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1943-1944 : L’épopée de Cappy sous l’occupation…

Le lendemain, 31 août, il fait un temps radieux, avec un très beau ciel bleu, se souvient Renée.

Jean dit : « On va se glisser jusqu’à la grand-route, on verra bien ce qui se passe ». Arrivés sur la nationale pas très loin de là, sur la route qui vient de Paris, il y a une Jeep, et deux gros « MP », Military Police, noirs, qui ronflent comme des sonneurs. Ils semblent épuisés mais heureux, eux aussi. C’est fini, enfin ! Jean Joussellin réunit tout le monde sous le tulipier. Il annonce que la France est officiellement libérée. C’est un très fort moment d’émotion. Ensuite, tout le monde fait la fête avec les américains !

Le soir, pour dire sa reconnaissance à l’encadrement, Jean lit un texte biblique des épitres de Paul, où Paul dit « qu’il n’a perdu aucun de ceux que Dieu lui a donnés ». « C’est vrai, aucun enfant n’a été perdu », confirme « Rama ». Ça aussi, c’est… pour nous tous, c’est très émouvant, tout ça !

ENTRÉE DANS L’HISTOIRE

À la Libération, beaucoup d’enfants ont eu la chance de retrouver leurs parents mais d’autres pas. Renée, Jacques et Jacques « Rama » sont restés en contact avec pas mal de ces enfants, qui sont devenus des pères et mères de familles. Ils se sont retrouvés quelques années plus tard avec certains d’entre eux au château, juste avant que Cappy ne soit définitivement vendu pour on ne sait quel devenir. Ils ont bien sûr évoqué des tas de souvenirs.

En 1978, Jean était de ce monde. Un jour, il a reçu un coup de téléphone d’un ancien éclaireur de Cappy, Simon Lewkowicz (alias Pierre), lui disant : « j’ai enterré ma mère ce matin, ça m’a fait penser à toi, est-ce qu’on pourrait se revoir ? » Naturellement, Jean a accepté et ils se sont revus, avec Renée, alors devenue sa femme, et avec Louise Cohen, une des anciennes éclaireuses de Cappy, qui était de passage à Paris. Peu après, Pierre Lewkowicz, a proposé de demander la Médaille des Justes pour Jean Joussellin. C’est lui qui a fait les démarches…

Un certain nombre de personnes a témoigné qu’elles avaient été mises à l’abri à Cappy. Pierre a obtenu la Médaille des Justes pour Jean en mars 1980. Jean est décédé en Juin de la même année. On a, sans savoir que son cœur lui jouerait des tours trois mois plus tard, regroupé à la « La Maison Verte » tous les anciens qu’on a pu retrouver (*). On leur a annoncé que Jean avait obtenu la Médaille des Justes.

(*)  Parmi les enfants mis à l’abri à Cappy, ving-huit sont mentionnées sur le site du Comité Français pour Yad Vashem sous le titre « Personnes sauvées » (sic) :

Monsieur Simon Lewkowicz, Madame Rachel Messer,
Monsieur Maurice Messer, Madame Janine Lazerowicz,
Monsieur Michel Urmann, Madame Annette Zillinger,
Madame Rachel Lereah, Madame Jacqueline Lereah,
Monsieur Victor Lerea, Monsieur Gilbert Djian,
Madame Andrée Djian, Monsieur Paul Djian, Madame Léa Alter,
Monsieur Robert Alter, Monsieur Simon Chodosas,
Monsieur Maurice Chodosas, Madame Cécile Wexler,
Madame Gisèle Schapiro, Madame Betty Friedkowcki,
Madame Marcelle Zieffmann, Monsieur Michel Frieberg,
Madame Annette Liekowicz, Madame Eva Lisbonne,
Monsieur RaymondMaier, Madame Joséphine Benaros,
Madame Yvette Benaros, Madame Edith Lowenstein,
Madame Louise Cohen.

En novembre, un petit groupe d’anciens de Cappy est allé à Yad Vashem (*), à Jérusalem. Un arbre a été planté là-bas, à son nom, en 1980. De temps en temps, il y a quelqu’un qui va à Jérusalem, qui demande où est l’Arbre, qui va le voir Renée y est retournée en 86. Évidemment, elle est allée voir l’Arbre. « Mais enfin », dit-elle, « c’est un arbre, voilà »… :

(*) En 1953, l’assemblée législative de l’état d’Israël (la Knesset), en même temps qu’elle créait le Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem consacré aux victimes de la Shoah, décida d’honorer « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ». Le titre de Juste est décerné au nom de l’état d’Israël par le Mémorial de Yad Vashem.  Au 1er janvier 2012, 24 355 Justes parmi les nations de 41 pays ont été honorés. En tout, les Justes ont sauvé des centaines de milliers de personnes. Il s’agit actuellement de la plus haute distinction honorifique délivrée par l’état d’Israël à des civils.

L’Arbre de Jean, Yad Vashem (1980)