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1949 : Un Cappy Route

 .. en Corse, avec Pierre Buisson

 

Les « camps-écoles », qui continuent de s’appeler « Cappy », ont toujours combiné formation « théorique » et mise en œuvre. Dans le cas du Cappy dirigé par Pierre Buisson et raconté par Gérard Besson, les activités ont un peu tendance à prendre le dessus… Et on peut remarquer quelques différences par rapport à l’année précédente !

 » Ces souvenirs sont extraits d’un courrier adressé à mon frère, faisant à cette époque son service militaire dans l’ex AOF (Afrique occidentale Française).

L’enthousiasme et le style du jeune homme que j’étais à l’époque ont été conservés ! J’écris juste au retour de Corse après avoir essuyé une sérieuse tempête en mer.

 

Arrivé à la dernière minute au port (Marseille), j’ai fait connaissance avec les participants au camp. En tout 40 gars…

Des B.S.B. (boys-scouts Belges) dont Y.Delbeque comme responsable, un Luxembourgeois, quatre Allemands, un Américain. Et le reste Français, de Marseille, la Loire, Aix, Grenoble, Thiers …

Sur le bateau en discutant avec Pierre (Buisson) j’ai un peu situé ce Cappy d’après congrès.

Dès l’arrivée à Bastia, nous avons pris un car pour Calvi avec tout notre matériel – deux tonnes.

À Calvi, pendant trois jours, commence la construction de 20 kayacs avec les matériaux apportés et l’aide de quatre spécialistes dont j’étais, avec mes grosses pattes et maladresse. Je devais dépanner les équipes en difficulté, et le plus drôle est que je m’en suis à peu près tiré. En même temps commence l’expérience de la démocratie intégrale qui en déconcerte beaucoup… Buisson laisse faire, cela patauge un peu,  mais c’est rapidement une réussite.

Travail douze heures par jour. La fatigue commence à se faire sentir. Belle perspective pour le « raid » qui doit suivre ! Enfin, le dimanche, sous les yeux ébahis de la population de Calvi, nous prenons la mer avec une journée et demie de retard et des kayacs à peu près terminés. Première étape courte mais dure. Il faut s’habituer à pagayer, les bras et les abdominaux souffrent. Arrivée dans une première crique où nous nous écroulons, mais nous sommes réveillés dans la nuit par un gros vent accompagné de pluie… Il y a, devant nous, une pointe assez dangereuse à franchir et la mer est trop mauvaise : nous restons donc à l’arrêt toute la journée. Le raid semble devoir échouer avec une journée et demie de retard… Malgré cela, nous repartons, mais le vent se relève, la moitié des participants qui sont partis très tôt ont le mal de mer et nous sommes obligés d’accoster…

Conseil de camp orageux, les durs engueulant les mous, le tout sous ma présidence – il y avait un président différent chaque jour, j’étais bien tombé. En définitive, il y a six abandons, les autres décident de repartir à marche forcée pour rattraper le temps perdu… et avec tous les kayacs ! Je suis amené à prendre un Kayac seul pendant 4 étapes à marche forcée. J’en ai bavé avec tous les autres. Mais nous arrivons à Porto, le milieu du raid en ayant rattrapé le retard.

Petit repos avec eau douce (heureusement), le tout agrémenté « d’amphi », il y a eu la psychose des amphis, bien que nous soyons tous  crevés.

Des amphis donc au milieu de tout cela avec des débats aussi variés que la culture politique, l’internationalisme, la coéducation, la politique de l’eau, les spécialisations, le métier de chef de clan (que j’ai dû improviser, étant le seul chef de clan de la bande).

Après cela, nous vendons les Kayacs en surnombre à Porto et nous reprenons une navigation beaucoup plus lente jusqu’à Ajaccio.

Au point de vue des paysages traversés, nous n’avons pas toujours eu le temps ni la force d’admirer. Mais nous avons apprécié quand même des coins uniques.

Des petites criques désertes avec des couleurs extraordinaires, ou parfois de petites cabanes de pêcheurs avec leurs paniers, leurs filets et de l’eau douce et qui nous accueillaient avec beaucoup de simplicité et de gentillesse en rigolant de nos aventures. Dans ces criques, nous avons parfois trouvé à nos pieds des quantités d’oursins qui ont agrémenté notre ordinaire pas très varié. Nous avons vécu, à part à Porto, dans un vrai désert, avec ce maquis touffu qui n’est même pas bon à te donner de l’ombre, nous en étions réduits à nous blottir dans des creux de roches pour faire une sieste réparatrice et échapper un moment à la rigueur d’un soleil implacable. Les étapes (deux par jour) variant de 5 heures le matin à 3 heures l’après midi. De quoi te faire les muscles des bras. Et enfin l’arrivée triomphale à Ajaccio avec des cris de joie. Gros émoi sur la plage.

Le lendemain, le travail continue, division en 2 groupes : les uns vont avec les Kayacs faire les camelots sur la grande place d’Ajaccio avec des banderoles et tout ce qu’il faut de bagout pour vendre ; les autres vont trouver  des journalistes pour conter notre histoire et l’on lira le lendemain dans la presse des titres tels :

« Raid sportif sans précédent », « 40 audacieux navigateurs », etc.…

Mais c’est la fin, débat de clôture intéressant ou Pierre explique pourquoi il s’est écarté de la direction tout au long du raid et dans un exposé extraordinaire, tire les leçons de tout cela de façon magistrale. Nous en étions tous bouche bée… »