La coéducation vécue à la branche Éclaireurs dans les années 60
Contribution de Claude et Michel Francès :
Des trajectoires qui convergent « pour le meilleur et pour le pire »
Claude, 72 ans
(c’est une fille, même si le prénom peut prêter à confusion).
En 1950, elle entre chez les « petites ailes » de la section unioniste de la Fédération Française des Éclaireuses à Saintes (17). Elle devient éclaireuse et en 1954 elle intègre un clan « libre » de la F.F.E. et participe à un camp de formation de responsables réservé aux filles. En 1961, à la suite de la disparition du groupe F.F.E. de Saintes, elle rejoint le groupe E.D.F. (Éclaireurs de France) de la même ville, qui, bien qu’officiellement réservé aux seuls garçons, accepte déjà des filles. Elle découvre alors les attraits et le surprises de la coéducation puisqu’elle encadre, avec un responsable garçon, une unité « mixte » où, cependant, les patrouilles sont séparées selon les « genres ».
En 1962, elle quitte le département pour aller à Orléans où elle va commencer une formation d’infirmière. Bien sûr, son attachement au scoutisme la conduit, tout naturellement, à poursuivre son parcours chez les E.D.F., très nombreux dans cette région. Elle a 19 ans et entre alors dans une équipe expérimentale chargée de développer le scoutisme laïque en milieu rural. Cette équipe de quatre responsables est dirigée par un assistant du commissaire départemental., spécialiste de la branche verte , un certain Michel Francès qui a 24 ans et un passé scout déjà affirmé. Ils vont créer, dans chaque canton du département, deux « patrouilles libres », une de filles et une de garçons. Celles-ci sont autonomes mais pratiquent des activités communes. De même, au sein de l’équipe dirigeante, on apprend à travailler, décider et agir ensemble.
Les rapprochements naturels se concrétisent, notamment entre l’ancienne responsable F.F.E., Claude, et le responsable E.D.F., Michel. En 1964 ;, ils décident de se marier et, simultanément, ils participent au mariage, la même année, des deux associations. Et à la naissance du nouveau et premier Mouvement scout laïque ouvert aux filles et aux garçons, les Éclaireuses & Éclaireurs de France ».
Michel, 77 ans.
Il découvre les louveteaux à Toulouse en 1947, puis les éclaireurs. N’est pas « routier ».
Devenu responsable branche éclaireurs, son parcours universitaire et professionnel le conduit au nomadisme… À Cahors d’abord, où il est « chef de troupe ». Celle-ci comprend trois patrouilles de garçons. Pas de filles dans le groupe. En 1955, à Garches, en région parisienne, il découvre la branche « Extension » du Mouvement et pratique le scoutisme avec des jeunes garçons en rééducation de séquelles de poliomyélite. Toujours pas de filles…
En 1960, il rejoint le Loiret, important fief E.D.F. (quatorze groupes). D’abord chef d’une troupe de garçons, il côtoie des filles puisque, dans le même groupe, il y a également une troupe d’éclaireuses. Cependant, à part quelques manifestations concernant l’ensemble des unités du groupe (par exemple, la fête de groupe) les unités ont des activités distinctes et campent séparément filles et garçons.
En 1962, Michel, chargé du développement pour le département, créée un équipe de responsables qui va sillonner le territoire, tels des V.R.P. de l’association, pour proposer dans chaque chef-lieu de canton une structure légère, permettant aux jeunes de la ville de découvrir les bienfaits du scoutisme. Ils sont quatre responsables, deux filles et deux garçons, issus de la branche « verte », âgés de 18 à 24 ans, qui vont mettre en place deux « patrouilles libres », une pour les filles et une pour les garçons. Mais, cette fois, les activités proposées sont communes à tous. Cependant l’autonomie de chaque patrouille est respectée : elles élisent leuyr chef de patrouille (C.P.) et conservent leur organisation spécifique. En été, l’équipe « foulard vert » (les jeunes de toutes les patrouilles libres portent tous le même foulard distinctif) organise un camp qui regroupe toutes les P.L. du département – environ une vingtaine. Toute la vie au camp est commune aux deux sexes. Toutefois, pas de « mixage » dans les patrouilles, toilettes et couchage sont séparés.
Pour conclusion ce témoignage, il faut relater un événement anecdotique que la région Midi Pyrénées des E.E.D.F. reprendra comme symbole pour l’organisation en 20014 d’un grand rassemblement à l’occasion du cinquantième anniversaire de la création de l’association.
Comme cela vient d’être présenté, Claude et Michel ont pratiqué le scoutisme chacun de son côté, l’une dans une association réservée aux filles, la Fédération Française des Éclaireuses, l’autre chez les garçons, aux Éclaireurs de France. Au fil des années, ils ont, petit à petit, découvert les richesses de la coéducation entre filles et garçons et mis en pratique celle-ci. Certes, ils l’ont expérimentée pour les jeunes qui leur étaient confiés, mais aussi pour eux-mêmes, au sein de l’équipe départementale des patrouilles libres du Loiret, en découvrant les avantages d’une vie commune quotidienne naissante au-delà du scoutisme. Ainsi, tandis que les deux associations décident, en 1964, d’officialiser le rapprochement, par la naissance d’un nouveau Mouvement, officiellement ouvert aux filles et aux garçons, Claude et Michel décident, eux aussi, d’officialiser leur rapprochement en célébrant leur mariage la même année. C’est pourquoi, en 2014, on a fête, chez les E.E.D.F. de la région toulousaine, le cinquantième anniversaire de la naissance de l’association et celui du mariage de deux anciens responsables, vétérans de la F.F.E. et des E.D.F., devenus, eux aussi, des E.E.D.F.