Les débuts du scoutisme ont vu la création de deux associations non confessionnelles, mais les Éclaireurs Français n’ont pas connu, en métropole, le développement qu’ont connu les Éclaireurs de France.
Les débuts du scoutisme ont vu la création de deux associations non confessionnelles, résultat de deux éléments importants :
– l’antagonisme apparemment viscéral entre Pierre de Coubertin, initiateur des Éclaireurs Français dans le cadre de la Ligue d’Éducation Nationale dès octobre 1911, et Nicolas Benoît, officier de marine, qui dépose les statuts des Éclaireurs de France en décembre 1911,
– le refus formel et très marqué de Pierre de Coubertin (entraînant la Ligue et les Éclaireurs Français) de se joindre aux institutions de scoutisme d’origine britannique.
Le texte de présentation par la Ligue d’Education Nationale, que nous avons reproduit dans le chapitre « les débuts », est très clair sur ce point : nous n’en rappelons qu’une phrase : « Nous recherchons tout ce qu’il peut y avoir de bon dans les autres pays en matière pédagogique et, pour le bien de nos garçons, nous l’importons en France, après l’avoir adapté à notre mentalité. Ses fenêtres sont largement ouvertes, mais nous ne consentons pas à ce que des étrangers se mêlent de nos affaires, surtout en ce qui concerne l’éducation de notre jeunesse. ». Dans le même temps, les E.D.F., malgré la prise de distance indiquée par le Livre des Éclaireurs, acceptent cette relation.
Nicolas Benoît ayant été tué au combat, il semble que, après la guerre, seul le deuxième élément subsiste, ce qui signifierait que les Éclaireurs Français se sont, à ce moment et par la suite, différenciés par ce refus. Mais ce choix n’est pas visible au niveau même des activités, et les cartes postales illustrant celles des deux associations parallèles ne permettent guère de les distinguer…
On peut donc penser que le développement des unités a été surtout porté par le militantisme et l’engagement de responsables locaux. Ce sera d’ailleurs le cas tout au long des décennies, et ça l’est certainement encore…
Pour essayer de situer l’évolution de ce Mouvement, des éléments très intéressants nous ont été apportés par Jean-Michel Company, fils d’Alphonse Company commissaire national des E.F. en 1964, sa sœur aînée Marie-Thérèse Franetich, Yvette Marti et quelques autres qui ont bien voulu puiser dans leurs souvenirs – nous les remercions spécialement car très peu de documents sont disponibles.
Ces éléments mettent en évidence :
– une faible implantation en France métropolitaine, à l’exception de quelques « grands » groupes très localisés : Limoges, Nice,…
– une réelle implantation en Algérie, qui ne se situait pas uniquement chez les Français d’Algérie mais a, évidemment, souffert des conséquences de l’indépendance pour les « rapatriés »,
– une permanente fidélité au scoutisme dans sa définition initiale, mais avec quelques innovations intéressantes : les « camps colonies », par exemple, mais aussi les débuts de la coéducation des filles et des garçons dès 1947 dans les branches Éclaireurs et Louveteaux.
Pour quelles raisons le scoutisme proposé par les Éclaireurs Français ne connaît-il pas le succès qui est, au cours des années d’ «après la grande guerre », celui de l’association concurrente ? On ne peut émettre que des hypothèses, qui restent à confirmer :
– les Éclaireurs de France sont portés par des organes de presse importants, comme le « Journal des Voyages », qui a, le premier, édité et diffusé le manuel écrit par Nicolas Benoît,
– les premiers initiateurs, Georges Gallienne et Georges Bertier, choisissent les E.D.F. et jouent certainement un rôle d’entraînement pour d’autres éducateurs intéressés par le scoutisme,
– peu de temps après la guerre, les E.D.F. se libèrent de leur caractère un peu trop militaire, et s’orientent vers la définition de « méthodes » communes, nées de l’expérience de chacun et de celle de B.P., en particulier grâce au camp-école de Cappy, en coopération avec les E.U.,
– pendant de nombreuses années, les deux Mouvements fonctionnent sous forme de fédérations, auxquelles adhèrent les associations locales ou départementales de scoutisme : l’indépendance des groupes, dans ce cadre, autorise les changements de rattachement, même si nous n’avons pas trouvé de traces de concurrence réelle, se traduisant au plan local, entre les deux Mouvements. Notons simplement, à titre d’exemple, que la troupe de Troyes, initialement créée, au printemps 1911, au sein des Éclaireurs Français – donc de la Ligue d’Éducation nationale, « passe aux E.D.F. » en 1916 mais les archives du groupe ne permettent pas de savoir comment et pourquoi se fait ce changement.
– le rattachement international, dans une période quelque peu internationaliste, avec la Société des Nations, joue un rôle important pour la « promotion » de ce nouveau mode d’éducation des jeunes…
– et, simultanément, le refus du rattachement des Éclaireurs Français au « Bureau de Londres » isole les Éclaireurs Français des autres Mouvements de scoutisme, en particulier en 1940, au moment de la création du Scoutisme Français. Très concrètement, il a pour conséquence, en métropole, le refus des pouvoirs publics d’apporter leur aide à une association non reconnue par les autres : ce ne sera pas le cas en Algérie, où l’association pourra se développer,
La présentation de ce Mouvement et de son évolution, qui fait l’objet du présent chapitre, est donc essentiellement alimentée par des informations concernant les groupes d’Algérie et le « camp colonie » de Saint-Clément dans l’Allier, devenu propriété du « nouveau Mouvement » après la création des E.E.D.F. en 1964.
Merci à Jean-Michel Company d’avoir bien voulu valider l’ensemble des éléments que nous apportons ici.