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2015 : une fiche de présentation du Mouvement

 

Petite histoire du scoutisme laïque en France : un scoutisme atypique

 

 

 

 

 

Cette présentation, demandée à l’A.H.S.L. par les responsables « communication » du Mouvement, est à la disposition de tous…

 

 

 

Atypique, le scoutisme « laïque », créé en France en 1911, l’a été tout au long de son existence… et l’est toujours après plus de cent ans. Passage en revue rapide…

 

 

 

 

« Inventé » en Grande-Bretagne en 1907 par Robert Baden-Powell, le scoutisme « originel » est importé dans notre pays assez rapidement, par l’intermédiaire des Unions Chrétiennes de Jeunes Gens (en anglais, Y.M.C.A.). Après quelques années, cette expérimentation conduit à la création de trois associations : les Éclaireurs Français (E.F.),  les Éclaireurs de France (E.D.F.) et les Éclaireurs Unionistes (E.U.) : cette dernière est le prolongement des U.C.J.G., d’où son nom, mais les deux premières s’affirment « ouvertes à tous », c’est-à-dire, essentiellement, sans référence religieuse obligatoire. C’est une première différence par rapport à la définition anglaise, qui faisait référence à Dieu dans la formulation du « serment » que devait prononcer chaque éclaireur. C’est ainsi qu’apparaît la « laïcité » – le terme ne sera utilisé que quelques années plus tard – en liaison avec la loi de séparation des Églises et de l’État qui date de 1905.

 

 

 

 

Attention, laïcité ne signifie pas rejet ou refus des religions : c’est ainsi que le président et le responsable national des Éclaireurs de France sont des catholiques  pratiquants et le vice-président, pasteur, choisit les E.D.F. et non les E.U. justement à cause de leur accueil ouvert. À noter que la hiérarchie catholique rejettera vigoureusement, pendant une dizaine d’années, le principe même du scoutisme avant, dans les années 20, de l’adopter – et, en quelque sorte, de se l’approprier au point de devenir majoritaire dans un pays où la plupart des garçons et des filles s’inscrivent au « catéchisme »…

 

 

Assez rapidement, le scoutisme sera également proposé aux filles, avec la création d’une structure originale, une « Fédération Française des Éclaireuses » (F.F.E.) groupant des « sections » dont certaines sous référence religieuse (Unioniste et Israélite) et une « neutre », ouverte à toutes. Ici encore, on note une particularité par rapport à la définition originelle !

 

 

 

 

Dans les années 30, le scoutisme laïque, E.D.F. et F.F.E. « neutre », se rapprochent de l’Éducation nationale, de nombreux enseignants appréciant la « pédagogie active » qu’il propose. Dans le même temps, une réflexion est menée sur l’élargissement de l’apport du scoutisme à l’ensemble des loisirs éducatifs, conduisant à la création des CEMEA, Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active, pour l’animation des colonies de vacances.

 

 

 

 

En 1940, les associations de scoutisme se rapprochent pour créer la Fédération du Scoutisme Français, qui s’efforcera, au cours des années suivantes, de défendre les Éclaireurs Israélites menacés et finalement dissous par le régime. De nombreux membres de ces associations s’engageront dans la Résistance ou la France Libre (les responsables nationaux du scoutisme catholique, qui ont fait allégeance au nouveau régime, ne seront pas toujours suivis à la base). Interdit en zone occupée, le scoutisme survivra sous des formes diverses ; en zone libre, il connaîtra un certain développement car apportant une réponse au besoin d’animation de la jeunesse en des temps difficiles.

 

 

 

 

Après la Libération, le scoutisme en général va retrouver toute sa place mais le scoutisme laïque entame un processus d’évolution irréversible, facilité par le fait qu’il ne dépend d’aucune autorité « spirituelle » : les équipes nationales, formées de responsables disposant tous d’une réelle expérience de terrain, proposent les grands lignes de cette évolution, essentiellement dans trois directions majeures : démocratie, coéducation, ouverture. Chacune des ces rubriques mérite un petit arrêt sur image, car elles restent à la base de l’orientation actuelle du Mouvement.

 

 

 

 

– Démocratie, d’abord : le scoutisme, porté, à l’origine par un militaire, semble avoir créé une structure et un mode de fonctionnement basés sur la notion de « chef » : on va la remplacer progressivement par celle de « responsable », le changement se traduisant d’ailleurs aussi dans le vocabulaire. Les termes rappelant un peu trop l’armée – troupe, patrouille – seront progressivement abandonnés. Les « techniques » scoutes, inventées pour répondre aux besoins nouveaux de la vie dans la nature, seront accusées de s’être un peu sclérosées et d’être devenues plus « rituelles » que créatives… On va les élargir !

 

 

 

 

Cet « élargissement » va concerner, au passage, deux des fondements du scoutisme initial, la « loi » et la « promesse ». La loi, qui engageait le jeune à la troisième personne – « l’éclaireur sait obéir » –  va devenir « règle d’or » qui engage la collectivité – « nous vivons la démocratie ». Le rituel de la promesse, devenu quelquefois un simple rite de passage, prendra la forme d’un engagement au choix de chacun. À noter d’ailleurs qu’on ne trouve dans aucun document officiel un texte évoquant l’abandon pur et simple de ces formes, chaque groupe restant libre de les conserver ou de les faire évoluer.

 

 

 

 

C’est donc au niveau de la pédagogie, c’est-à-dire de la formation, que cette évolution va être proposée, définie, expérimentée et concrétisée – quelquefois au grand dam de ceux qui, ayant acquis une expérience, ne souhaitent pas trop en changer. Autrement dit, le Mouvement a été, en permanence, agité par des querelles entre anciens et modernes, et c’est encore le cas aujourd’hui.

 

 

 

 

Cette nouvelle orientation se prolonge par l’affirmation d’une volonté : jouer un rôle majeur dans la formation du citoyen dans le cadre des « sociétés de jeunes » fonctionnant démocratiquement ; elle se traduit par la rédaction et le vote en Assemblée Générale d’un nouveau texte pour l’article premier des statuts de l’association E.D.F. : « L’association a pour objectif final de préparer des citoyens conscients des problèmes sociaux et soucieux de les résoudre. Elle ne sépare pas ce devoir civique de la lutte pour libérer l’homme de tout asservissement. »

 

 

 

 

– Deuxième volet de cette évolution, le choix de la coéducation des filles et des garçons. Pour bien comprendre la caractère « atypique » de ce choix, il faut le situer dans une période où la « mixité » est très rare dans les établissements scolaires, l’égalité des sexes mal acceptée ou refusée par certaines doctrines, religieuses ou autres – et le scoutisme international considère que « c’est un non-sens de vouloir appliquer aux filles les méthodes de formation virile voulue par notre Fondateur pour les garçons »… C’est dire à quel point les Éclaireurs de France font novation quand ils se déclarent, en 1949, « mouvement de coéducation des filles et des garçons ». Ici encore, c’est une réflexion, suivie d’expérimentations et d’une adaptation de la formation des responsables. Cette évolution se traduira en 1964 par la création d’un « nouveau Mouvement », né de la fusion des Éclaireurs Français, des Éclaireurs de France et de la section « neutre » de la Fédération Française des Éclaireuses : c’est l’origine de l’association actuelle des Éclaireuses et Éclaireurs de France. Les autres associations du Scoutisme Français suivront cette voie au cours des années suivantes.

 

 

 

 

– Troisième volet de l’évolution née dans l’immédiat après-guerre, une volonté d’ouverture. Elle se traduira très rapidement par la création du Mouvement des Francs et Franches Camarades – aujourd’hui les Francas – mais également par la mise en place de grandes activités prolongeant le scoutisme, d’abord à la branche aînée (spéléologie, archéologie, plongée, chant, sports aériens…), mais aussi, en liaison avec les Comités d’entreprises : vacances d’adolescents, Circuits Corse, Caravanes 15-24, relayés aujourd’hui par un ensemble de « services vacances » régionalisés. À noter également, dans cet esprit, deux domaines d’actions, l’un en direction des jeunes handicapés avec le « scoutisme d’extension », l’autre en direction des associations créées dans les pays colonisés, et, le plus souvent, animées par des enseignants ou des fonctionnaires venus de métropole : cette participation à la décolonisation s’est traduite d’abord par la formation de responsables locaux appelés à assurer le relais, puis par la reconnaissance d’associations nationales indépendantes démocratiquement animées par les mêmes.

 

 

 

 

Ce résumé rapide met en évidence une conclusion : atypique, le scoutisme laïque l’a donc été tout au long de son existence, par ses choix fondamentaux apparus progressivement : laïcité – c’est-à-dire accueil de tous sans dépendance religieuse, politique ou intellectuelle –, démocratie – c’est-à-dire participation active à la formation du citoyen –, coéducation – c’est-à-dire participation concrète à une évolution vers l’égalité des sexes –, ouverture – c’est-à-dire acceptation de prolongements de notre scoutisme en réponse aux besoins de « loisirs éducatifs » de la jeunesse. Membre actif du scoutisme international, le scoutisme laïque français est heureux d’en avoir, à la fois, conservé les principes fondamentaux et accompagné (et même, quelquefois, précédé) les évolutions nécessaires.