Rechercher

2016 : Pierre Bonnet nous a quittés

 

 

(Intervention lors de la crémation de Pierre Bonnet)


Pierre Bonnet                                                                                                           

 

Jacqueline ne m’en voudra pas si je commence par rappeler que Pierre a été, pour notre Mouvement de scoutisme laïque, l’exemple même du militant passionné et efficace.

 

La première fois que nous en avons entendu parler, c’était par René Duphil, qui évoquait avec admiration ce couple de responsables du groupe de Commentry : ayant découvert les E.D.F. à l’École Normale de l’Allier sous l’égide d’Henry Gourin, à la fois inspecteur primaire et commissaire national Éclaireurs, Pierre en a compris toute la valeur éducative et complémentaire de l’école et s’y est consacré avec Jacqueline. Leur groupe local était vivant, dans une petite ville ouvrière, où il avait construit un local et où sorties et camps d’été se succédaient… Bref, la victime toute désignée pour être appelée à l’échelon national et y prendre des responsabilités.

 

Il faut s’arrêter un peu sur cet épisode : bien tranquilles dans leur province, nos amis Bonnet se sont trouvés, pratiquement du jour au lendemain, obligés de rompre avec leurs habitudes, de découvrir Paris, ses problèmes de logement, la construction d’une nouvelle façon de vivre… Pierre a accepté cette rupture, et a été séparé de ses enfants pendant quelques temps, par pur dévouement à ce Mouvement. Une petite anecdote au passage : Jean-Jacques, comme tous les enfants Bonnet, avait reçu de grands principes. Par exemple, il fallait se brosser les dents avant d’aller à l’école. Et comme, quand il est arrivé à Paris, il ne retrouvait plus sa brosse à dents, il ne voulait plus aller à l’école… C’est dans cette période que nous avons fait la connaissance de Pierre et que nous avons pris conscience de ce qui lui était demandé.

 

Des responsabilités, Pierre allait en avoir rapidement : en 1960, nous étions à la veille du cinquantenaire des E.D.F. et la décision avait été prise de le fêter, à tous les niveaux et sous plusieurs formes. Et c’est lui qui allait en être chargé… Écoutons la description qu’il nous en a donnée pour notre site, avec son style joyeux – je vous suggère de lire son témoignage en totalité sur le site « histoire du scoutisme laïque » :

« Le congrès d’Orléans et salle Pleyel : du 20 au 22 mai 1961, nous déplaçons plus d’un millier de responsables et routiers. Et cette année se clôt salle Pleyel, avec quelque 2000 participants et acteurs, en janvier de l’année suivante.

Et, surtout, Clermont-Ferrand… : nous y sommes 8331, pas un de moins, 6128 éclaireurs, 202 routiers, 2001 louveteaux !

… Et surtout, surtout, le Puy de Côme : car nous allons, tous, au “ Puy de Côme ”. Le cratère du Puy de Côme (1253 mètres, ce n’est pas l’Annapurna, mais tout de même, il faut y monter, surtout avec 2001 Louveteaux…)

Deux jours plus tard, inspectant le cratère en hélico, je constate que nos brodequins en ont labouré le flanc ; j’ai vérifié depuis que la végétation a repris le dessus… »

 

Bref, dès le début de 1962, la démonstration est faite : on a bien fait de faire appel à Pierre Bonnet ! Il va donc, au cours des dix années suivantes, prendre en charge un ensemble de missions où il confirmera, à la fois, sa parfaite connaissance du Mouvement et son attachement à ses valeurs. Formation et publications seront ses domaines d’action. En ce qui concerne la formation, notons la renaissance du « Cappy Commissaires », rencontre destinée aux échelons territoriaux où il combine fort élégamment les apports « intellectuels » et les conseils pratiques de gestion d’un groupe au jour le jour. Ayant participé à l’animation de ces stages, je me rappelle un sujet alors très préoccupant, l’information des responsables de groupes sur les problèmes d’investissement en  attirant leur attention sur les difficultés qui peuvent naître par la suite. Après un petite séance de « brainstorming », nous avons retenu une formule : « investissez… un paysage et de l’eau ». Bon exemple d’une approche concrète !

 

En ce qui concerne les publications,  Pierre a assuré la « rédaction en chef » de l’ensemble des revues et, en particulier, de Routes Nouvelles, mais aussi conçu et édité une série de « plaquettes » traduisant une politique de communication du Mouvement… Dans tous les cas, Pierre a su combiner les « valeurs » – le niveau « intellectuel » – et le « terrain » – le niveau concret. Relisons ses éditoriaux de Routes Nouvelles, c’est frappant.

 

Aux côtés de Jean Estève, commissaire général lui aussi arraché quelques années plus tôt à sa province, Pierre a été un grand animateur de l’équipe nationale et a participé efficacement à la création du « nouveau Mouvement » des Éclaireuses et Éclaireurs de France en 1964 ; il a assuré, en 1966, la réussite de la rencontre dite de l’an II qui a concrétisé cette création. Il a donc semblé logique de lui demander de devenir à son tour commissaire général jusqu’en 1972.

 

Je termine là le parcours « éclaireurs » de notre ami. Je ne peux que regretter que le Mouvement n’ait pas su remettre à Pierre cette « médaille de reconnaissance » qu’il méritait grandement et je veux bien lui transférer la mienne, nettement moins méritée. Comme souvent, on oublie un peu trop que ces permanents nationaux sont, à la fois, des permanents et des bénévoles et qu’ils ont aussi une famille… Autrement dit, qu’il sont à la fois salariés et bénévoles : au siège dans la semaine, et en activités souvent le week-end et pendant les vacances.

 

Le 23 avril dernier, sur une carte amicale, Pierre – qui a toujours aimé mémoriser les dates – rappelait « 23 avril 1945, Jacqueline me drague… ». C’est notre amitié avec Pierre et Jacqueline que je voudrais évoquer en terminant. C’est ce couple créé il y a 71 ans, accompagné de ses trois enfants, que nous avons connu et avec lequel nous avons vécu quelques épisodes : par exemple, un voyage en Grèce – à quatre couples EDF bien sûr – pour rejoindre le Jamboree de Marathon en 1963 ; quelques séjours dans nos Cévennes ou à Serre-Chevalier… Un petit souvenir : dans les Cévennes, Jacqueline et Pierre voulaient se rendre utiles et avaient entrepris d’ouvrir un chemin sur un terrain envahi par la végétation, plus haute qu’eux : ils se guidaient à la voix et, bien entendu, se sont croisés et ne se sont pas retrouvés au bout du terrain. Ce qui nous a bien fait rire, la position d’observateurs étant plus facile à assurer et nous y avions gagné deux allées…

 

Jacqueline, Claude, Danièle, Jean-Jacques, je ne sais pas si ce petit témoignage vous aidera à atténuer votre peine mais je peux vous assurer que nous n’oublierons pas cette immense personnalité.

 

Merci Pierre.

 

Lors d’un « Cappy Commissaires » à Boulouris