La « crise » – 1972-1977 :
La période de parution de « Notre style » en mai 1968, – quatre ans après la création du « nouveau Mouvement » des Éclaireuses et Éclaireurs de France, concrétisation du choix, depuis 1947, de la coéducation des filles et des garçons -, va en masquer l’intérêt car ce document sera surtout considéré comme un nouveau « cérémonial », plus tellement d’actualité. Si ce rappel des règles et des traditions y occupe une place, il n’en est pas l’essentiel et reste intéressant par ce qu’il représente d’expérience et d’analyse des risques. La démonstration va en être faite peu de temps après, à partir d’une mise en cause du fonctionnement du Mouvement à l’occasion d’une Assemblée Générale.
Très concrètement, un groupe de responsables participant à un «camp école» deuxième degré décident d’organiser eux-mêmes une «pré-A.G.» destinée à permettre une «réflexion préalable». Cette demande semble indiquer que le fonctionnement en place depuis quelques années ne la permet pas, alors que les délégués à l’A.G. sont élus lors des congrès régionaux et reçoivent en temps utile des textes présentés aux votes de l’A.G. ; contrairement à ce qui semble être indiqué, aucune «pré A.G.» n’a jamais été organisée auparavant :
Le danger de ce dérapage est ressenti par le responsable du stage, lui-même très impliqué dans la volonté d’une réflexion sur le fond :
L’A.G. de 1972 va être suivie d’une période de…turbulences conduisant
– à l’élection d’un nouveau président et d’un nouveau Comité Directeur,
– à la mise en place d’une nouvelle équipe nationale,
– au lancement d’une grande « consultation » de l’ensemble du Mouvement,
– aboutissant à des « Assises » en Avignon en 1974,
– puis à une nouvelle A.G. chargée de redéfinir, à la fois, les orientations générales et le fonctionnement démocratique du Mouvement pour les années à venir.
On peut d’ailleurs y voir une confirmation du choix proposé depuis 25 ans : «Consultation» et «Assises» sont une concrétisation de la volonté de participation de tous aux orientations du Mouvement. Sans entrer dans le détail de ces conclusions, notons simplement qu’elles vont confirmer la référence au scoutisme, mise en cause par certains, et la plupart des choix effectués depuis la Libération.
Cet épisode aura finalement duré cinq ans : il est intéressant car il donne une excellente illustration de la situation que craignait Jean Estève, auteur de «Notre style», quelques années auparavant : la démocratie «appliquée» dans le cadre de notre Mouvement n’est pas très compatible avec l’existence de «tendances» défendant des modes de pensée et de fonctionnement assez fondamentalement différents. Cette période de crise a été significative car elle a, en quelque sorte, montré les limites d’une orientation excessivement «intellectuelle». Mais elle a entériné, à la fois, la volonté de participation de tous et la nécessité d’une meilleure représentativité. Ce qui, finalement, peut être considéré comme un aspect positif…
Cet épisode, venant après les difficultés à faire entrer la démocratie dans notre scoutisme, est intéressant aussi sur un autre point : l’importance d’une «pédagogie» de la démocratie. À suivre ?