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2013 : Des nouvelles du scoutisme en Belgique

 

Article de Jean-François Munster paru dans « Le Soir » du lundi 19 avril 1999

 

Haie d’honneur pour le scoutisme laïque

 

Grande fête du souvenir ce samedi à l’hippodrome de Groenendal pour plus de 700 anciens scouts des communes du sud de Bruxelles.

 

Le scoutisme belge sera à l’honneur ce samedi 24 avril. Au sens strict comme au sens figuré. Une de ses plus vieilles composantes, mais aussi une de ses plus avant-gardistes, le groupe Honneur, fête ses septante ans. Septante années pendant lesquelles plus de 10.000 jeunes auront défilé dans ses rangs.

 

Pour fêter cet anniversaire, le groupe Honneur a mis les petits plats dans les grands en organisant une grande fête du souvenir. Depuis plusieurs mois maintenant, les organisateurs battent le rappel à la recherche des anciens. Pas de problème , témoigne l’un d’eux, le bouche à oreille a fonctionné à merveille. C’est que ce genre d’expérience est inoubliable.

 

Ils seront samedi probablement plus de 700, jeunes et vétérans, personnalités connues ou inconnues. Tous viendront se remémorer devant un verre le bon vieux temps. Le temps des culottes courtes et des jeux de piste dans le bois de la Cambre. Le temps de l’insouciance et de la franche camaraderie.

 

Proche de l’ULB et du milieu libre penseur, le groupe Honneur se caractérise par son pluralisme et son rejet de la hiérarchisation à outrance. Volontiers qualifié d’élitiste par ses détracteurs, le groupe Honneur se centre principalement sur les communes du sud de Bruxelles.

 

De ses rangs sortira un nombre impressionnant de personnalités importantes. On notera au passage les noms de l’ancien bourgmestre de Bruxelles, Pierre Van Halteren, des frères Huisman qui fondèrent le Théâtre national de Belgique, du patron de RTL-TVI Jean-Charles De Keyser, de Jacques de Pierpont (voir portrait panoramique), et d’une foule d’autres personnalités moins connues mais qui occupent aujourd’hui encore des fonctions importantes dans la politique, les arts, les sciences ou l’industrie.

 

Souvenirs, souvenirs !

 

Je crois que la caractéristique principale d’Honneur, c’est justement de placer l’enfant devant ses responsabilités et de l’amener à se débrouiller tout seul, explique Jean-Louis Stranart, un ancien. On donne très tôt des responsabilités aux jeunes. Les chefs de troupe ont 20 ans et les chefs les plus importants 25 maximum… On inculque aussi le respect de soi et des autres et cela sans référence à aucun dogme. Nous ne sommes d’ailleurs inféodés à aucune autorité : commune, paroisse, parti…

 

Imperceptiblement, Jean-Louis Stranart se replonge alors dans ses souvenirs. Je me rappelle ces jeux de nuit terrifiants où l’on devait surmonter notre peur à tout prix. C’est vraiment un moment magique de l’existence. C’est aussi là où l’on fait nos premières bêtises : première bière, première fille, première cigarette… Jean-Charles De Keyser résumait par ces quelques mots son expérience : le scoutisme, c’est les premières vraies rencontres et c’est tout ce que l’on n’apprend pas à l’école et en famille.

 

Les festivités débuteront à 11 heures, ce samedi. Un grand tournoi de hand-ball, le sport fétiche du groupe Honneur, ponctuera toute la journée ainsi que les stades de sélection d’une Miss et d’un Mister Honneur. Au programme aussi, l’inévitable diaporama, un album-photo projeté sans discontinuité sur un écran géant, et bien sûr des jeux scouts : jeu de l’oie et scrabble géant, parcours aventures, train fantôme…

 

À 17 h 30, toutes les activités cesseront momentanément pour le moment clé de la journée : le grand rassemblement de tous les participants en carré. Symboliquement, un scout viendra accrocher sur le drapeau du groupe Honneur, la septantième étoile. Après ce moment emprunt de solennité, la fête reprendra de plus belle.

 

Pour les plus nostalgiques, la soirée s’achèvera devant un bon feu de bois en fredonnant Hugues Aufray à la guitare sèche ; pour les autres, dans une salle de bal sur des airs de techno. Les temps ont changé !

 

JEAN-FRANÇOIS MUNSTER

 

 

Une troupe à l’avant-garde

 

L’histoire de la troupe Honneur se confond avec les débuts fulgurants du scoutisme en Europe. En juillet 1907, un certain Baden-Powell, général de l’armée britannique, décide d’appliquer les techniques des petites patrouilles d’éclaireurs qu’il a vues à l’œuvre en Afrique du Sud pendant la guerre des Boers, de manière pacifique à l’éducation des garçons. Le récit de son premier camp a un écho retentissant en Europe mais surtout en Belgique qui peut se targuer d’avoir vu naître la première troupe scoute du continent.

 

C’est en effet en 1910 qu’un Anglais, Harold Parfitt, fonde les Boy Scouts de Belgique (BSB), une association qui se veut strictement neutre et ouverte à tous les horizons philosophiques. Très vite, un nombre croissant de jeunes sont séduits par cette forme d’apprentissage de la vie en dehors des circuits traditionnels.

 

Dès les premières années d’existence, deux conceptions différentes de la responsabilité au sein du mouvement s’affrontent. L’une, en droite ligne du scoutisme anglo-saxon originel de type paramilitaire, est plutôt stricte et hiérarchisée, à l’inverse la seconde cherche à encourager l’esprit d’initiative, l’imagination et la personnalité des jeunes chefs de patrouille en leur donnant davantage d’autonomie. De cet affrontement va naître en 1929, le groupe Honneur, qui récuse les hiérarchies autoritaires. Il résulte du regroupement des deux troupes du sud de Bruxelles, la première et la 97e.

 

Dès lors, tout au long de son histoire, le groupe Honneur ne va cesser de se profiler comme l’avant-garde du mouvement scout. Son rôle d’aiguillon va jouer dans le sens de l’ouverture, de la tolérance et du développement de l’esprit d’initiative.

 

L’année de sa création, le groupe Honneur accueille la première meute de louveteaux du continent, c’est-à-dire des enfants de 7 à 12 ans. Très vite se constitue aussi une troupe de guides (des jeunes filles de 12 à 18 ans). En 1934, l’impensable se produit : la naissance de la première meute mixte. Cette initiative a valu à Honneur les foudres de l’association nationale qui voyait d’un mauvais oeil ces précurseurs de l’émancipation féminine. Cela ne les a pas découragés puisqu’en 1974, Honneur remet le couvert et crée la première troupe mixte. L’affaire suscita beaucoup moins de bruit…

 

Le groupe Honneur sera également le premier à créer une troupe pour les enfants souffrant d’un handicap physique : les « Malgré tout ». Il met aussi en place des centres consacrés à des activités de loisirs culturels. Le premier fut un centre de théâtre qui se fit rapidement connaître sous le nom de « Comédiens routiers ». Il était animé par les frères Huisman et allait par la suite donner naissance au Théâtre national de Belgique. Il y eut aussi un centre de danse populaire, un centre choral, cinéma… Actuellement, le groupe Honneur compte encore plus de 600 membres actifs.

 

J.-F. M.