Intervention de Jean-Marie Bataille,
Pédagogue,
Directeur des éditions Le social en fabrique
De quoi parle-t-on quand on parle de mixité ? Il faut revenir sur le terme lui-même. On parle de mixité quand on organise la mise en commun de parties préalablement séparées. La division des groupes sociaux, au principe même de la mixité, doit être étudiée en tant que telle, si on veut comprendre comment réunir ensuite les parties séparées.
Dans l’histoire des camps et colonies de vacances qu’observe-t-on ? Des observations d’une colo mixte ont été réalisées au cours des années 1950 par Blanche Harvaux (fondatrice d’une école nouvelle) : on donne à la mixité une fonction particulière : produire le couple hétérosexuel, fondateur de la famille. Elle observe un camp de garçon et de fille, et dit deux choses : d’abord que l’équipe essaie absolument de lutter contre les situations d’homosexualité, donc dès que des filles ou des garçons restent ensemble, l’équipe met en place des pratiques pédagogiques pour limiter cela ; ensuite, elle observe que l’équipe favorise l’agressivité sexuelle des garçons et la soumission sexuelle des filles. Cela prend plusieurs formes, par exemple quand des garçons font des irruptions brutales lorsque les filles prennent leurs douches, et c’est reçu avec une attitude qui est « cela fait partie des choses ». Un autre exemple est celui des filles à table : l’équipe se rend compte que les filles et garçons sont séparés, et va alors demander spécifiquement aux filles de faire de la table à table pour les garçons. Pourtant dans cette colo, plein d’autres choses se passent, il y a des moments où filles et garçons jouent aisément ensemble, mais elle en parle à peine et ne met pas ces moments en valeur.
Pour comprendre son propos, il faut revenir vers André Berge, qui a écrit en 1948 l’Éducation sexuelle et affective. Il est fondateur de l’École des parents et psychanalyste, avec une vision où le complexe d’Oedipe peut fonctionner si on permet au garçon d’entrer dans un rapport d’agressivité sexuelle, et si chez les filles, le principe de soumission est mis en place : cela fait partie pour lui du processus normal de réalisation du complexe d’Oedipe. C’est le livre le plus diffusé en France pour l’éducation sexuelle dans les années 50 et 60, et très connu également sur le plan international.
Que cherche-t-on à faire en séparant garçons et filles ou en les rapprochant ? Le premier niveau que l’on vient d’évoquer, c’est bien l’hétérosexualité comme perspective : la mixité est une manière de renforcer les stéréotypes de genre et de faire en sorte que chacun tienne bien sa place pour fabriquer la famille. Un autre plan, une autre visée possible est la question de l’égalité entre les garçons et les filles. Si on s’intéresse à la question de l’égalité, il faut noter immédiatement que dans une société, quand on sépare deux groupes, on fabrique en même temps des rapports dénivelés entre les deux groupes : l’un des deux groupes va être pensé comme supérieur à l’autre.
Si on veut travailler cette question, on doit poser que l’enjeu est de produire des situations d’égalité entre filles et garçons. Commençons par regarder, par le biais de la psychologie sociale, ce qu’il se passe lorsque l’on met ensemble deux groupes préalablement séparés, et donc avec un groupe dominant et un groupe dominé. On pourrait imaginer que la mise en commun pourrait produire immédiatement quelque chose de positif : or la psychologie sociale nous dit, les dominants changent : ils changent leurs préjugés à l’égard des dominés, par l’opportunité de les rencontrer. Mais il y a aussi des effets non souhaités : les dominés perdent en rigueur dans leur demande d’égalité. Ils étaient plus déterminés avant, et quand ils sont au contact des dominants, les dominés baissent leurs revendications, et notamment au profit d’un rapprochement avec la norme dominante. Quand on regarde à l’inverse des groupes de dominés seuls, on observe plusieurs choses. D’abord une partage de l’expérience face aux dominants est possible : les dominés parlent de ce qui se passent quand ils sont au contact des dominants, ce qu’ils ne peuvent pas faire en leur présence. Ensuite, il y a une demande d’égalité plus forte : collectivement, le groupe arrive à formuler une demande d’égalité plus nette.
Il y a donc une nécessité à travailler sur la rencontre entre les deux groupes, et ne pas se dire que cela va se passer naturellement. Cette question de la mise en relation est une question centrale, et je vous renvoie notamment is m’appuyer pour la suite sur les travaux d’Elise Vinet, maîtresse de conférence à Lyon II, qui s’est penchée notamment sur les centres sociaux et les MJC. Dans cette mise en relation, on observe que les dominants vont fréquemment s’appuyer sur la norme pour établir leur place au sein du groupe. Pourquoi ? Parce que fréquemment, cette norme est la leur. Elle vient d’eux, même indirectement, et elle apparaît aux yeux de tous comme la norme normale. Les dominés ont vont prendre des ressources dans les espaces informels : on parle de régulation de norme, et de régulation informelle. Si on veut travailler la rencontre entre ces deux groupes, il faut aussi penser des régulations conjointes, c’est-à-dire trouver des manières de penser des normes qui soient au service non pas de certains mais de tous. Il y a une clé vraiment déterminante également autour du lieu, de l’espace, où les participants vont pouvoir exprimer véritablement ce qu’ils ressentent.
Je vais partir de mes pratiques personnelles autour des pédagogies de la décision, mais en écoutant ce que vous dites, je pense que nous avons des points communs. D’abord il y a la question des réunions, ce que vous appelez des conseils, qui doivent être des endroits où s’expriment l’expérience des uns et des autres sur les rapports sociaux au sein du collectif. Mais on ne peut pas en rester là, notamment parce que ces espaces – on le sait- sont fréquemment appropriés par les dominants, symboliquement ou physiquement, sur les questions de temps de parole et de point traités.
Il faut donc multiplier les stratégies pour « ramener l’expérience » :
– par exemple les cahiers de ralage, inventés par la pédagogie institutionnelle dans les internats et dont le but est de surseoir à la violence à un moment donné, en posant par écrit son éprouvé, son conflit, que l’on traitera à un autre moment que pendant le « point chaud ». Le cahier de ralage fonctionne aussi avec le conseil : à ce titre, l’expérience montre qu’il ne faut pas terminer par le cahier de ralage, ce qui ne laisse pas le temps de l’explorer, mais commencer par lui. Si on commence par parler de la manière dont on vit ensemble, la question de l’activité se déplace : l’activité devient une manière de réguler la distance qu’on a les uns aux autres.
– Autre façon de faire : le « comment ça va ?» issus de la pédagogie de la décision, qu’on appelle aussi la « météo de chambre », qui est un moment pour vérifier, au sein d’un petit groupe, et en prenant vraiment le temps, toutes les relations qui animent ce groupe : en son sein, mais aussi avec les adultes, avec les autres enfants hors du groupe, etc.
– Troisième chose, utilisée par Yves Raibaud et issues de démarches féministes au Québec : les cartes sensibles. Elles ont été inventées pour voir comment les femmes vivent l’espace urbain, s’il y a des endroits où elles se sentent bien et d’autres où elles se sentent mal : car il y a des espaces qui fabriquent du bien-être ou du mal-être. On a réutilisé ça dans des colos, sur la base d’un plan général de l’espace : et cela fonctionne assez bien, ça permet d’accéder à des informations sur le mal-être, sur les tensions, que l’on avait pas autrement.
– Quatrième exemple : la réunion non-mixte. Le but est de donner un temps pendant lequel on permet à des individus, pour un temps, d’être définis par quelque chose qui se joue dans la présence des corps. Toutes ces questions se jouent aussi sur le plan physique, dans l’espace, et pas uniquement intellectuel, ils ne faut pas l’oublier. Cela peut s’appliquer bien entendu aux garçons et aux filles, mais aussi aux blancs et non-blancs, aux valides et handicapés… Toutes ces choses ne se disent pas toujours, du coup, les réunions non-mixtes permettent parfois de se le dire, le fait d’être « entre-soi » permet aussi de libérer la parole.
Pour continuer sur cette question de la mise en relation, qui ne va pas forcément de soi, parlons de la question de la médiation. Sur la question du harcèlement par exemple, on a beaucoup avancé sur les méthodes, dont certaines sont posées depuis plusieurs années. Un protocole d’action est par exemple :
– écouter les protagonistes séparément, jamais en co-présence. Il faut que les deux aient la possibilités de dire ce qu’il se passe, sans l’interférence avec l’autre.
– ne pas faire de sanction, pour dépasser, sortir du modèle avec un coupable immédiat sanctionné par la collectivité ; parce qu’il s’agit souvent de situations systémiques où plusieurs acteurs sont impliqués, et où les observateurs sont aussi responsables en observant sans agir.
– impliquer le harceleur dans la solution : « tu sais, untel se sent mal, il est n’est pas bien : est-ce que tu pourrais faire quelque chose pour l’aider », ce qui des témoignages recueillis conduit souvent le harceleur à finir par dire « tu as raison, peut-être que moi aussi je contribue à ce qu’il ne soit pas bien », comprend qu’il est aussi acteur de ce système et parvient à reprendre sa responsabilité.
Il faut d’ailleurs noter que dans la médiation scolaire, l’observation montre que fréquemment, les situations de harcèlement sont très anciennes, viennent parfois d’en dehors de l’école, traînent sur plusieurs classes, voire se sont inversées le harceleur et le harcelé. Il faut qu’en temps qu’adultes, nous évoluions sur notre capacité à entendre ça, à entendre « l’éprouvé » des enfants.
Pour terminer je voudrais présenter comme support les travaux d’un professeur de sciences de l’éducation et de psychologie, Omar Zana, à l’Université du Maine, qui a d’abord travaillé dans les prisons. Les jeunes qu’il rencontrait étaient tout à fait perméables à l’idée de la norme : ils savaient qu’ils avaient transgressé une norme et que du coup, ils étaient sanctionnés. Par contre, ils avaient du mal à intégrer que leur attitude avait eu des conséquences sur d’autres, sur les victimes, comme une incapacité empathique. Il travaille depuis sur des formations à l’empathie auprès des enseignants. On sait que la capacité d’empathie va se développer entre 8 et 13 ans environ, et on sait par les neurosciences qu’il existe des neurones-miroirs : quand quelqu’un fait un geste en face de nous, nous avons à ce moment les mêmes zones du cortex qui s’allument, et que c’est certainement un phénomène clé à la fois dans l’apprentissage et dans l’empathie. Il travaille lui sur un protocole avec des enfants, pour passer d’une capacité à entendre l’autre à une capacité à comprendre l’autre. Le but est d’arriver à saisir que le point de vue de l’autre peut être différent du mien.
Pour conclure, je crois que cette question qui nous anime est en train de se renouveler. Nous sommes passé de la période où s’est ouverte la question de la mixité, à une période où peut-être, nous nous ouvrons à la mixité et à la division des groupes sociaux, autrement dit une période qui arrive à penser les deux en même temps – on fabrique de la rencontre mais on pense qu’il y a eu la séparation. Nous avons un déplacement à faire : en quoi, dans ces situations, l’ensemble des individus sont traités de manière égale. Le principe de la rencontre entre des individus qui ont été traités de manière inégalitaire, c’est aussi que dans la rencontre, on puisse déconstruire ces mécanismes inégalitaires pour essayer de trouver ensemble la manière de les dépasser. Cela suppose probablement que l’on accepte dans ce travail des étapes, des chemins multiples. Ne laissons pas cependant la solution aux dominants : travaillons avec les dominés sur les manières de parvenir avec cela. Cela revient à une phrase de Mandela, qui disait : « Tout ce qui est fait pour nous, sans nous, est fait contre nous».
Interventions des participant-e-s suite à l’intervention de J.M. Bataille :
Quels sont les critères qui vous permettent de définir un groupe de dominants et un groupe de dominés ?
Certains auteurs parlent de « statuts hérités », c’est à dire qu’il y a eu des moments dans l’histoire où l’on sait que les groupes ont été séparés, et que pendant ces périodes, on a créé des rapports de dominants et dominés.
Mon hypothèse est que l’inscription dans nos représentations de ce moment-là de l’histoire est puissante, et nous habite encore : tant qu’on n’a pas déconstruit les stéréotypes et les représentations issus de ce moment, on y est encore. En l’occurrence, c’est le moment où on a séparé dans l’histoire l’espace public et l’espace privé, les hommes et les femmes, qui correspond il me semble (mais je ne suis pas historien) à la fin du Moyen-Age et à l’époque des procès en sorcellerie qui touchent surtout les femmes. C’est aussi le moment de la naissance du capitalisme, et de la refondation de la question de l’esclavage après la chute de Constantinople.
Il me semble qu’il y a une triple fabrication historique : un modèle socio-économique, le capitalisme, en tant que système économique, un certain type de rapports homme-femme et une certain type de rapport de l’occident au reste du monde. Et ces choses là, à travers le patriarcat, les rapports Nord-Sud, nous animent encore.
Comment interpréter les trajectoires individuelles d’un groupe à un autre ?
C’est une question qui rejoint des critiques faites à Bourdieu : « votre schéma est magnifique, mais finalement c’est aussi des cas uniques et il faudrait regarder la circulation des individus ». C’est précisément ce qui m’intéresse. Barrie Thorne, qui a travaillé sur les cours d’école, parle du « travail des frontières » : elle s’est rendu compte que dans les cours de récréation, les garçons fabriquent des frontières pour dire aux filles « ça c’est notre espace, vous vous restez sur le coté ». Alexandra Ferreira qui fait une thèse auprès de la Ville de Paris montre ça aussi dans les centres de loisirs. Ma réflexion c’est justement : comment on fabrique les conditions pour abaisser justement ces frontières, et se remettre dans des relations mutuelles ?
Est-ce qu’on peut revenir sur le Mouvement de l’Enfance Ouvrière ? L’interlocuteur actuel de ce Mouvement expliquait que non, ce Mouvement n’était à l’époque pas du scoutisme, notamment parce qu’il avait dès l’origine la coéducation et l’attention à la démocratie. Est-ce que les deux ne sont pas justement très liés ?
Il y a une réponse simple de William Reuben George là-dessus, qui a rencontré Baden-Powell. La discussion était est-ce qu’on fait la même chose : la République des jeunes et le scoutisme ? Et sa réponse à lui, Reuben-Georges, est : non. Non parce que le scoutisme s’intéresse initialement à la formation des élites, et fait de la responsabilité un enjeu central, alors que lui met au centre la question de la citoyenneté et de la démocratie, avec comme point central la fabrication commune de la loi. Ces idées ont été nourricières ensuite en France. Peut-être que dans la visée du scoutisme sur la fabrication des élites, il y a des choses à déconstruire, et qu’il y a des chaînons à remettre dans ce circuit, comme ce qui a été exposé ce matin sur le lien fait avec la mixité fille-garçon et la centralité de la démocratie du petit groupe à partir de 1947 sur votre branche louveteaux.
Comment porter ces questions dans les lieux de formation actuels, les ESPE ou dans le champ de l’éducation populaire, si attaqué aujourd’hui ?
C’est une question essentielle : si on ne bouge pas, on meurt. Je ne peux répondre qu’à mon niveau. J’ai fait bouger dans mes représentations, dans mon rapport aux autres, deux choses : aller voir quel est mon rapport aux femmes d’abord, même si je ne suis pas au bout du cheminement.
Yves Raibaud dit : « quand j’organise un colloque, j’appelle toujours, en premier, les copines pour voir si elles peuvent venir, et ensuite seulement les copains ». Il s’est rendu compte que s’il ne faisait pas ça, il n’avait que des hommes que la scène. Donc il a construit une stratégie.
Sur le travail sur Génération Camp Colos que je fais actuellement au Ministère, la démarche a été lancée dans l’urgence, il fallait démarrer très vite. On a monté une équipe de 10 personnes : j’ai pensé à appeler les copines femmes. Elles sont là. Je n’ai pas pensé à appeler les collègues afro-descendants, et bien ils n’y sont pas. J’ai oublié, c’était trop rapide et mon fonctionnement immédiat a été de retrouver du « même », alors que je suis plutôt vigilant sur ces questions. Parce que je sais qu’on ne peut pas poser ces questions centrales sans… être en vis-à-vis, en co-avis. Chacun doit se poser les questions de son monde, qu’est-ce qui fait que j’ai ça dans mes représentations, comment je le dépasse ?
Vous évoquez la séparation des groupes de dominants et de dominés. Nous avons l’expérience du scoutisme avec des handicapés, des enfants sourds. Et nous avons toujours considéré que lorsqu’on leur permettait de vivre en communauté, ils pouvaient s’exprimer, ils ne se sentaient plus comme des dominés. Cette notion de communauté, qui peut s’appliquer aux femmes, aux sourds, aux musulmans… est-ce qu’elle n’est pas un peu brouillante aujourd’hui ?
Pour moi c’est une question de stratégie de fabrication d’une société. : comment, stratégiquement, on va s’y prendre pour construire des rapports égalitaires, pour neutraliser les rapports inégalitaires ? Un collègue travaille avec des jeunes diabétiques et dit, le fait d’avoir des espaces propres, l’expérience de ces jeunes de vivre entre et de pouvoir sortir du regard condescendant et du regard méprisant est ce qui permet de se reconstruire une estime de soi, et c’est à partir de là qu’on peut rencontrer l’autre. Sans cette estime construite préalablement, on est trop vite repris par les systèmes de stéréotype, de domination, on se les reprend dans la figure et on est reparti pour un tour.
Dans ce qui se passe dans les quartiers populaires, on a quelque chose de cet ordre là. Par exemple sur l’éducation populaire, y a un slogan récent de l’État pour favoriser les colonies de vacances : « c’est bon pour vous ». Mais c’est bon pour qui ?! Est-ce qu’on est pas un peu condescendant envers la population des quartiers populaires en disant ça ?!
Pour aller un peu plus loin, il faut regarder par exemple le travail de Silyane Larcher, dans un livre L’autre citoyen : elle essaie de comprendre le statut différent de citoyen en Guyane et aux Antilles et en métropole, et elle réalise que si cette différence existe, c’est qu’en 1854, fin de l’esclavage, certains élus pensent qu’il faut quand même pas donner la citoyenneté normale aux anciens esclaves, parce qu’ils ont été socialisés dans l’esclavage, alors c’est quand même pas tout à fait des citoyens. Là on fabrique de la communauté. Je pense qu’aujourd’hui, pour ce qui concerne les quartiers populaires, on pense d’une certaine façon que parce qu’ils vivent entre eux (et comment on a fabriqué ce « vivre entre eux »?) et bien ils auraient une citoyenneté différente.
Ça fait des années que je rencontre ça dans le travail que je fais dans les quartiers : on me demande systématiquement de travailler les questions de citoyenneté avec eux. Il y a un positionnement de départ qui est de dire qu’ils ne sont pas citoyens comme tout le monde. Tant qu’on ne bouge pas sur ce sujet-là, tant qu’on ne les pense pas comme partie intégrante du « nous », on n’arrivera pas à travailler ensemble pour construire la société.
En ce qui concerne les colonies de vacances, il n’y en a plus : que font les jeunes que ce soit dans les beaux quartiers ou les quartiers populaires pendant les vacances ? On a un Ministère de la jeunesse et des sports : les sports on en parle, mais les Mouvements de jeunesse, ça n’existe plus !
Ce que je vais dire ne va pas vous plaire. Ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est qu’il y a un développement des colos dans les quartiers populaires, au travers de mini-camps, mais que les Mouvements d’éducation populaire ne reconnaissent pas comme étant des colos. Pourquoi ? Parce que ça concerne « d’autres » ? Quand je parlais de ce que je faisais dans ces quartiers, on me disait souvent « ah mais toi c’est différent, tu fais un boulot d’éduc ». Mais pourquoi il faudrait des éduc dans ces quartiers ? Ils sont si différents que ça ? C’est le problème aujourd’hui du monde des colos : ça reste un entre-soi. Et c’est vrai, du coup, les colos dégringolent. Mais ce n’est pas une question d’argent, parce que justement d’autres formes émergent.
Ça ne nous plaît pas, mais pourquoi ? Parce que ce n’est pas notre vision de « la bonne colo » ? le « bon séjour » ? On retombe sur « ce qui est bon pour eux » : il faut qu’on fasse gaffe à cette condescendance. Allons plutôt voir comment fonctionnent ces animateurs, ce qu’ils font, ce que ça comme effets sur les enfants. D’autant qu’ils pratiquent, comme vous, et à l’inverse des colos, de la continuité éducative : ces séjours sont issus des MJC, des centres sociaux, du terrain.