… et l’évolution de la société dans ce domaine
« Dans le fond, je crois à la possibilité d’une éducation morale, à condition qu’elle soit conduite selon la réalité de 1952 et non de 1852. » Tout est dit, ou presque, de ce qui va être développé tout au long de… neuf pages. À partir de quelques constats nés au contact des jeunes :
– « une véritable aversion pour toute discipline »,
– « une sorte d’indifférence vis-à-vis de ce qu’on pourrait appeler le “ point d’honneur ” »,
– « une désaffection très nette vis-à-vis des règles, des règlements. Il en est ainsi de la loi scoute. »
Pierre François avance quelques explications : on ne peut pas incriminer les suites de la guerre (« C’est commode, la guerre a des suites qui expliquent, qui excusent tout. »), ni considérer qu’il s’agit d’une décadence morale : « Il ne s’agit pas d’un phénomène récent, mais bien d’une longue évolution. (…) Au fond, la démoralisation de la jeunesse tient, en grande partie, au fait que nous ne savons ni voir ni comprendre tous les changements qui se sont accomplis au sein de notre société dans les dernières décennies. »
Ces transformations ont joué sur tous les plans :
– les méthodes habituelles d’éducation morale ne valent plus,
– les valeurs morales ont elles-mêmes varié,
– les fondements de la morale ont été ébranlés et doivent être renouvelés.
Ce qui entraîne une mise en cause certaine des parents : « Nous, adultes, parce que nous avons mis l’enfant dans l’obligation de suivre une loi morale trop exigeante, nous l’avons mis dans la situation d’être un tricheur. » À noter, au passage, également une mise en cause du Mouvement : « Dans un Mouvement laïque recevant des enfants croyants ou non croyants, la morale traditionnellement enseignée à tous les enfants était celle d’un pays chrétien – je dirai même d’un pays catholique. Or, nous avons affaire à quantité d’enfants agnostiques, en nombre de plus en plus considérable dans notre pays. (…) La France doit tenir compte de ces diverses masses d’enfants ; ainsi, il faut évoquer le cas particulier des enfants musulmans. Pour un éducateur, cela pose des cas de conscience considérables. »
En conclusion de ces considérations un tantinet pessimistes, l’auteur ouvre quelques pistes pour trouver les remèdes appropriés :
– « rétablir un dialogue normal entre l’adulte et l’enfant et ne pas considérer l’enfant comme un bébé, mis comme un homme »,
– « l’attitude de l’adulte elle-même doit être sincère »,
– « il faut faire confiance à l’enfant et savoir lui donner des responsabilités »,
– « nous ne devons pas chercher à imposer nos propres valeurs morales, celles auxquelles nous avons cru. L’important est de partir de celles que les jeunes reconnaissent, eux, comme valables »,
– « il faut aussi placer l’enfant dans une société et, par le jeu normal de cette société, lui faire découvrir ou redécouvrir, par lui-même, les valeurs morales, les règles morales »,
– « nous devons rester enfin sur le plan de la réalité, ou plutôt du réalisable et ne demander aux enfants que ce qu’ils sont capables de faire ».
Cet article est extrait d’un texte publié dans la revue l’École des Parents de juin 1952 et proposé à la réflexion de tous les responsables par les Cahiers « Information générale » de janvier 1956.