une grande rencontre de « boy-scouts » en Algérie
L’article :
Au camp National des Éclaireurs
Nul n’ignore aujourd’hui le bel idéal caressé par les animateurs du scoutisme et il serait superflu de faire ici l’éloge d’une organisation dont la haute portée morale n’échappe plus à personne.
À l’occasion du Centenaire[1], « le camp national des Boy-scouts » se tient cette année à Alger et c’est aux portes du Sahel que nos éclaireurs, venus de tous les points de la Métropole, de l’Etranger et de l’Afrique du Nord, ont planté leurs petites toiles rectangulaires. Ils sont là quinze cents, tous joyeux, insouciants. Leur exubérance ne les empêche point cependant d’avoir pleinement conscience en leurs devoirs de scouts et d’observer, quand il le faut, une discipline et une pondération irréprochables.
Pour comprendre et mieux aimer l’éclaireur, il faudrait partager, pendant quelques jours l’existence qu’il mène en camping, vaincre avec lui les innombrables obstacles que lui opposent la nature et des circonstances d’ordres divers; participer à ses travaux, ses exercices et à ses jeux; assister à ses fêtes champêtres et écouter, le soir, à la lueur du feu qui crépite et vacille, les histoires de Calumet ou autres Parana.
Mais, visitez le camp national et vous aurez déjà une première impression de ce que peut être le « modus vivendi » d’un boy-scout, de tout ce qu’il contient de romantisme et de noblesse. Parcourez les différentes sections. Voyez avec quel soin jaloux elles ont été aménagées. Chaque pays, chaque région ont rivalisé de goût et d’intelligence, mettant à profit les moindres accidents du terrain et l’aide précieuse de l’arbre. Ici, le mot d’ordre est « bonne humeur » ! L’éclaireur, même dans les moments les plus difficiles, doit conserver le sourire. Il s’ingénie à décorer son domaine avec esprit. Telle troupe bourguignonne sculptera dans la terre humide un superbe escargot et découpera dans des feuilles de figuier de Barbarie d’imposantes grappes de raisins, Les boys-marins d’Alger vous préviendront aimablement par de larges pancartes qu’il y a danger à s’aventurer dans « leurs eaux » où foisonnent, paraît-il, de terribles requins… en l’occurrence d’inoffensifs harengs fumés dont la dorure, terne et lépreuse, fait songer au dôme des Invalides. Un peu plus loin, les Bônois ont confié la conciergerie de leurs « chez eux » à un yaouled cireur qui ne manque pas d’allure, bien qu’il soit de paille.
Et ce petit monde va et vient, sifflote et respire au grand air du Sahel, tout chargé des senteurs du bois d’eucalyptus voisin. Pas une seule note discordante ; Français, Algériens et Étrangers ne forment plus qu’un bloc fraternel. Ils sont quinze cents, mais il n’y a qu’un seul cœur, qu’une seule âme et c’est bien là le résultat immédiat et le plus significatif du scoutisme international.
Dans un geste spontané et louable, M. le Gouverneur général Pierre Bordes a tenu, jeudi dernier, à inaugurer officiellement le Camp National. Accompagné des principales autorités civiles et militaires de la Colonie, auxquelles étaient venus se joindre le colonel Marchai, directeur des services militaires au cabinet de M. Morinaud; MM. Hubert Martin, président du Bureau international du scoutisme mondial ; Lefèvre, chef de camp ; Nerdeux, chef adjoint ; Chartus, chef de troupe à Alger, et Pernand Hugues, président du Comité d’organisation, il parcourut les huit sections, visiblement intéressé par le spectacle original et plaisant qui lui était donné d’admirer.
La visite du camp terminée, nos boy-scouts offrirent au représentant du Gouvernement une fête en tous points parfaite. Après un défilé impeccable devant la tribune spécialement établie, petits et grands, éclaireurs, louveteaux et girls-scouts s’élancèrent en une charge à la fois grandiose et profondément émouvante. Leurs cris de joie, leurs hurrahs frénétiques, le bruit des bâtons qui s’entrechoquaient et le claquement sec de leurs étendards, c’était comme un hymne à la jeunesse et à la vie, qui montait, vibrant et formidable, vers le soleil…
André Sarrouy.
[1] On est en 1930, il s’agit ici du centenaire de la présence Française en Algérie.
Même si le terme générique de « boy-scouts » est beaucoup utilisé, il semble bien que cette manifestation ait concerné des Éclaireurs de France. Il n’est pas précisé si le chef de camp est André Lefèvre, mais André Nerdeux, dont Jeannine Chollet a retrouvé la trace, était responsable E.D.F. à Tours.
Merci à Jean-Claude Vanhoutte de nous avoir communiqué ce document.