« Vers mes quatorze ans, mes parents m’ont inscrite aux Éclaireuses. (…) J’ai trouvé cette période formidable. »
Née en 1923, décédée en 2018. Son totem : Biche. Sa cheftaine était médecin et psychologue.
Une fiche « wikipedia » lui est consacrée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Wahl
L’exode :
« Dès le mois de mai 1940, une partie de la population de Lunéville s’apprêtait à fuir. (…). Mon frère, Bernard, qui avait alors moins de quinze ans, (…) avait pu acheter une vielle auto (…) Nous y avions entassé des valises, des paquets (…) » et deux matelas sur le toit. Cinq personnes ont pu s’y installer : mère, frère et sœur, tante et cousine.
Il n’y avait plus de place pour Anne, leur père, une tante et un cousin de 10 ans emmené par des voisins. « Je leur ai dit de ne pas s’inquiéter, que j’allais prendre ma bicyclette. » Elle a 16 ans et demi et part seule en vélo, en fixant un rendez-vous. Mais, malgré tout son courage pour pédaler sans relâche, avec les encombrements de l’exode, les attaques des Stukas, elle n’a pas pu les retrouver. Elle a retrouvé son jeune cousin que les voisins étaient contents de lui confier. Le chauffeur d’un camion a accepté de les emmener tous les deux, avec sa famille. « Après avoir traversé le Massif central, (ils arrivent) plusieurs jours plus tard à Villefranche-de-Rouergue, à 900 km de Lunéville. » Elle retrouvera finalement sa famille.
La période de la guerre :
Elle fait une formation d’infirmière puéricultrice à la faculté de Clermont-Ferrand. Le Professeur Rohmer, de l’université de Strasbourg repliée, lui trouve une place dès sa sortie en 1942, au préventorium de Prélenfrey-du-Gua, en Isère, « à mille mètres d’altitude, au pied des montagnes du Vercors, au milieu de petites collines, de prairies et de forêts. (…) le village avait plutôt l’air d’un hameau. (…) La directrice du préventorium, Mme Guidi, une protestante, y vivait avec sa famille en complète autarcie. (…)
J’ai rapidement apprécié ces gens que j’ai trouvé passionnants. La famille était composée de cinq personnes qui, chacune, jouaient un rôle bien déterminé. »
Auprès de la trentaine d’enfants, Anne qui a 19 ans, est à la fois infirmière, maîtresse d’internat, veilleuse de nuit, enseignante et cheftaine éclaireuse, avec un jour de congé par semaine, utilisé pour des courses à Grenoble.
« Je m’étais fait une dizaine de bons amis, filles et garçons. Nos relations étaient très fraternelles. » Édouard, doté d’une culture littéraire, l’aide à préparer le concours d’Infirmière-assistante sociale d’État. « Malgré la guerre, nous essayions de vivre à peu près normalement. Nous nous réunissions (…) nous organisions quelques fois des balades, en forêt ou ailleurs. »
Ils étaient en zone « libre » sous un contrôle italien quasiment inexistant.
La Résistance et l’aide aux enfants cachés :
« L’un de mes camarades, dont j’ignorais totalement qu’il était résistant m’a demandé si je pouvais rendre un service. (…) J’ai accepté. Je sentais que je pouvais faire quelque chose pour la France. » Parmi les résistants et amis qu’elle fréquente, il y a des Éclaireurs de France venus de Marseille et son frère qui l’a rejointe avant d’être obligé en janvier 44, de prendre le maquis à cause du STO. Elle a transporté des bandes de drap pour l’hôpital du maquis à La Mure, un pistolet et des papiers à Lyon, a servi de boîte aux lettres entre maquisards, a porté des messages en ville, a prodigué des soins infirmiers au 8° FTPF cachés à la ferme Les Vincents, s’est occupée des 20 enfants juifs confiés notamment par l’O.S.E. (Œuvre de secours aux enfants), tandis qu’une trentaine d’adultes habitaient dans les fermes des environs et que des armes étaient cachées au préventorium.
Le 22 juillet 44, trois cents Allemands arrivent à Prélenfrey. Prévenus, les plus grands enfants organisés en équipes éclaireurs, ont l’habitude de partir dans diverses fermes, cabane, en cas d’alerte et de ne revenir qu’au signal du drap étendu. Trois soldats visitent le préventorium. Anne met sa tenue d’infirmière et dirige la visite. Elle comprend que ce sont des Polonais enrôlés. En allemand appris au collège, elle leur explique que les enfants sont contagieux et évite ainsi la visite (de la cache d’armes). Elle détourne l’attention : elle doit faire un ravitaillement au village, et parvient à se faire aider des soldats qui lui poussent la brouette. Ce faisant elle passe sur la place du village où d’autres Allemands, après avoir brûlé la ferme Vincent sans avoir pu capturer les maquisards, ont réuni trente-deux hommes de tous âges, face contre le mur de l’école, les menaçant de mort. La voyant ainsi passer ils diront qu’ils ont été soulagés : ni les enfants juifs, ni les armes n’ont été repérés, leur silence pouvait continuer. Elle dit aux soldats que se sont tous des paysans, que les maquisards sont partis dans l’après-midi.
Juste parmi les Nations :
Pour le secours apporté aux enfants juifs, à la demande de survivants, elle a été nommée par Yad Vashem, Juste parmi les Nations le 22 mai 1994. Les Guidi et le village entier ont eu aussi cette distinction.
Après la guerre :
Après la guerre, elle épouse Roger Wahl, en région parisienne. Elle a trois enfants, un garçon et deux filles, dont elle a plaisir à s’occuper. Elle s’engage dans la vie sociale et associative de Bourg-la Reine, puis de Bièvres, mais refuse d’être au Conseil municipal : éducation sexuelle dans les écoles et lycées, création d’un ramassage scolaire, et d’associations de loisirs et de culture.
Puis elle abandonne son métier de conseillère du travail pour collaborer avec son mari et l’entreprise d’import-export de matériel médical qu’il crée. Ils voyagent beaucoup ensemble et elle se charge de l’accueil des clients étrangers de passage pour leur assurer gîte et couvert dans sa maison.
Pour répondre aux questions de ses petits-enfants et probablement leur laisser un héritage spirituel, elle a écrit, à compte d’auteur, un mémoire de vie contextualisé. Ce fut, à ce qu’elle dit, à 90 ans, une occasion de réinterroger ses souvenirs et de compléter sa connaissance de l’Histoire.
Elle est sensible à la guerre d’Algérie, d’où le « s » à guerres dans son titre :
Nanou, odeurs de guerres, parfums de vie. 2013, d’où sont tirées les citations complétées par les informations du roman « Le barrage de l’espoir », écrit pas son frère Bernard Delaunay (paru en 2009 – ISBN : 2-914848-85-4) qui relate ses propres faits de résistance.
La fiche du Site Justes parmi les nations, Yad Vachem https://yadvashem-france.org/les-justes-parmi-les-nations/les-justes-de-france/dossier-5892A/?
Pour le site de l’AH.S.L. et une éventuelle réédition de l’ouvrage « Une jeunesse engagée », Nelly Gibaja a organisé en 2017 une interview d’Anne à son domicile.