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1948 : La coéducation à la branche Louveteaux

L’élargissement de la coéducation à l’ensemble du Mouvement

Sous l’impulsion du Comité Directeur et de l’équipe nationale, qui, dès 1948, élargissent le Mouvement aux filles, je contribue, avec l’équipe nationale Louveteaux, à la mise en place de la coéducation dans les meutes. Le scoutisme des Éclaireurs de France était un cadre idéal pour une formation à la démocratie. Et pour une formation à la démocratie, la coéducation s’impose !

La guerre nous avait mûris, nous avait permis de mettre en évidence la nécessité d’un engagement civique, social, de donner un sens à notre vie. Les responsables E.D.F. avaient la chance de pouvoir proposer, innover. Ils appartenaient à un groupe auquel on adhère librement, à un groupe dont les membres ont approximativement le même âge (contrairement à la famille), à un groupe dans lequel il n’y avait pas de compétition (contrairement à l’école), à un groupe encadré, organisé avec des responsables engagés, prêts à faire confiance. Depuis sa fondation, le scoutisme offrait tout cela, mais comment imaginer une formation équilibrée, destinée à préparer des adultes à être des citoyens sans la présence des filles et des garçons ? Cette évidence s’imposait à nous. À la branche Louveteaux, nous nous sommes mis au travail !

Un travail de réflexion

Si la coéducation s’imposait à certains naturellement, son extension à l’ensemble de la branche nécessitait une réflexion approfondie. L’étude, l’écriture, la diffusion d’une « méthode » rigoureuse de travail a pris beaucoup de temps.

Dans un premier temps, notre objectif devait être clair : nous participons à la formation des hommes et des femmes de demain, amenés à prendre les mêmes responsabilités. Cette réflexion citoyenne a fait l’objet de nombreux débats. Il fallait combattre les préjugés : « les femmes ne feront jamais un métier d’homme », « la femme s’occupe des enfants », « l’éducation et la formation des filles et des garçons doivent être séparés », etc. Des femmes célèbres de notre histoire, Maryse Bastié, Irène Joliot-Curie… nous ont beaucoup aidés. Un texte de Platon – trois siècles avant Jésus-Christ – nous prouvait que le problème de l’égalité des hommes et des femmes et de la formation en commun avait déjà été posé dans « La République » et que nous n’inventions rien ! (Voir le texte en annexe)

Depuis peu de temps, les femmes avaient le droit de vote. Ce droit, décidé par de Gaulle dans le cadre du Gouvernement Provisoire de la République Française, s’est exercé dès l’automne 1945 pour l’élection de l’Assemblée Constituante. Rappelons aussi que Léon Blum, dans son gouvernement, en 1936, avait nommé des femmes secrétaires d’État. Tout ce travail autour de la citoyenneté, facilité par le contexte d’après-guerre, donnait une dimension sérieuse à notre élaboration de la méthode Louveteaux.

Annexe : extrait de « La République » de Platon :

« Communauté de fonctions entre les deux sexes »

Avant nous, plus de trois siècles avant Jésus-Christ, Platon concevait la république avec des hommes et des femmes appliqués aux mêmes tâches, recevant ensemble la même éducation. Il balayait les critiques : « L’habitude aura tôt fait de justifier les pratiques qui ne choquent, en somme, que l’usage reçu »…

« Dans notre État, hommes et femmes seront appliqués aux mêmes tâches et, pour s’y préparer, recevront la même éducation. Entre les deux sexes il n’existe en effet aucune différence de nature sous le rapport des aptitudes techniques. Chez l’homme, ces aptitudes sont susceptibles d’un développement plus complet parce que servies par une force corporelle plus grande, mais c’est là une supériorité purement quantitative. Devant prendre part aux rudes travaux de la guerre, les femmes de nos gardiens s’exerceront avec les hommes dans les gymnases. Comme eux, elles ne craindront pas de quitter leurs vêtements, puisque la nudité convient aux exercices de la palestre. Certes, les plaisants ne manqueront pas de rire, de se moquer du bizarre spectacle qui leur sera offert, quand hommes et femmes de tout âge s’entraîneront nus, sans souci des rides et des marques indélébiles qu’a pu laisser sur leur corps le passage des années. Mais qu’importe ! Celui qui poursuit un but excellent – le développement harmonieux de sa nature – n’a point à tenir compte des railleries dictées par la sottise ou l’ignorance. D’ailleurs, l’habitude aura tôt fait de justifier des pratiques qui ne choquent, en somme, que l’usage reçu.

On choisira, parmi les femmes, celles qui sont douées d’un naturel propre à la garde, et, après avoir cultivé leurs qualités natives par la musique et la gymnastique, on les donnera pour compagnes et collaboratrices aux gardiens et aux chefs, car il n’est de haute fonction qu’elles ne puissent exercer »

(Livre V – Éditions Flammarion – Traducteur Roger Baccou)