Jean Dieulefit, ancien E.D.F., qui souhaite lancer une troupe à Malestroit (Morbihan) mais ne peut mener à bien son projet par suite de ses obligations militaires. La suite est difficile mais efficace : Rennes, Vannes, Lorient, Quimper, Saint-Brieuc, et, plus tard, Nantes prennent conscience de la nécessité de faire concurrence au scoutisme neutre ou unioniste qui connaît un réel succès. À Nantes les S.D.F. ne sont pas autorisés par l’évêque mais « quelques familles fondent « l’association Saint-Louis, association nantaise de scoutisme catholique » en 1925. » En 1927-1928, les S.D.F. sont environ 200, les E.U. 80 et les E.D.F. entre 350 et 400. En 1929, leur effectif a doublé alors que celui des autres associations est stationnaire. Les S.D.F. connaîtront, en 1933, une crise interne, avec la destitution du père Sevin de toutes ses fonctions de direction, essentiellement pour « indiscipline », mais poursuivront leur développement en Bretagne jusqu’à la veille de la guerre, avec un effectif de l’ordre de 2800 en 1938. Les Guides de France seront, en 1939, environ 1300.
Les cartes suivantes résument cette implantation :
– en 1925, par comparaison avec les autres associations :
et en 1930 :
Un grand merci à l’auteur de nous avoir donné l’autorisation de reproduire ces illustrations.
L’analyse de l’évolution du scoutisme en Bretagne, exposée par l’ouvrage de Christophe Carichon dont nous ne donnons que de courts extraits, est intéressante car elle montre, par l’exemple d’une région, comment s’est réalisée en France l’implantation du scoutisme, à partir d’une proposition « non confessionnelle » ouverte à tous à côté d’une proposition confessionnelle minoritaire : après quelques années de rejet, la religion majoritaire, dans une région où elle était particulièrement bien implantée, a pris conscience des possibilités offertes par cette nouvelle démarche, et s’est installée solidement, évidemment en concurrence avec les associations existantes.
Rappelons les références de l’ouvrage cité : « Scouts et Guides en Bretagne » de Christophe Carichon, 2007 – version abrégée de sa thèse de doctorat en histoire contemporaine soutenue à Brest en 2002 – Yoran Embanner éditeur à 29170 Fouesnant.