Denise JACOB-VERNAY
et Simone JACOB-VEIL
Extraits de l’ouvrage « Une jeunesse engagée »
Denise et Simone Jacob ont été toutes deux arrêtées et déportées, Denise pour fait de Résistance et Simone pour son appartenance. Leur parcours est évoqué par l’ouvrage « Les Combattantes de l’Ombre, histoire des femmes dans la Résistance » de Margaret Collins Weitz, édité chez Albin Michel en 1997 et dans « Éclaireuses pendant la guerre », de Denise Joussot, édité chez Mario Mella en 1999.
« Dans la France d’avant 1939, femmes et jeunes filles ne se voyaient accorder qu’un minimum d’indépendance. (…) Avec la guerre cependant, l’emprise des conventions se relâcha : quantité de familles éclatèrent, le père étant prisonnier de guerre ou réfractaire, les jeunes filles forcées, pour des raisons financières, de prendre un travail beaucoup plus tôt qu’elles ne l’auraient fait en temps normal. On leur consentit souvent une autonomie qui eût été impensable quelques années auparavant.
D’aucunes, comme Denise (Jacob) Vernay, découvrirent qu’il fallait payer le prix de cette liberté acquise en travaillant pour la résistance. Denise, un des nombreux agents de liaison à opérer en solitaire, était la sœur de Simone Veil. Juive, la famille Jacob ne pratiquait pas. Le père, architecte dont plusieurs programmes avaient été primés, se situait politiquement dans les rangs du Centre droit. La mère inclinait plutôt pour le Front Populaire. En 1925, ils quittèrent Paris pour s’installer à Nice où Monsieur Jacob espérait élargir sa clientèle. Bien que la région fût occupée par les Italiens depuis les premiers temps de la guerre, il lui fallut déchanter devant la multiplication des mesures antisémites.
Denise et Simone choisirent d’entrer chez les Éclaireuses, groupement scout laïque, plutôt que chez leurs équivalents juifs. Pour Denise, comme pour d’autres Résistantes, cette formation se révéla extrêmement utile. Aînée de trois sœurs, elle décida de se rendre à Lyon pour s’engager dans la Résistance. Grâce à l’une de ses cheftaines, elle avait obtenu un rendez-vous avec un des membres du Mouvement. En 1943, à l’âge de dix-neuf ans, Denise fut donc enrôlée en qualité d’agent de liaison par Franc-Tireur, mouvement qu’il ne faut pas confondre avec les groupes F.T.P. (Francs-tireurs et partisans) organisés par le P.C. La jeune femme porta divers pseudonymes et changea fréquemment d’adresse. Elle habita longtemps seule une ville qu’elle ne connaissait pas.
« Vous n’imaginez pas à quel point l’activité d’agent de liaison vous oblige à développer votre mémoire. Pour commencer, vous changez tout le temps d’identité. Ce qui implique des noms différents, des adresses et des cartes d’identité différentes. Arrêté, questionné, vous devez vous rappeler tous les détails de votre identité du moment. Cela sans compter les nombreux messages qu’il fallait mémoriser. Les mettre par écrit aurait été trop dangereux »…
En 1944, la famille Jacob tout entière, sauf Denise, fut arrêtée parce que juive. Déportés, ses membres allèrent de camp en camp. Ni les parents, ni leur fils ne revinrent. Denise, qui ne subit le même sort que plus tard, mais pour faits de Résistance, survécut, ainsi que ses sœurs. »
(Extrait de « Les combattantes de l’ombre »)