Rechercher

1980 et la suite : des témoignages de responsables nationaux

(entretien téléphonique)

« Tout juste à demi-centenaire, j’ai été parisienne pendant près de 25 ans et ai commencé mon scoutisme aux E.E.D.F. dès l’âge de six ans dans un groupe un peu particulier du centre de Paris dont la responsable m’avait acceptée au camp alors que les Lutins n’existaient pas encore… À 11 ans j’ai rejoint un groupe plus classique, celui du Marais… J’ai suivi le cursus classique du scoutisme, jusqu’à ma participation en 1977 à un stage régional de formation à Cautines, où j’ai pris conscience des valeurs du Mouvement et de ce que signifiaient nos pratiques pédagogiques.

Je ne me suis pas particulièrement intéressée à la vie régionale, qui me semblait dominée par quelques “ éléphants ” de groupes forteresses, excepté ma participation à divers comités régionaux où je m’exprimais peu ; heureusement, mon futur mari y venait aussi (lui responsable du groupe de Chaillot et moi de celui du Marais). Et nous nous sommes mariés à Cappy (quasi en ruine), en 1979.

Étudiante en Histoire de l’Art avant de devenir professeur d’Histoire et Géographie, j’ai quitté Paris en 1983 pour rejoindre Angers et les Pays de la Loire, où le contact avec les éclés s’est fait tout naturellement à l’occasion du congrès régional. Daniel Auduc, alors Délégué Général, m’a demandé de consacrer un peu de temps à la gestion des affaires courantes de la région, qui n’avait pas d’équipe régionale, mais je n’ai jamais fait de différence entre mon activité salariée (de courte durée et à quart de temps) et mon activité bénévole. J’ai ensuite accepté, pendant 5 ans, la responsabilité de la région : il m’en reste le souvenir d’une tâche difficile, dans une période où elle se superposait à mon activité professionnelle et à l’arrivée de mes enfants. Il fallait traiter des crises de comportement, des conflits de personnes et de conceptions… J’ai surtout pris plaisir à faire vivre une activité de formation à travers des week-ends régionaux et des stages communs avec la région “ voisine ” de Normandie.

Premier épisode au Comité Directeur en 1995-96 : j’y ai été élue avec un mandat de deux ans et n’ai pas souhaité me présenter à nouveau, n’ayant pas trouvé ma place dans les discussions à cette époque… J’ai alors reçu et accepté la proposition de retrouver “ le terrain ” comme responsable du groupe d’Angers. C’est la responsabilité qui, dans mon souvenir, me semble la plus difficile parce que la plus prenante, surtout parce que nécessitant une totale et permanente disponibilité ; mais c’est aussi celle qui crée les liens les plus forts entre les personnes, à partir des camps. Le groupe local est la structure qui permet de suivre dans la durée l’évolution des jeunes à la prise de responsabilités…

Nouveau déménagement en 2000, vers la région Midi-Pyrénées, accompagné d’un besoin fortement ressenti de faire une pause. Je n’ai accepté à Castres, pour donner un coup de main, qu’une fonction de trésorière départementale (à côté d’un comptable professionnel). Mon militantisme a alors trouvé d’autres engagements dans la recherche d’un autre monde possible : l’association Attac d’abord, dont j’ai été présidente départementale, puis la création des AMAP dans le Tarn, pour le maintien d’une agriculture “ paysanne ”, dans un département essentiellement rural dynamique et engagé. Et j’ai eu, après quelques temps, envie de revenir vers les EEDF pour y retrouver une vue plus globale des valeurs que je voulais continuer de mettre en pratique. En particulier, j’ai apprécié la présentation que la région avait faite, dans un forum d’associations, des problèmes d’environnement, avec une approche à la fois théorique et pratique, bref, je retrouvais les fondamentaux du scoutisme : l’éducation par l’action… J’ai proposé mes services pour des activités de formation. Mais l’intégration dans une nouvelle région n’est pas toujours évidente : bien que je n’aie pas de passé commun avec Midi-Pyrénées, je me sens “ comme à la maison ” grâce à la chaleur des gens d’ici et parce que j’ai retrouvé le scoutisme “ éclé ” que j’avais vécu dans mon groupe d’origine ; mais il faut du temps, des activités communes, pour retisser du lien.

La suite ? En 2007, j’ai été élue par le congrès régional comme remplaçante d’un délégué à l’Assemblée Générale et, comme il n’a pas pu s’y rendre, j’y suis allée… Plouf ! J’ai replongé avec les questions de fond concernant la laïcité, ce qui m’a conduite à revenir l’année suivante… et à présenter ma candidature au Comité Directeur. Au bout d’un an, j’ai repris le pilotage de l’“ Observatoire de la Laïcité et de lutte contre les Discriminations ”, qui avance tranquillement, à partir d’un groupe de réflexion ouvert, qui permet de se confronter (ô combien), mais aussi de faire évoluer son point de vue à l’écoute des autres. Pour la rédaction d’un nouveau document, nous avons à traiter le sujet aussi bien au plan théorique qu’au plan pratique, en particulier en ce qui concerne l’éducation à la laïcité et l’approche que nous pouvons en proposer aux jeunes responsables qui semblent très démunis sur ce plan, aussi bien en ce qui concerne leur connaissance du sujet que la possibilité d’en débattre et de prendre en compte les situations réelles rencontrées sur le terrain. À partir de nos propositions, la réflexion doit s’étendre à l’ensemble du Mouvement et c’est l’étape suivante.

Très récemment, j’ai également accepté de m’investir dans la préparation des manifestations de notre Centenaire, ce qui représente un nouveau défi.

Ce que le Mouvement m’a apporté ? En plus de ses formations classiques à travers ses activités, il m’a appris, par exemple, à avoir envie de prendre la parole dans un groupe, à rencontrer des gens très divers et à les aimer, à m’ouvrir aux autres, à accepter des défis… ce qui m’a aussi donné envie de partager.

Ma conclusion sur mon engagement et l’avenir du Mouvement ? J’ai choisi de revenir vers les EEDF parce que je considère, après expérience, que les problèmes de société actuels nécessitent d’être appréhendés de façon globale, en reposant l’éducation aux valeurs, ce qui est le cas dans notre Mouvement. Nous avons à nous engager dans un véritable humanisme, fait de solidarité, de volonté de vivre ensemble, de laïcité.

Je crois que nous nous trouvons dans une période où ces valeurs commencent à perdre leur sens, au bénéfice de l’individualisme. C’est un problème de nature politique, auquel nous devons nous intéresser par un engagement constructif, au service de la citoyenneté, de la démocratie et de l’environnement, en reprenant les nouvelles données de la société telle qu’elle est, pour en tirer parti. Je suis optimiste car je pense que ce besoin de scoutisme existe et que notre militantisme peut aider à définir et proposer des solutions, ou plus modestement peut former des jeunes à retrousser leurs manches… »