1998 : quelques jeunes (?) anciens racontent leur parcours à de plus anciens :
En 1998, l’A.A.E.E. (Association des Anciens Éclaireurs et Éclaireuses) organise à Apt, en même temps que son Assemblée générale statutaire, un SADA (Séjour d’Amitié, Détente, Animation), remarquablement organisé par un ancien, Jean Le Boucher, riche de nombreuses activités et, en particulier, d’un entretien avec quelques responsables nationaux relativement récents.
La majorité des participants ayant eu des activités plusieurs années avant la seconde guerre mondiale, il a semblé intéressant à Claire Mollet, plus connue sous son totem de Cascade, d’inviter quelques acteurs des années d’après-guerre à venir raconter leur parcours. En l’occurrence :
– elle-même, venue de la F.F.E. N pour devenir Commissaire régionale, responsable d’un service vacances, Commissaire générale…
– Jean Estève, membre des E.D.F. à Lyon depuis les années 30, devenu après son retour de déportation Commissaire national branche éclaireurs, puis, en 1961, Commissaire général et dans les années 70 membre du Comité Directeur…
– Yvon Bastide, membre des E.D.F. depuis 1945, devenu membre dans les années 60 de l’équipe régionale de Paris, membre associé de l’équipe nationale, puis membre du Comité Directeur.
Tous trois ont raconté leur vie « militante ». Leurs exposés ont été enregistrés et nous en avons retrouvé les textes que vous trouverez ci-après, pratiquement dans leur intégralité, avec, de temps en temps, quelques commentaires de l’enregistreur…
« Cascade » ouvre la séance en présentant les intervenants :
Jean Estève, tout de suite après la guerre, après des années assez terribles pour lui, a été Commissaire national de la branche Éclaireurs puis plus tard, (…) il a été Commissaire Général au 66 Chaussée d’Antin avant de s’en aller à nouveau vers l’Éducation Nationale.
Yvon Bastide (…) n’a jamais été permanent du Mouvement, mais (…) il a été mêlé tout de même de très près à la vie de l’Association comme Commissaire régional de Paris puis comme membre du Comité Directeur pendant les années difficiles, amusantes… Jean Estève était aussi membre du Comité Directeur dans les moments difficiles (…) .
Jean Estève, donc, va commencer à nous parler de l’évolution de notre Mouvement depuis la guerre, surtout, de l’adaptation nécessaire à l’évolution de la société, avec, comme dernier engagement d’importance, la fusion avec la branche neutre de la F.F.E.
Yvon Bastide, lui, (…) va nous apporter quelques lumières sur les séismes qui ont secoué le Mouvement dans ces années-là.
… et évoque la F.F.E. :
Avant que Jean Estève n’entame, en particulier, tous les problèmes qui se sont posés autour de la fusion avec la F.F.E., (…) il y a deux ou trois petites choses que je voudrais vous dire, parce que la F.F.E., aussi, elle a eu son « avant la fusion ». (…)
Ce qu’on peut dire tout de même, je crois être l’interprète de nous toutes ici, c’est la trace profonde qu’a laissée la F.F.E. pour chacune de nous, d’abord parce que, dès les années 20, elle s‘est adressée à des filles, ce qui était déjà assez extraordinaire ; elle leur a proposé, à travers le scoutisme, une ouverture qui était encore plus formidable pour elles que pour les garçons. Et surtout, à partir de 1922, la création d’une fédération où trois branches se décidaient à travailler ensemble. Là, ce qui est extraordinaire, à la F.F.E. on est devenues des parallèles qui se rencontrent ! C’est quand même quelque chose qui est extraordinaire ! (remous dans l’assistance)…
Une branche Protestante, une branche Israélite, une branche qui s’est appelée Neutre parce que je pense qu’à l’époque le terme n’avait pas le même écho qu’aujourd’hui. (…)
Même une quatrième, qui s’appelait Libre, où la religion catholique pouvait être évoquée (…) mais qui, à la différence des Guides, ne dépendait pas des paroisses. Quelque chose de très libre, de très souple à l’intérieur de la Fédération. (…)
Moi qui suis arrivée à la F.F.E. adulte comme cheftaine, et avais reçu une éducation assez sévère, profondément laïque, de parents militant dans l’enseignement, je me suis trouvée parfaitement à l’aise au milieu de toutes les filles de la F.F.E..
Nous étions toutes des femmes différentes, par le milieu, l’éducation, la religion, le caractère – les malins diront que c’est parce qu’il était mauvais – (remous dans la salle). Mais c’est vrai qu’une de mes premières surprises a été de voir à quelle trempe de femmes on avait à faire, dans le camp national par exemple, et pourtant des femmes qui étaient parfaitement décidées à travailler ensemble ; à se comprendre, à essayer de s’accepter. Ça pouvait aller très loin, à une espèce d’osmose, quelle que soit la branche à laquelle on appartenait. Je me suis entendu dire une fois que j’avais « une tête d’E.U. » (rires dans la salle). Venant d’une E.U. j’ai pris ça pour un grand compliment ! (…).
Mais je vais laisser Jean Estève nous raconter l’histoire (applaudissements nourris).