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1943-1944 : L’épopée de Cappy sous l’occupation…

En arrivant devant le grand portail de la propriété, on distingue très bien le château, de la route. Derrière ce portail partent deux allées, une à droite et une à gauche. Elles se rejoignent à l’esplanade, devant la façade Sud. La bâtisse est un peu rococo, du genre de celles que l’on construisait fin XIXe. C’est une grosse maison bourgeoise de deux étages, qui s’élève au pied d’une colline et qui se donne des faux airs de château. L’ensemble domine la vallée de l’Oise.

Au rez-de-chaussée dans l’aile Ouest, se trouvent la grande cuisine et le cellier qui sert de réserve. La cuisine s’ouvre sur le couloir longeant la façade et qui débouche sur trois grandes pièces : des salles réunions ou des réfectoires, au besoin. En fait, pensionnaires et encadrement prendront le plus souvent possible leurs repas à l’extérieur. Dès que le temps le permet, tout le monde s’installe dehors. Au premier et au deuxième étage, un couloir dessert les chambres où logent les tout-petits. Les plus grands dorment sous la tente. À l’Ouest, une tourelle d’angle abrite l’escalier. Ce qui est assez marrant, raconte Jacques, le fils de Jean, c’est que cet escalier arrive sur le toit en zinc. Bien sûr, les « grands » adorent se promener sur cette terrasse improvisée. Les gosses n’ont pas le droit, mais les aînés, eux, ont « tous les droits ». De là, la vue sur la vallée de l’Oise est magnifique. À côté du château, il y a une petite annexe. C’est là que s’installent Jean Joussellin et sa femme.

Derrière les bâtiments, après quelques allées, le terrain boisé monte assez vite à l’assaut des onze hectares de bois. Dans le parc côté Est, les précédents occupants avaient aménagé un stade, un terrain de jeux, une piste de saut et un bac à sable… Une véritable aubaine pour occuper les enfants ! Il y a aussi un potager qui n’est pas utilisé et une immense serre. Les gamins y jouent à l’abri par mauvais temps et elle fait quelquefois office de salle de réunion. Dans le parc s’élève un majestueux Tulipier de Virginie. Il devient immédiatement le lieu de rassemblement du camp. Chaque matin, tout le monde se réunit sous cet arbre magnifique. Il n’y a pas de lever de couleurs comme dans un camp scout traditionnel puisque c’est interdit.

Après avoir trouvé un local, il faut rapidement rassembler une équipe de volontaires pour accueillir et encadrer les enfants. Jean est donc le Chef de Camp. Le Chef Éclaireur est Jacques Walter, « Rama ». Il vient de la « La Maison Verte » où il est arrivé fin 1942. À l’époque, il venait juste de devenir chrétien et souhaitait se rendre utile auprès des enfants en participant au soutien scolaire. La Cheftaine Éclaireuse et adjointe au Chef de Camp, Renée David, est enseignante, sa sœur Geneviève s’occupe des louveteaux. Côté intendance, Yvonne, « Mutty », la femme de Jean, est chargée de la lourde tâche du ravitaillement. Des mères d’enfants dont les maris sont déportés viennent vivre à Cappy et s’occupent de la lingerie. Deux couples juifs assurent la cuisine, un couple ashkénaze et un couple séfarade (*).

(*) Les juifs ashkénazes viennent d’Allemagne, de France et d’Europe de l’Est, ainsi que leurs descendants. Les juifs séfarades sont des juifs d’Espagne, du Portugal, d’Italie, de Grèce, de Turquie, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, ainsi que leurs descendants.