Texte, élaboré par Bernard Machu et Jean-Michel Hyvert, prononcé lors de la cérémonie d’adieux à Jean René Kergomard au cimetière de Puy Saint Vincent le 31 juillet 2020
Les Éclaireurs ne représentent qu’un moment – un moment au long cours, tout de même… – et qu’une des causes, au fil des nombreux engagements de Jean-René. Des engagements au nom des plus belles valeurs. De l’Algérie à la rue Mouffetard, du Maroc à la Meuse, d’Arras à la Région Flandres-Artois, au Comité Directeur et à la présidence des Éclaireurs, on ne va pas vous raconter l’histoire, il l’a écrite avec vous…
Nous (Jean-Michel et Bernard), nous l’avons connu vraiment à partir de 1975-76, au Comité Directeur des E.E.D.F., où nous venions d’être élus, avec la fougue, le culot, l’inexpérience et la naïveté de la Jeune Garde… C’était le moment où les Éclaireurs étaient au bord de l’implosion, archéo-scouts contre anarcho-scouts, après les Assises d’Avignon puis TOP76, et partaient en vrille, feu à volonté sur le quartier général ! Quelles bonnes années c’était là, quand on y repense !
Jean-René, trésorier depuis l’année précédente, va au bout son désaccord avec le bureau du CD et le commissaire général de l’époque, et se présente à la présidence à l’issue de l’Assemblée générale de 1977… et est élu ! De justesse… Là, ce fut vraiment la décision clé, celle qui a emporté l’avenir pour longtemps ! Nous ne sommes pas peu fiers, aujourd’hui encore, d’avoir voté pour lui !
Avec la force de l’âge, il savait que l’action de président serait difficile. Il nous paraissait essentiel de sauvegarder notre association. Le travail fut acharné et méthodique, les décisions toujours humaines. Nous retiendrons la gentillesse, l’amitié, l’écoute et la discrétion. L’idéal laïque était bien la ! et toujours l’équilibre entre l’initiative et l’entreprise collective. Parce qu’ensuite, président jusqu’en 1980, ce n’est pas de sauver la boutique, l’appareil, la structure, les traditions, les signes extérieurs et le folklore, qui l’intéresse, bien sûr ! Plutôt de reconstruire avec tout le monde une certaine unité des éclaireurs, ça oui, mais autour des valeurs, celles du fil rouge de toute une vie, l’unité d’un mouvement fidèle à ses racines, certes, mais ouvert, intelligent, et progressiste !
Avec Cascade d’abord, puis François Baize et son équipe, il nous met au boulot sur l’essentiel, où que nous soyons. Et là, toujours à l’écoute, attentif, toujours plein d’une bienveillance qui nous aide tant à prendre et garder confiance, il tient le cap devant nous, avec nous, avec bonté, clarté, et fermeté.
Un seul exemple… S’il fallait reconstruire l’unité des éclaireurs, alors autant se retrousser les manches et reconstruire quelque chose pour de bon, après tant de blablas héroïques ! Succédant à Cappy, qui avait fait son temps – glorieux -, ce fut donc Bécours, le hameau rebâti pierre après pierre, le lieu des retrouvailles et de la reconstruction d’un mouvement ancré dans le monde d’aujourd’hui. Loin des grandes utopies sans cesse remises à un futur indéterminé reculant comme la ligne d’horizon, mais en avançant concrètement, ici et maintenant, à petits ou grands pas, toujours déterminés… De Bécours, il fut l’inspirateur, puis le garant, sachant faire accepter cette aventure pas si déraisonnable à un Mouvement encore bien grognon…
Nous associons ses nombreux amis porteurs du même idéal. Et que ces quelques mots portent le témoignage de notre gratitude, de notre admiration, et de notre infini respect !
Yvon Bastide évoque Jean-René Kergomard – le 31 juillet 2020
Jean-René Kergomard… Dans les années 60, il n’était pas obligatoirement facile d’être le fils de Pierre Kergomard, personnalité passionnée et passionnante du scoutisme laïque, depuis les premières années où son grand-père Jean, avait été parmi les créateurs des Éclaireurs de France. Jean-René était l’exemple même du militant « de base », calme et efficace, à tous les niveaux d’animation, formateur et coordinateur dans son groupe et sa région…
Et puis, notre Mouvement a ressenti les conséquences de la crise qu’a connue notre pays à la fin de la décennie. Emporté dans la tourmente, il risquait de perdre, à la fois, quelques-unes de ses valeurs et de nombreux militants… L’esprit de famille a prévalu, et Jean-René s’est associé à l’équipe animée par quelques grands anciens autour de Pierre François et Jean Estève, pour essayer de proposer des solutions à partir du « Comité Directeur ». Ce n’est qu’après quelques années difficiles que ce projet a pu aboutir, avec une nouvelle étape : Jean-René, trésorier de l’association, a eu le courage de rejeter un budget irréaliste et s’est, presque naturellement, trouvé dans l’obligation d’assurer la succession du président. La période de six ans qui s’ouvrait allait nous permettre de faire connaissance avec cette vraie personnalité…
Lorsque Jean-René m’a demandé de le rejoindre au bureau du Comité Directeur pour chercher ensemble les solutions promises par notre candidature, j’ai évidemment accepté avec un enthousiasme légèrement mêlé de doute car il ne semblait pas facile de sortir d’une situation compliquée. Et j’ai apprécié très rapidement un esprit de synthèse permettant d’agglomérer nos valeurs immortelles, l’idée que s’en faisaient certains de nos militants, les contraintes de l’animation locale… et une bonne dose de réalisme en ce qui concernait les engagements, souvent locaux ou régionaux, qui ne pouvaient être pris en charge qu’au plan national. Sortir d’une période de militantisme souvent aussi égoïste que passionné supposait qu’une action soit menée pour que certains comprennent à nouveau qu’ils appartenaient à une collectivité nationale et pas simplement à leur groupe, à leur centre ou à leur service… (*)
Jean-René a eu l’intuition que cette sortie pouvait être préparée par Claire Mollet, militante du Mouvement à divers niveaux ce qui donnait à son intelligence une véritable vision. Le projet de création d‘un lieu national de rassemblement, d’activités et d’ouverture en a résulté et, après quelques recherches quelquefois folkloriques, c’est le hameau de Bécours qui a été choisi et démontre, après quatre décennies, que ce choix était le bon. De nouveaux militants ont pris le relais et le Mouvement est sorti progressivement de la crise, en grande partie grâce à la personnalité de son président.
Par la suite, lors d’une visite dans nos Cévennes Jean-René m’a raconté son engagement dans les « ingénieurs sans frontières » et les rencontres qu’il y faisait ; j’en ai conclu que son militantisme avait trouvé d’autres pistes. J’ai été heureux de sa participation à l’une des premières assemblées générales de notre « association pour l’histoire du scoutisme laïque » dont il a été un membre fidèle et participant.
Jean-René nous quitte donc après un long parcours fidèle aux valeurs et aux principes portés par sa famille, et le Mouvement en a été l’heureux bénéficiaire !
Yvon Bastide
Président de l’A.H.S.L.
(*) Anecdote peut-être pas « publiable » encore aujourd’hui : le secrétaire général disposant d’une délégation, a pris l’initiative de l’achat d’un centre dans le Nord, avec l’aide financière de ses contacts régionaux, en contradiction avec les instructions formelles du Comité Directeur. Le C.D. a, bien entendu, entériné l’investissement mais le président a jugé utile d’écrire au responsable pour lui reprocher de ne pas jouer le jeu collectif. Ne voulant pas perturber le personnel du siège, il m’a demandé si je savais taper à la machine et m’a dicté une lettre de gentils reproches tout au fait dans son style. Je regrette de ne pas en avoir gardé copie, mais je me rappelle qu’elle disait ce qu’il fallait en évitant toute agression. À l’image de son auteur !
L’investissement est celui de Morbecque et porte le nom de son responsable, Paul Plouvier, alors très proche des responsables socialistes de la région qui l’ont financé en totalité. Il n’en a plus été question par la suite, même si cet engagement non prévu a compromis un temps celui de Bécours.