… annoncé par « Le Monde » du 29 mai
Par Antoine Flandrin Publié le 27 mai 2020 à 20h23 – Mis à jour le 28 mai 2020 à 14h55
Après avoir intégré, en 1940, un réseau de l’Intelligence Service, elle est arrêtée en 1942 et déportée à Ravensbrück où elle partage son châlit avec l’ethnologue Germaine Tillion. Anise Postel-Vinay ne cessera de témoigner de ces dix-huit mois d’enfer. Elle est morte le 24 mai, à l’âge de 97 ans.
Jusqu’à sa mort à Paris, le 24 mai, à l’âge de 97 ans, Anise Postel-Vinay n’eut de cesse de témoigner sur Ravensbrück. Le souvenir des dix-huit mois passés dans ce camp de concentration réservé aux femmes, situé au nord de Berlin, continuait de la hanter. « On peut croire qu’en vieillissant on oublie, que ça s’estompe, mais c’est le contraire », confiait-elle en 2013 sur France Culture.
Née le 12 juin 1922 à Paris, elle est la fille de Germaine Riss et de Louis-Lucien Girard, un oto-rhino-laryngologiste qui a été médecin pendant la première guerre mondiale. Elle reçoit une éducation « catholique », « républicaine », un peu « puritaine », mais aussi ouverte sur le monde. Après avoir obtenu son bac au lycée Molière dans le 16e arrondissement, elle entreprend des études d’allemand à la Sorbonne. Lorsque le maréchal Pétain demande l’armistice, le 17 juin 1940, sa famille est « consternée, furieuse, en rage, honteuse ». Anise Postel-Vinay est alors prête à rejoindre Londres. Sa mère accepte à la condition qu’elle s’y rende avec une amie. Mais chez les Éclaireuses de France, mouvement de scoutisme laïque dont elle est membre, aucune n’est partante. C’est l’une des plus « grandes déceptions de sa vie ».
Animée par le désir de « faire quelque chose », elle intègre, grâce à sa mère, un réseau de l’Intelligence Service. Les Anglais la chargent de relever les positions des bunkers de la Wehrmacht autour de Paris. Les renseignements qu’elle collecte sont traduits en anglais, photographiés, miniaturisés et envoyés à Londres, cachés dans des boîtes d’allumettes à double fond.
Arrêtée pour faits de résistance
Le 15 août 1942, alors qu’elle vient d’avoir 20 ans, elle est arrêtée pour faits de résistance. Son frère et son père le seront également. Emmenée au siège de la Gestapo, rue des Saussaies dans le 8e arrondissement, elle est incarcérée à la prison de la Santé, avant d’être transférée à Fresnes, le 13 octobre 1942. Elle reste un an seule en cellule avant d’être déportée à Ravensbrück, en octobre 1943. Dès son arrivée, elle comprend à la vue des détenues, « ces femmes aux têtes grises qui n’avaient plus de regard », qu’elle va devoir vivre avec « la menace de la mort ».
Elle y partage le châlit, les planches de bois de son lit, avec l’ethnologue Germaine Tillion (1907-2008) surnommée « Kouri », qui sera, pour elle, « une force ». Elle se lie aussi avec Geneviève de Gaulle (1920-2002), la nièce du général.