Ce document est très intéressant et pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, la création de deux associations différentes de scoutisme « ouvert à tous », en 1911, a été due, essentiellement, aux divergences de vues des deux créateurs, Pierre de Coubertin pour les E.F. et Nicolas Benoît pour les E.D.F., aussi bien sur les principes que sur les modalités. On en trouvera la trace dans les lettres de Nicolas Benoît à Chéradame retrouvées par notre ami Guy Wilmes. Si Nicolas Benoît participe, deux ans et demi après cette création, à la commission chargée de préparer la fusion, on ne retrouve pas Coubertin dans ce projet.
Un point important : l’allusion au « serment » au début du projet d’accord, en préalable à « l’amélioration des codes existants ». La fiche Scoutopedia indique que Pierre de Coubertin n’avait pas adopté le principe de la promesse proposé par B.P., cet accord correspondrait donc à une modification de doctrine de la part des E.F.. À noter qu’aucun autre point (notamment la conception de la laïcité) n’est évoqué dans ce document.
Deuxième aspect, la prédominance des Éclaireurs de France semble nette dans le projet d’accord sur la plupart des points évoqués (dénomination – il ne reste plus que le terme de ligue – insigne, ce sera celui des E.D.F. et le Gaulois cher aux E.F. sera cantonné dans une décoration, revue, siège, présidence…). On peut y voir, de la part des représentants des E.F., une prise de conscience d’une situation de concurrence difficile à assurer, surtout dans une période où les événements vont imposer l’union de tous dans le péril.
Troisième aspect, l’accueil de ce projet dans le cadre des E.F., qui laisse penser que leurs représentants se sont beaucoup avancé dans leurs acceptations – ou qu’ils n’étaient pas vraiment représentatifs de la majorité de leur association – : les réactions notées lors de leur A.G. ont provoqué, non seulement une absence de réponse aux E.D.F., mais aussi, et surtout, la démission de personnalités importantes, dont leurs principaux représentants à la commission mixte. Les remarques formulées par le C.D. des E.D.F. sur les suites à donner aux exclusions confirment apparemment l’existence de conflits locaux qui ont peut-être provoqué les réactions négatives de « certains groupes de province ».
Enfin, les responsables parisiens des E.F. choisissent immédiatement d’en démissionner et de rejoindre les E.D.F. ; il faudra attendre cinquante ans pour que leurs collègues fassent de même, mais le conflit n’était pas terminé : lors de la création du « nouveau Mouvement » en 1964, un certain nombre de groupes E.F. (Paris, Vincennes, Limoges, Provence…) refuseront la « fusion » et rejoindront diverses associations dissidentes.
Dernières remarques :
– les militaires sont vraiment très présents dans les organes dirigeants des deux associations ; on peut se demander quels conseils « techniques » peuvent être apportés à un scoutisme toujours débutant ?
– le style des rapports et des échanges épistolaires est très… respectueux.